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Comprendre la transformation du CICE en baisse de charges patronales
Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) est supprimé depuis le 1er janvier 2019 (sauf à Mayotte). Il est remplacé par un allègement de cotisations patronales. L’année 2019 est une année de transition : les entreprises bénéficient des 2 dispositifs. Explications.
Des cendres du CICE est née une baisse pérenne de cotisations sociales à la charge de l’employeur dont une réduction du taux de cotisations patronales de l’assurance maladie. La bascule devrait s’effectuer en douceur.
1er janvier 2019 : une baisse de charges remplace le CICE
Depuis le 1er janvier 2019, les rémunérations n’excédant pas 2,5 Smic n’ouvrent plus droit au CICE. En revanche, elles entrent désormais dans le nouveau champ d’application de la réduction générale des cotisations patronales. On trouve en remplacement du CICE :
- une réduction de 6 points du taux de la cotisation patronale d’assurance maladie pour les rémunérations brutes inférieures ou égales à 2,5 Smic.
- une extension du champ des exonérations aux cotisations de retraite complémentaires AGIRC-ARRCO/AGFF (soit une augmentation du taux maximum d’exonération de 6,01 points) et aux contributions d’assurance chômage (soit une augmentation du taux maximum d’exonération prévue de 4,05 points).
Remarque : sauf exceptions, l’extension du champ de l’exonération aux contributions chômage n’interviendrait qu’au 1er octobre 2019 et concernera seulement les bas salaires. Un second report au 1er janvier 2020 n’est pas à exclure.
Aussi, il faut savoir que les employeurs sont déjà partiellement ou totalement exonérés de la cotisation maladie pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 Smic. C’est pourquoi, afin que la bascule du CICE en baisse de charges soit pleine et entière, une articulation particulière entre la réduction du taux de la cotisation maladie et l’extension de l’exonération de la cotisation retraite complémentaire a été mise en place :
- À 1 Smic : les employeurs bénéficient d’une exonération de 6,01 points de cotisations AGIRC-ARRCO/ AGFF (parce que les salariés rémunérés au Smic sont complètement exonérés de cotisation maladie).
- De 1 à 1,6 Smic : la cotisation maladie est graduellement supprimée selon le salaire (en partant de 1,6 Smic jusqu’à disparaître totalement à 1 Smic) et l’exonération de cotisations AGIRC-ARRCO/AGFF fait le chemin inverse (6 points à 1 Smic et pas d’exonération à 1,6 Smic).
- De 1,6 à 2,5 Smic : les employeurs bénéficient d’une baisse définitive de 6 points de la cotisation maladie.
Bon à savoir : ce nouveau mécanisme remplaçant le CICE remplace aussi le CITS (crédit d’impôt de taxes sur les salaires) également supprimé depuis le 1er janvier 2019. Il s’applique pour les salaires des périodes de travail qui ont débuté à partir du 1er janvier 2019.
Enfin, d’après l’Urssaf, le coefficient maximal (T) de la réduction générale pour les rémunérations des périodes du 1er octobre au 31 décembre 2019 est de 0,3214 pour les employeurs qui connaissent le taux Fnal de 0,1 % (moins de 20 salariés) et de 0,3254 pour ceux qui connaissent le taux Fnal de 0,5 % (plus de 20 salariés).
À compter de 2020, il sera de 0,3205 pour les premières et de 0,3245 pour les secondes.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) était un avantage fiscal proposé aux entreprises pour leur permettre d’améliorer notamment leur compétitivité. Il était ouvert à toutes les entreprises (y compris les TPE) qui emploient des salariés, imposées selon leur bénéfice réel, à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur les sociétés (IS). Il s’appliquait indépendamment du mode d’exploitation de l’entreprise, du secteur d’activité ou de la catégorie d’imposition (BIC, BNC ou BA).
