Interview
Brigitte Herbomez, DG de Wim Bosman France
Entreprise de logistique internationale de 42 salariés, Wim Bosman est la première –et la seule– PME a détenir le label « égalité professionnelle hommes/femmes », décerné par le ministère délégué à la cohésion sociale. Brigitte Herbomez, sa dirigeante, nous explique ce que représente la parité dans sa société.
Présentez nous l’activité de Wim Bosman
Brigitte Herbomez : Wim Bosman est la filiale d’un groupe néerlandais de logistique internationale. Nous proposons du transport maritime, aérien ou routier en Europe et à l’international. En France, l’entreprise compte 42 salariés de multiples nationalités.
Vous avez obtenu en 2004 le label de la parité hommes femmes, attribué par le ministère de la cohésion sociale. Expliquez nous votre démarche.
Je ne suis pas à l’origine de cette démarche. En 2004, deux cadres m’ont présenté ce label, dont ils avaient entendu parler dans la presse, et m’ont suggéré de postuler pour l’obtenir. Dans un premier temps, j’ai refusé : je croyais qu’ils me poussaient à la candidature car il est rare, dans notre activité, de voir des femmes dirigeantes. Mes collaborateurs sont revenus à la charge, m’expliquant que l’entreprise remplissait de facto les critères retenus pour l’obtention du label, et que cela n’avait rien à voir avec mon statut de dirigeante. J’ai donc accepté le projet et nous avons postulé.
Chez vous, la parité était pratiquée depuis longtemps ?
Tout à fait. Concrètement, nous ne faisons pas de différence entre les hommes et les femmes au niveau du recrutement, ce qui est rare dans un secteur traditionnellement très masculin. Nous proposons les mêmes salaires, à emploi et poste équivalent, aux deux sexes. Nous offrons enfin des perspectives de progression identiques dans l’entreprise. Nous nous efforçons aussi de proposer des horaires de travail adaptés en fonction des besoins. Par exemple, les femmes enceintes peuvent s’absenter pour effectuer leurs visites médicales sans retenue sur leur temps de travail. La particularité de Wim Bosman, c’est enfin notre attention à maintenir le lien avec nos salariées en congé maternité ou en congé parental. Celles-ci reçoivent une lettre d’information mensuelle sur la vie de la société et sont invitées à participer aux formations internes. Et croyez moi, la plupart y viennent ! Femme et mère moi-même, je sais combien il est important d’entretenir le contact avec l’employeur pour faciliter son retour à l’issue d’un congé.
N’est-ce pas une « politique » lourde à mener, dans une PME comme la vôtre ?
Oui, c’est difficile. Mais vous n’imaginez pas comme c’est un facteur de motivation important pour le personnel. Cela génère un état d’esprit très positif. Les salariées sont heureuses de profiter de ces aménagements. Conscientes que toutes n’ont pas cette chance, elles fournissent un travail de grande qualité et « donnent » beaucoup à l’entreprise.
Quels sont pour vous les avantages de la parité ?
Je dirai un « doux équilibre » dans les rapports de travail. Dans un secteur traditionnellement masculin (surtout pour les services de manutention et de préparation de commandes), les femmes apportent de la douceur et leur présence incite les hommes à adopter un comportement plus policé. Au final, tout le monde y gagne !
Comment avez-vous obtenu le label égalité Hommes/Femmes ?
Nous avons rempli un gros dossier administratif, assez rébarbatif et mal adapté aux PME, d’ailleurs. Il a fallu fournir des tableaux de bord, les grilles de salaires, etc. Puis un inspecteur du travail est venu sur place pour vérifier la conformité de notre dossier avec la réalité dans l’entreprise. Le plus difficile, ce fut de faire valider la démarche par un syndicat. En effet, comme pour les 35h, il faut qu’un syndicat valide la démarche pour qu’elle soit reconnue. Mais chez nous, les délégués du personnel ne sont pas syndiqués. Ils ont contacté les antennes locales pour obtenir un mandat, mais aucun syndicat ne semblait au courant et personne n’a répondu. Il a fallu leur adresser une lettre recommandée pour qu’ils participent enfin !
Vous êtes aujourd’hui la seule PME à jouir de ce label.
Malheureusement, oui. Lors de la cérémonie de remise du label, j’étais entourée par les dirigeants d’Orange, d’Eurocopter. C’est là que j’ai mesuré notre spécificité. Aujourd’hui, j’essaie d’entraîner d’autres PME dans le mouvement, car je suis sûre que beaucoup remplissent de facto les critères d’éligibilité. Mais les dirigeants sont freinés par la perspective d’une procédure administrative, avec contrôle à la clé. Pourtant, et grâce à notre expérience, le dossier de sélection a été aménagé pour les PME et l’inspection du travail n’intervient plus !
Ce label change-t-il quelque chose chez Wim Bosman ?
Pas vraiment, puisque la parité à toujours été mon objectif. Nous avons instauré des réunions trimestrielles sur le sujet. Et nous diffusons sur notre Intranet toutes les retombées média entraînées par l’obtention du label. Le plus difficile, c’est de rester créatif dans ce domaine. J’ai entrepris un travail de sensibilisation auprès de la direction hollandaise du groupe. Ma grande fierté : avoir incité le groupe à organiser la « Journée des familles », réunissant tous les salariés des filiales, avec leurs familles, autour d’une grande fête. Dans un métier où il est si difficile de recruter, voir les enfants des salariés grimper dans les camions de leurs pères et faire semblant de les conduire, n’est-ce pas une promesse d’avenir ?
Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès Ledru
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