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Aucun changement de ses conditions de travail ne doit être imposé à un salarié protégé
La solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt du 15 décembre 2011, met une nouvelle fois l’accent sur la protection exceptionnelle et exorbitante dont bénéficient les salariés protégés.
Aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé, sans son accord, à un salarié protégé. En cas de refus de ce changement, l’employeur doit non seulement conserver le salarié dans ses effectifs, mais encore le rémunérer jusqu’à l’obtention de l’autorisation de licenciement, et cela, même s’il ne peut l’affecter à aucun poste.
Dans cette affaire, un salarié, délégué du personnel et délégué syndical, était employé par une entreprise de sécurité en qualité d’agent de sûreté à l’aéroport de Cannes. Après la perte du marché de l’aéroport, l’entreprise propose au salarié une nouvelle affectation en tant qu’agent de sécurité au tribunal de grande instance de Nice. Le salarié refuse la modification de son contrat de travail au motif que cette nouvelle affectation le priverait de la prime de sûreté aéroportuaire qu’il percevait jusqu’alors. L’employeur engage alors une procédure de licenciement et demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de rompre le contrat de travail. L’autorisation, refusée à deux reprises par l’inspecteur du travail, est finalement accordée par le ministre du Travail sur recours hiérarchique de l’employeur. Mais, avant d’obtenir l’autorisation de licenciement, 17 mois se sont écoulés pendant lesquels l’employeur a cessé de rémunérer le salarié qui ne fournit plus aucune prestation de travail. Le salarié conteste et réclame le paiement de ses salaires au titre de la période qui s’est écoulée entre la décision de l’employeur de suspendre sa rémunération et l’obtention de l’autorisation de licenciement.
La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle qu’aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé, avant d’ajouter qu’en cas de refus de changement et de refus de l’inspecteur du travail d’autoriser le licenciement, l’employeur est tenu non seulement de conserver le salarié dans ses effectifs, mais encore de le rémunérer jusqu’à l’obtention de l’autorisation de licenciement, la décision du ministre n’ayant aucun effet rétroactif.
Cette solution peut surprendre. Elle est pourtant justifiée, comme le rappelle la Cour de cassation, par la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée en faveur des salariés investis de fonctions représentatives et qui interdit à l’employeur de poursuivre la rupture ou le transfert du contrat de travail sans respecter le dispositif spécifique destiné à garantir cette protection.
La solution est sévère pour l’employeur. Rappelons que, dans cette affaire, l’entreprise n’était plus en mesure de fournir au salarié un emploi de sûreté aérienne aéroportuaire à la suite de la perte d’un marché.
On peut dès lors s’interroger sur la légitimité du refus du salarié d’accepter une nouvelle affectation ainsi que sur la pertinence de sa demande de maintien de la prime de sûreté aéroportuaire. C’est d’ailleurs pour ces raisons que les juges de la Cour d’appel avaient jugé que l’obligation faite à l’employeur de verser le salaire était « sérieusement contestable ».
Par ailleurs, en plus d’être sévère pour l’employeur, la solution pourrait bien conduire, si on n’y prend garde, à une impasse juridique. En l’espèce, l’autorisation de licenciement a finalement été accordée par le ministre du Travail. Mais, si elle ne l’avait pas été, l’employeur aurait-il dû maintenir le salaire indéfiniment sans contrepartie ? Le salarié aurait-il pu persister à refuser toute nouvelle affectation et exiger le maintien d’une prime de sûreté aéroportuaire ?
Source : Cass. soc. 15 décembre 2011, n° 10-20.093
Nathalie Lagarde
Rédaction de NetPME
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