Le CICE était imputé sur l’IS ou l’IR. Il était calculé sur les rémunérations brutes versées aux salariés n’excédant pas 2,5 Smic. Ces rémunérations devaient être soumises aux cotisations sociales et être déductibles du résultat de l’entreprise.
Le taux du CICE était égal à 6 % des rémunérations versées depuis 2014. Il est ensuite passé à 7 % pour les rémunérations versées à partir du 1er janvier 2017, puis a été ramené à 6 % pour celles versées à compter du 1er janvier 2018.
Un éventuel excédent de CICE pouvait exister lorsque le montant du CICE était trop élevé par rapport au montant de l’impôt dû. Il devenait alors une créance sur l’État qui devait être imputée sur les impôts relatifs aux trois années suivantes.
S’il demeurait une créance à l’issue de ces 3 ans, l’entreprise pouvait demander un remboursement à l’État (pour sa fraction non utilisée). Malgré la suppression du CICE 2019, les créances de CICE 2018 peuvent donc encore être remboursées ou imputées sur l’impôt 2019, 2020 et 2021 !
Bon à savoir : certaines entreprises (notamment les PME) n’avaient pas à attendre 3 ans pour demander le remboursement (les jeunes entreprises innovantes, les entreprises nouvelles ou en difficulté et les entreprises comptant moins de 50 millions d’euros de CA, moins de 250 salariés et ayant un bilan inférieur à 43 millions d’euros).
Le CICE a été mis en œuvre en 2013 et constituait une des mesures phares du quinquennat de François Hollande. Au lendemain de la crise économique, ce dispositif avait un double objectif : relancer la compétitivité en abaissant le coût du travail et réduire le taux de chômage.
Or, ce double objectif pouvait paraître contradictoire. Le premier imposait une baisse de charges globale (y compris sur les salaires moyens voire élevés) tandis que le second exigeait seulement une baisse de charges sur les bas salaires.
De ces deux logiques dont le CICE est tributaire proviendrait l’inefficacité du CICE. La bascule en baisse de charges patronales en 2019 tend vers le second objectif. À cet égard, une note du Conseil d’analyse économique (CAE) de janvier 2019[1] prône l’efficacité sur l’emploi d’une baisse de charges concentrée sur les bas salaires (non sous forme de crédit d’impôt).
Aussi, le crédit d’impôt avait été plébiscité à l’époque afin de réduire l’impact sur le budget de l’État 2013. Cependant, le décalage d’an moins 1 an entre le versement du salaire et la perception du crédit nuit à l’efficacité du dispositif. Le remplacement du CICE par une baisse de charges définitive présente l’avantage d’un gain de trésorerie facilité et immédiat.
Enfin, le CICE fut critiqué pour son coût. En effet, il s’agissait d’un mécanisme d’envergure touchant près de 80 % des salariés français et valant jusqu’à 20 milliards d’euros par an. Dans son ensemble, le CICE aurait coûté à l’État près de 100 milliards d’euros.
Selon France Stratégie, la bascule du CICE en baisse de charges patronales « représenterait un gain en trésorerie très significatif pour les entreprises en 2019 », de l’ordre de 20 milliards d’euros, et ce notamment grâce au cumul des deux dispositifs (CICE 2018 et baisse de charges).
Toutefois, à court terme, ce gain peut être tempéré par ce que l’on appelle « l’effet retour de l’impôt sur les sociétés (IS) ». La diminution des charges patronales déductibles du résultat imposable provoque l’augmentation de ce résultat imposable qui augmente de facto le montant de l’impôt dû.
Jointe à d’autres effets indirects, la transformation du CICE en baisse de charges patronales « serait a priori neutre d’un point de vue strictement comptable », poursuit France Stratégie. Cet effet serait davantage neutre pour les entreprises bénéficiaires depuis 2018 (contrairement à celles déficitaires depuis 2018 qui constateraient un impact positif sur leurs comptes dans le cas d’un salarié à 1 Smic par exemple).
[1] « Baisse de charges : stop ou encore ? », Conseil d’analyse économique, Janvier 2019.
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