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Les conditions d'exercice du droit de grève
Bien qu'il s'agisse d'un droit constitutionnel, le droit de grève ne fait pas l'objet d'une définition précise par la loi. Toutefois, la jurisprudence est venue combler cette lacune. Ainsi, contrevenir aux dispositions énoncées par les juges revient à exercer de manière illégale le droit de grève.
La grève est la cessation collective et concertée du travail, par des salariés, en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
Dans le cas contraire, le mouvement est considéré comme étant illicite et les salariés y participant peuvent être sanctionnés par l’employeur.
Une cessation du travail
La cessation du travail doit être totale. Elle peut être courte (une heure par exemple) ou longue (plusieurs semaines), ou, également, répétée. Un ralentissement de l’activité ou de la production ne relève pas de l’exercice du droit de grève, c’est notamment le cas de la grève perlée.
Les arrêts de travail réalisés alternativement (grève tournante) entre secteurs d’activité, services, ateliers, catégories professionnelles sont justifiés s’ils ne sont pas abusifs, c’est-à-dire s’ils n’entraînent pas une désorganisation complète de l’entreprise).
La cessation collective du travail
Le salarié ne peut exercer son droit de grève isolément : c’est un droit individuel qui ne peut être mis en pratique que collectivement.
En revanche, il n’y a pas d’obligation que l’ensemble ou la majorité des salariés cessent le travail. La grève doit donc réunir au moins deux personnes dans l’entreprise.
Important : Dans les entreprises ne comportant qu’un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer son droit de grève (Cass. Soc., 13 novembre 1996, n° 93-42.247).
De même, s’il répond à un mot d’ordre qui dépasse l’entreprise, formulé au plan national, le salarié peut être seul (Cass. Soc., 29 mars 1995, n° 93-41.863).
La cessation concertée du travail
Il s’agit, au préalable, d’une concertation entre les salariés. La décision d’un arrêt de travail doit émaner d’une volonté commune. Toutefois, il n’est pas exigé qu’elle ait été préparée.
Les revendications professionnelles
L’employeur doit avoir connaissance, au moment de l’arrêt de travail, des revendications professionnelles des salariés exerçant leur droit de grève. Celles-ci peuvent concerner :
- les augmentations de salaires ;
- l’amélioration des conditions de travail ;
- la défense des droits collectifs ;
- le maintien de l’emploi.
Les revendications politiques
Les revendications d’ordre politique n’étant pas des revendications professionnelles pouvant faire valoir le droit de grève, elles ne sont pas permises. Il n’est donc pas possible de faire grève pour protester contre la politique générale du gouvernement (Cass. Soc., 10 mars 1961).
Cependant, dans certains cas, comme le blocage des salaires, la défense de l’emploi, la réduction générale du temps de travail, les revendications sont d’ordre professionnel. Elles sont donc admises car elles concernent les salariés grévistes.
Important : Dans le cadre d’une grève présentant un caractère national, si l’objet est le refus du blocage des salaires, de la défense de l’emploi et la réduction du temps de travail, il s’agit de revendications étroitement liées aux préoccupations quotidiennes des salariés au sein de leur entreprise. La grève a pour but d’appuyer des revendications professionnelles (Cass. Soc., 29 mai 1979, n°78-40.553).
Autres exemples : les grèves générales pour les retraites, une journée nationale dans le cadre de la défense du pouvoir d’achat.
Les grèves de solidarité
Les grèves de solidarité sont légitimes dès lors que les salariés grévistes peuvent se prévaloir d’un intérêt collectif ou de revendications professionnelles les intéressant. Ces mouvements de grève ont pour but de défendre les intérêts d’autres salariés appartenant à la même entreprise ou pas.
Important : Des mesures de licenciements sont apparues comme des mesures annonciatrices d’une compression de personnel dans l’entreprise. L’arrêt collectif du travail survenu postérieurement à ces mesures de licenciements a été la manifestation d’une crainte d’ordre professionnel et social intéressant l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. Dès lors, la grève a un caractère licite (Cass. Soc., 27 février 1974, n°72-40.726).
