Interview
Anthony Streicher, co-fondateur de HA+PME, à Montigny le Bretonneux (78)
Mutualiser les achats non stratégiques que sont les services généraux des petites entreprises, c’est la raison d’être de HA+PME. Anthony Streicher, co-fondateur de l’entreprise, souhaite en effet permettre aux TPE et PME d’accéder aux tarifs et services que les fournisseurs réservent habituellement aux grands comptes. Une idée qui a déjà séduit en quelques mois plus de 600 entreprises...
Comment est née l’idée de HA+PME ?
Avec Laurent Longin, on a constaté que tous les fournisseurs se concentraient sur les 4000 entreprises les plus grosses, alors qu’à côté de cela, il y a 2 millions de PME : ce sont elles qui dépensent le plus et payent le plus cher et tout le monde s’en fout ! Et il n’y a pas que sur les tarifs qu’elles se font avoir : les services proposés par les fournisseurs sont eux aussi réservés aux grands comptes.
En créant HA+PME nous n’avons rien inventé ; nous avons juste utilisé nos connaissances et notre expérience métier. Nous étions en effet tous les deux des gestionnaires de grands comptes et avions donc l’habitude de négocier des accords cadres avec les fournisseurs.
Qu’est-ce que propose votre entreprise ?
Tous nos adhérents bénéficient des mêmes tarifs auprès de nos 40 fournisseurs référencés, quelle que soit la taille de leur entreprise. Nous ne sommes pas un intermédiaire : les entreprises travaillent en direct avec les fournisseurs, en toute transparence. De cette façon, elles ne paient pas de marge supplémentaire. De la même façon, nos contrats d’adhésion ne comportent pas de tacite reconduction.
En devenant adhérentes, les TPE-PME bénéficient des mêmes services que les grands groupes : un interlocuteur dédié et le suivi des stats avec un récapitulatif de la consommation sur l’année. Et si elles rencontrent un problème de livraison, au lieu d’être seules, elles nous font intervenir, c’est une sorte de service après-vente inclus dans le package.
Comment devient-on adhérent ?
Nous faisons d’abord un pré-audit avec l’entreprise sur deux ou trois champs d’action. Elle nous envoie ses factures en cours, par exemple en téléphonie mobile et on lui explique notre accord cadre dans ce domaine. Si elle décide d’adhérer – ce qui est le cas dans 90 % des cas ! – on définit ensemble les champs d’actions prioritaires.
Une fois les frais d’adhésion payés (entre 200 et 1000 euros par an, selon la taille de l’entreprise, NDLR), elle a alors accès à notre base avec les contacts fournisseurs et les tarifs. Le fournisseur prend alors contact avec elle. Si l’entreprise avait déjà un compte chez lui, les nouvelles conditions viennent écraser les anciennes, sinon il faut compter entre une demi-journée et une journée pour activer un compte. Je précise que l’entreprise n’a aucune obligation d’achat parmi nos fournisseurs référencés !
Que gagnent concrètement les entreprises adhérentes ?
Si on prend l’exemple d’une TPE de 1 à 5 personnes qui possède un téléphone mobile, de la papeterie, une ligne fixe ainsi qu’un accès internet et qui recourt à une location automobile de façon ponctuelle, cela représente 2600 euros de gain annuel pour un investissement de 200 euros.
Plus une entreprise dépense en frais généraux, plus c’est intéressant. Les gains peuvent ainsi aller jusqu’à 8000 à 9000 euros pour une entreprise de moins de dix salariés !
De la même manière, plus on est nombreux et plus nos tarifs baissent.
La seule chose qu’on n’a pas le droit de négocier, ce sont les conditions de règlement. Chaque PME étant indépendante, c’est à elle de négocier individuellement ses délais de paiement.
Qu’est-ce qui vous a incité à devenir entrepreneur ?
Il y a eu deux éléments déclencheurs. D’abord, la crise, qui a fait que, quelle que soit la taille de l’entreprise, la rationalisation des coûts est devenue stratégique. Ensuite, la volonté de monter notre société parce que Laurent et moi n’étions plus en accord avec la logique des grands groupes.
En fait, on a juste fait du copier-coller de ce qu’on faisait avant : définir le cadre d’une relation commerciale entre client et fournisseurs. On est donc allés voir les fournisseurs et on a négocié avec eux pendant 8 mois. Je dois dire que tout le monde n’a pas joué le jeu…
Qui sont les mauvais élèves parmi les fournisseurs que vous avez contactés ?
Le monde bancaire, seul secteur où il règne une telle opacité… Nos adhérents nous ont demandé de taper dans la fourmilière et c’est ce que nous sommes en train de faire. C’est notre côté Robin des bois…
L’objectif est de pouvoir mutualiser les frais de gestion. Aujourd’hui, pour la même taille d’entreprise, le rapport va de 1 à 5, c’est incroyable ! Tout dépend du lieu géographique, de la volonté de la banque d’avoir tel type d’entreprise ou pas, et de la capacité du chef d’entreprise à savoir hurler ou pas !
Pour l’instant on est allé assez loin dans les négociations, mais ce n’est pas simple car, contrairement aux autres marchés où il y a toujours un ou deux challengers qui cherchent à se démarquer, là on constate un « respect mutuel » entre les acteurs…
Avez-vous rapidement rencontré l’intérêt des PME ?
On peut le dire ! On est d’abord allés chercher des clients avant de créer l’entreprise. Au bout de six mois, 120 entreprises avaient accepté de nous confier leur volume d’achats. C’est ce qui nous a permis de démarrer. Après, avec le bouche-à-oreille, nous avons vite été dépassés. On a embauché une première personne en avril dernier, deux autres en mai et là deux nouvelles en octobre. Et ce n’est pas fini : d’ici la fin de l’année, on va en recruter entre deux et quatre autres.
On avait prévu d’avoir 200 adhérents à la fin de l’année et là, on en est déjà à 600 : nos meilleurs vendeurs, ce sont nos clients et ils se parlent beaucoup entre eux !
Vous venez de faire une levée de fonds de 300.000 euros. Dans quel but ?
Pour être honnête, on n’avait pas prévu de faire cette levée de fonds. Mais nous sommes suivis par Challenge + (un programme de HEC qui soutient les créateurs d’entreprises innovantes à fort potentiel de développement, NDLR) et ils nous ont littéralement secoués en nous demandant si notre but était de nous faire racheter. Ce n’est pas du tout le cas, mais on a compris qu’il fallait accélérer notre développement.
Désormais, notre objectif est de parvenir à un niveau de 1500-2000 adhérents d’ici deux ans maximum. A ce stade, nous deviendrons incontournables pour les fournisseurs.
Pour ce faire, il nous faut évangéliser le marché pour que la mutualisation rentre dans la culture des PME. Les 300.000 euros levés vont nous permettre de financer notre développement, d’une part en agrandissant notre équipe commerciale, et d’autre part en faisant évoluer notre base de données pour une meilleure gestion de nos adhérents et de nos fournisseurs.
Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME
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