Interview
Jean-Pierre Bersier, fondateur de Loopo, à St-Jean-De-Verges (09) et lauréat du concours Cré’Acc
Après une vie professionnelle déjà bien remplie, Jean-Pierre Bersier s’est lancé, à 58 ans, dans une nouvelle aventure : Loopo, sa toute jeune entreprise, conçoit et distribue des meubles fabriqués à partir de plaques d'aluminium composite, habituellement utilisées pour habiller les façades industrielles...
Quel est votre concept ?
Loopo est né d’une idée : détourner un matériau normalement utilisé pour fabriquer des façades afin d’en faire des meubles. Il n’y a rien de brevetable, mais il s’agit quand même d’une innovation : il a fallu presque deux ans et demi pour parvenir au produit fini.
Comme on travaille avec un matériau de construction, il bénéficie de la garantie décennale : il ne bouge pas et s’avère très résistant, d’où l’idée première de mobilier extérieur. Puis, peu à peu je me suis repositionné sur du mobilier contemporain, utilisable en intérieur comme en extérieur.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer ?
Tout bon businessman dirait que ce n’est pas le bon créneau pour se lancer : on est sur un marché de 20 millions d’euros au niveau de la France et parvenir à prendre ne serait-ce que 3 % n’a rien de gagné d’avance !
Mais comme mon idée n’est pas de devenir riche, mais de me faire plaisir et de rentrer dans mes frais (il a investi 50.000 euros, NDLR), je m’en fous ! A bientôt 59 ans, je ne cherche pas à développer une multinationale, mais simplement à vivre de mon projet.
Dans ma vie professionnelle, j’ai toujours fait des paris de fou. Comme de rentrer dans le capital d’une entreprise espagnole qui prenait l’eau de tout côté pour finalement parvenir, en six ans, à multiplier par 6 l’effectif, et le chiffre d’affaires allant avec. Je ne me suis jamais planté et je ferai tout ce qu’il faut pour que ce soit pareil avec Loopo.
Mais pourquoi créer en pleine période de crise, de plus sur un marché très concurrentiel ?
En période de crise, ceux qui sont sur le marché ont deux préoccupations fondamentales : leur compte d’exploitation en cherchant à réaliser toutes les économies sur les frais non indispensables, et leur situation de trésorerie ! En revanche, quasiment personne ne se préoccupe de la concurrence, encore moins de faire de la veille pour surveiller les nouveaux arrivants. Cet environnement est favorable à la création de nouveauté : cela permet de se positionner plus tranquillement, et, du coup, d’être prêt pour la reprise, car naturellement reprise il y aura ! Pendant ce temps-là, les autres acteurs historiques se sont tous limités aux dépenses minimales de survie…
De quelle manière vous êtes-vous lancé ?
Avant Loopo, j’avais racheté une société de design. Après une étude de marché très détaillée, j’ai réalisé un prototype, puis je suis allé le montrer à la Foire de Toulouse, pour voir si le produit plaisait et estimer son positionnement prix.
Au retour, je suis allé chercher un partenaire industriel ayant la maîtrise de ce matériau. Je l’ai trouvé à Nantes, en la personne de Sab, premier faiseur d’aluminium composite de France. Apparemment, il a cru dans le projet puisqu’il a pris 30 % d’un business qui lui permet de se diversifier…
Quelle est votre clientèle cible ?
Nous nous positionnons naturellement sur le marché haut de gamme.
Pour l’heure, les produits Loopo sont distribués dans deux boutiques, à La Baule et à Anglet. Mais pour pour faire suffisamment de volume et réussir dans cette voie-là, il faudrait convaincre 70 magasins… C’est pour cette raison, que je m’oriente plutôt vers une clientèle professionnelle. J’attaque donc le secteur de l’hôtellerie, du quatre ou cinq étoiles et des palaces qui vont tout de suite avoir besoin de 50 meubles. Je vise désormais la réalisation de 90 % de mon chiffre d’affaires dans le CHR.
Quel est, selon vous, votre point fort ?
On ne transporte pas des meubles, on livre des plaques, qui se stockent facilement. On gagne donc beaucoup sur le plan logistique.
Quant au montage, il est simple, puisque nos meubles fonctionnent selon la méthode de l’Origami, c’est-à-dire l’art du pliage du papier, adapté à notre matériau.
Vous avez participé à plusieurs concours de création d’entreprise. Dans quel but ?
Pour moi, les aides à la création d’entreprise, c’est du vent, ça ne sert qu’aux grosses boîtes. Du coup, j’ai regardé ce qui existait comme solutions pour bénéficier de soutiens financiers.
J’ai déjà participé à six concours récompensant l’innovation et je ne compte pas m’arrêter là, même si généralement on ne me trouve pas assez innovant.
Cré’Acc est le premier prix que j’obtiens, dans la catégorie « Deuxième vie professionnelle ». Il n’y avait pas de dotation financière à la clé, mais plusieurs récompenses : un chéquier-service pour un accompagnement par la chambre de commerce et d’industrie, une année de cotisation chômage pour les dirigeants d’entreprise, ainsi qu’un coupon de 1000 euros à valoir dans un bureau ou une salle de réunion d’un centre d’affaires, notamment. Je compte utiliser ce dernier à Paris et faire venir des prospects pour leur montrer les produits. Dans l’idéal, il faudrait que Loopo soit présent au salon Equip’ Hôtel, mais un stand là-bas c’est hors de prix…
Quelles sont vos priorités ?
D’abord la refonte du site internet, avec de belles photos des produits, un chantier qui devrait aboutir dans une quinzaine de jours.
Ensuite, j’ai prévu de distribuer la gamme Loopo dans au moins deux nouvelles boutiques, dont une à Paris.
Par ailleurs, je travaille en ce moment à me faire subventionner par la chambre de commerce pour l’export. Je vise en particulier un salon à Dubaï où j’ai de bons contacts. Le marché français est en effet trop petit, il est donc essentiel pour moi de regarder au-delà des frontières. Et à Dubaï, il y a un très fort pouvoir d’achat et les hôtels se multiplient.
Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME
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