Interview
Silvère Jauny, créateur du robot Medi Pep : « Ce qui manque, ce sont les idées. Les technologies, nous les avons déjà »
Pour porter assistance aux professionnels de santé dans les maisons de retraite, Silvère Jauny et son associé ont mis au point Medi Pep, un robot capable de mesurer les signes vitaux et de les transmettre au personnel. Rencontre avec cet entrepreneur qui souhaite « accélérer l’adoption de nouvelles solutions numériques et robotiques. »
Vous avez créé Medi Pep, un robot professionnel d’assistance des équipes médicales pour les maisons de retraite. Quel a été votre point de départ ?
Silvère Jauny : « Mon associé et moi-même avons un double cursus industriel et médico-social. Nous ne concevons pas de robots à proprement parler mais nous nous appuyons sur des technologies qui existent déjà pour répondre à une problématique d’un secteur. On liste les acteurs qui exercent dans ce domaine ainsi que la technologie disponible et nous réfléchissons à ce qu’il est possible de faire. Avant d’imaginer Medi Pep, nous avions en tête tous les soucis rencontrés en maison de retraite : les personnes âgées n’osent pas déranger plusieurs fois une infirmière, or ils ont besoin d’être rassurés. Ils peuvent parfois attendre un long moment avant qu’un membre du personnel soignant vienne les voir. Medi Pep, qui a pour base le robot Pepper, sera placé dans une pièce, prêt à accueillir les patients quand ils le souhaitent et autant de fois qu’ils le veulent.
Comment avez-vous adapté Pepper (ce robot humanoïde utilisé pour accueillir la clientèle des magasins au Japon notamment) à votre cible ?
Pepper, qui a été créé par Softbank robotics, est doté d’une tablette numérique que nous avons remplacée par un grand écran de télévision. Les personnes âgées peuvent ainsi lire les sous-titres et lui répondre. Il diffusera aussi des vidéos explicatives. Enfin, nous avons placé le robot dans un environnement qui lui est propice : seul avec un interlocuteur unique dans la pièce. En effet, les précédents essais, notamment dans les gares françaises, ont prouvé que Pepper s’adapte mal à la foule : lorsqu’il y a plusieurs personnes autour de lui, sa reconnaissance faciale lui fait défaut et il ne sait plus à qui s’adresser.
Quelles seront les fonctions concrètes de Medi Pep ?
Notre robot aura une pièce attribuée pour réaliser ses examens médicaux. Les personnes âgées pourront le solliciter pour évaluer leurs paramètres vitaux grâce à des outils connectés par Bluetooth. Celui-ci posera des questions au patient sur son état de santé, ainsi que ses symptômes et transmettra les informations par mail ou sms au personnel médical. Si la santé du patient lui semble critique, il pourra prévenir une infirmière. Mais Medi Pep ne livre pas de diagnostic. Il est seulement conçu pour épauler le personnel soignant.
Êtes-vous certain que les seniors adhéreront facilement à cette technologie ?
Oui, c’est une partie de la population qui est enthousiaste face aux évolutions technologiques. Vous savez, on parle beaucoup de la silver économie (soit l’économie liée aux seniors) mais ça ne bouge pas beaucoup. Pourtant, dans les 20 prochaines années, il y aura 6 fois plus de personnes âgées qu’aujourd’hui.
Pourquoi, selon vous, la silver économie ne décolle pas ?
Aujourd’hui, on a beaucoup de belles machines. Mais on ne sait pas quoi en faire. Tout le monde travaille sur des projets mais ce qu’il faut, ce sont des personnes qui connaissent aussi bien la robotique que le secteur sur lequel leur technologie va agir. C’est un peu comme les smartphones : sans les applications, leur utilité est assez limitée. Je ne pense pas que l’on ait besoin d’un énième robot mais plutôt d’une société agile. C’est pourquoi nous avons choisi chez Spin’R d’utiliser des technologies déjà existantes. Notre objectif est d’accélérer l’adoption de solutions numériques et robotiques par les sociétés. Plus qu’une technologie simple d’utilisation, nous ambitionnons de mettre au point une technologie transparente techniquement parlant et la plus autonome possible.
Quand Medi Pep sera-t-il prêt à être commercialisé ?
Il sera en phase d’essai grandeur nature en juillet et en août, puis il entrera sur le marché en septembre. Après plus d’un an et demi de travail, toutes les fonctionnalités de notre robot fonctionnent. Nous réfléchissons d’ailleurs à mettre au point une version pour les particuliers, ce qui permettrait de rassurer et aider les personnes âgées résidant à leur propre domicile. »
Propos recueillis par Melissa Carles
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