La présentation des revendications
Lorsque l’employeur a connaissance des revendications, les salariés grévistes peuvent cesser le travail. Ces derniers ne sont pas tenus d’attendre le refus de leur employeur de satisfaire à leurs revendications pour entamer la grève.
Important : L’employeur a été informé, avant l’arrêt de travail, des revendications professionnelles des salariés peu important les modalités de cette information (Cass. Soc., 28 février 2007, n° 06-40.944).
L’absence de préavis
Les salariés qui participent au droit de grève n’ont pas de préavis à respecter. Ils peuvent provoquer immédiatement une grève, même sans l’intervention d’un syndicat.
Ainsi, il n’est pas possible de limiter ou de règlementer le droit de grève même par une convention collective. Seule une intervention de la loi peut imposer un délai de préavis.
Important : Une convention collective ne peut fixer une durée de préavis qui aurait pour effet de limiter ou de réglementer, pour les salariés, l’exercice du droit de grève (Cass. Soc., 7 juin 1995, n° 93-46.448).
Dans le secteur public, la situation est différente. Le dépôt d’un préavis précis est obligatoire, cinq jours avant le mouvement de grève (article L2512-2 du Code du travail).
La suspension du contrat de travail
Le contrat de travail des salariés est suspendu pendant la durée de la grève. Cette suspension concerne notamment l’obligation, pour le salarié, de fournir un travail.
Le fait d’exercer le droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf dans l’éventualité d’une faute lourde imputable au salarié lors de la grève (article L2511-1 du code du travail).
L’interdiction de mesures discriminatoires
Le salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève (article L1132-2 du code du travail) notamment en matière :
- de rémunération ;
- de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions ;
- de formation ;
- d’affectation ;
- de qualification ;
- de classification ;
- de promotion professionnelle ;
- de mutation ;
- de renouvellement de contrat.
Important : Les retenues opérées sur le 13ème mois à la suite d’un mouvement de grève constituent des mesures discriminatoires (Cass. Soc., 10 décembre 2002, n° 00-44.733).
L’absence de rémunération
La rémunération des salariés grévistes est diminuée, de façon proportionnelle, en fonction de la durée du mouvement de grève (absence de prestation de travail). Cependant, lorsque celui-ci trouve son origine dans le non respect, par l’employeur, de ses obligations, comme la réduction unilatérale de la durée du travail ayant pour conséquence une diminution de la rémunération, le salaire ne peut faire l’objet d’une retenue.
Un accord de fin de grève peut également prévoir la non retenue sur salaire. Enfin, il en est de même lorsqu’un service minimum a été maintenu.
Important : Les salariés grévistes ne doivent subir qu’une retenue de salaire correspondant au temps exact de leur cessation concertée du travail. La retenue effectuée au-delà de cette limite constitue une sanction pécuniaire prohibée (Cass. Soc., 16 mai 1989, n° 85-45244).
Il est interdit de mentionner, sur le bulletin de paie, l’exercice du droit de grève (article R3243-4 du code du travail).
Par ailleurs, la réduction ou la suppression d’une prime d’un salarié en raison de sa participation à une grève est discriminatoire. Toutefois, il est possible qu’il existe, au sein de l’entreprise, des absences, qui ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif par la loi, et qui ont pour effet d’entraîner la suppression d’une prime. Dans ce cas, la suppression d’une prime, dans les mêmes conditions, à la suite d’une grève n’est alors pas discriminatoire. A titre d’exemple, la suppression d’une prime à la suite d’une grève n’est pas discriminatoire, si une absence pour maladie a les mêmes conséquences.
Interdiction de sanctionner ou licencier
Le salarié ne peut être ni sanctionné, ni licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève (article L1132-2 du code du travail).
De fait, le licenciement prononcé, en l’absence d’une faute lourde, est nul de plein droit (article L2511-1 du code du travail). Il constitue une violation au droit de grève.
Dès lors, le salarié a droit à sa réintégration, même si son poste n’est plus vacant. Celle-ci sera obtenue devant le juge des référés du conseil de prud’hommes.
Le remplacement interdit par un CDD
Il est interdit de conclure un contrat de travail à durée déterminée ou de recourir au travail temporaire pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail (articles L1242-6 et L1251-10 du code du travail).
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