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Statut des indépendants : « Il faut continuer à animer le débat »
« Est-ce la fin du salariat à l’ancienne ? » Voici la question que se posait l’Observatoire des Indépendants, le 12 septembre dernier, à l’auditorium du Monde. Face au secteur numérique qui transforme les usages du travail, 9 spécialistes ont partagé leurs questionnements, leurs analyses et leurs inquiétudes.
« Si on n’a pas le bon CDI à la papa, c’est compliqué… » Invitée à partager sa réflexion sur la situation actuelle des entrepreneurs lors de l’événement #futureofwork, organisé par l’Observatoire du travail indépendant, Emmanuelle Barbara ne mâche pas ses mots. « Mon sentiment est qu’il n’y a pas de consensus, soutient l’avocate spécialiste en droit du travail chez August et Debouzy. Le surgissement de cet archétype de la personne indépendante est assez important pour qu’on la regarde de plus près. La société pousse les individus à maîtriser leur vie, mais on désigne ceux qui ont fait le choix d’être leur propre patron comme des « non-salariés ». Ils forment aussi « le précariat », des notions assez négatives, d’autant plus que, par ce statut, leur accès au logement et au crédit est compromis. » Pour l’experte, deux questions se posent aujourd’hui : « Faut-il modifier le modèle social ? » et « La société est-elle prête à considérer ce statut comme égal aux autres ? »
L’entrepreneuriat : une ambition pour 28 % des Français
Selon Guillaume Cairou, auteur du livre Startup République, « 28 % des Français rêvent de devenir entrepreneurs, soit 19 millions d’individus ! Il y a un essor du travail indépendant en France, notamment avec les nouveaux services à la personne. Voilà la solution pour le budget de la France ! » Le fondateur du groupe Didaxis-Hiworkers, spécialiste du portage salarial, se pose aussi cette question : « Comment cette économie numérique peut amener un peu d’inclusion ? » La société a le temps d’y réfléchir, précise-t-il. « Les 50 % d’emplois transformés par l’intelligence artificielle, ce n’est pas pour tout de suite ! »
Digitalisation et inquiétude
La transformation digitale constitue justement un sujet préoccupant pour Dominique Carlac’h, vice-présidente du Medef. « Cette mutation numérique est une opportunité mais aussi une menace, expose-t-elle. Nous en sommes à la 4ème révolution technologique, après la production de masse, la consommation de masse et la personnalisation de masse. » Un entre-deux qui n’est parfois pas facile à gérer. « La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, est convaincue que nous devons aller vers un système universel. Cette question me semble plus complexe. Un nouveau cadre économique est nécessaire. Je suis convaincue que nous sommes capables d’inventer une nouvelle forme de capitalisme. Mais il faut faire attention à ne surtout pas détruire les droits sociaux déjà acquis. »
Les paroles de la ministre du Travail sont aussi citées par Cyril Cosme, directeur Bureau de France de l’Organisation Internationale du Travail. « Le rythme de la création d’entreprise est supérieur à la création d’emplois a dit Muriel Pénicaud. Bien qu’il soit essentiel de distinguer les nouvelles formes d’embauche, je pense qu’il serait bien illusoire de tout miser sur l’entrepreneuriat… »
« La norme du travail, qui est aujourd’hui le CDI, reste inadaptée au nouveau monde numérique !, renchérit Hervé Novelli, fondateur du site WikiPME. De plus en plus d’entreprises ont besoin de quelqu’un à un moment, mais pas pour toujours… il faudra peut-être plus se tourner vers des contrats à mission, plus adaptés. »
Pour tous les intervenants, le salariat à l’ancienne est donc bien terminé, mais, comme le précise la langue acérée d’Emmanuelle Barbara, « il y a encore du travail… »
Mélissa Carles
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