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Travailleurs autonomes : l’exécutif propose de leur accorder certains droits des salariés
La question des allocations chômage pour les indépendants est à l’ordre du jour, comme en témoigne le projet de loi en cours d’élaboration par la ministre du travail sur les parcours professionnels. Au-delà, le législateur semble vouloir encourager certaines formes de travail autonome, en permettant à des travailleurs, proches du travail indépendant, de bénéficier de certaines règles du travail salarié.
Promesse du candidat Macron, la possibilité de bénéficier de l’assurance chômage pour des catégories qui, jusqu’alors en étaient exclues (indépendants, entrepreneurs, commerçants, artisans…) est en passe de se transformer en réalité. Sous conditions toutefois et pour certaines catégories d’indépendants. Le 22 février dernier, les partenaires sociaux ont sont ainsi parvenus à un accord sur la réforme de l’assurance chômage et abandonné la proposition d’une indemnisation prise en charge par celle-ci pour les entrepreneurs. Ils ont toutefois proposé qu’un régime public dont le financement serait assuré par l’impôt et qui serait distinct de l’assurance chômage des salariés, puisse être mis en place, selon « un fait générateur strict . De son côté, le gouvernement propose une indemnisation plafonnée à 800 euros par mois, d’une durée de 6 mois au maximum et dans le cas d’une « liquidation judiciaire » – ce qui, en l’état, exclut les « économiquement dépendants » comme les chauffeurs livreurs ou les conducteurs de véhicules attachés à une plateforme de mise en relation. De plus, l’indépendant devra justifier d’un bénéfice annuel d’environ 10 000 euros. Ce nouveau droit, qui devrait être financé par la CSG, n’est pas encore en vigueur : le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sera présenté en conseil des ministres vers la fin du mois d’avril. Il fera ensuite l’objet d’une discussion et d’un vote au Parlement.
Le statut du salariat reste le modèle de référence pour le législateur
Cette évolution du « modèle indépendant » est au cœur d’une réflexion globale menée par l’exécutif. « Le législateur a voulu encourager certaines formes de travail autonome en permettant à des travailleurs, proches du travail indépendant, de bénéficier des règles du travail salarié ou de certains droits attachés au salariat », note France Stratégie (1). Pour ce faire, de nouvelles catégories de « tiers » ont été imaginées en vue « d’une part d’assumer juridiquement en lieu et place du travailleur la relation d’affaires qui unit ce dernier à son donneur d’ordres et d’autre part de conférer à cette relation un statut protecteur ». Le portage salarial en est l’une des déclinaisons, mais qui concerne surtout des salariés qui doivent justifier « d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permet de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix ». Pourtant, indique France Stratégie, « le portage salarial reste mal connu : les statistiques publiques ne permettent pas de l’appréhender et les données en circulation sont parcellaires ».
L’étude se penche sur une autre catégorie : l’« entrepreneur salarié » dans une coopérative d’activité et d’emploi (CAE) – sur le fondement de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. A la différence du portage salarial, les entrepreneurs salariés ont vocation à être parties prenantes àla coopérative « du fait des prérogatives que leur confère la qualité d’associé qu’ils doivent acquérir dans un délai de trois ans maximum à compter de la conclusion du contrat ». Mais comme pour le portage, France-Stratégie indique qu’il n’existe aucune statistique officielle sur ces coopératives (même si deux réseaux qui les fédèrent, « Coopérer pour entreprendre » et « Copéa », rassemblent respectivement 74 et 30 CAE représentant 9 500 entrepreneurs).
Finalement, le rapport montre que « c’est le statut du salariat qui reste le modèle de référence retenu par le législateur lorsqu’il souhaite protéger certains travailleurs autonomes ou encourager des formes de travail indépendant ». Il le fait en décidant d’appliquer certaines dispositions du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Mais cette application partielle peut « représenter un risque si des salariés qui n’ont ni l’autonomie ni la qualification suffisantes sont incités, voire contraints, à opter pour ces statuts d’emplois », et « elle est une régression s’ils sont dans une situation de trop grande dépendance économique à l’égard de leurs donneurs d’ordres ». Cette réflexion nourrira sans doute les discussions à venir, au Parlement et en dehors, sur les droits des indépendants.
(1) « Le tiers dans la relation de travail : entre fragmentation et sécurisation de l’emploi » (note d’analyse, mars 2018, n°65).
Claire Padych
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