Actu
Les risques psychosociaux évincés du débat sur la qualité de vie au travail?
Lors des 4èmes rencontres parlementaires sur la santé et le bien-être au travail qui se sont déroulées le 12 février, un certain nombre d'intervenants ont mis en garde contre le risque de mettre la question des risques psychosociaux de côté en ne parlant plus que de "qualité de vie au travail".
« C’est plus l’absence de travail qui tourmente que le fait d’avoir un travail. Il faut sortir d’une vision trop systématiquement négative du travail », a insisté Michel Sapin, le ministre du travail, en ouverture des 4èmes Rencontres parlementaires sur la santé et le bien-être au travail. Pourtant, les parlementaires et professionnels de la santé au travail réunis hier ont avant tout parlé de risques psychosociaux, de stress et d’organisation du travail.
Des risques psychosociaux solubles dans la QVT ?
Car si les Rencontres parlementaires visaient avant tout à débattre de la qualité de vie au travail, certains intervenants ont mis en garde contre le risque de faire passer la question des risques psychosociaux (RPS) au second plan en brandissant le thème de la QVT. « On chasse un concept par un autre alors que la question des RPS n’est pas encore épuisée », constate ainsi Michel Debout, professeur émérite de médecine légale. « Je crains qu’on ne fasse l’impasse sur les RPS alors que nous avons eu du mal à installer le débat ».
Laurence Saunder, dirigeante de l’Institut français d’action contre le stress (Ifas) et vice-présidente de la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (FIRPS) appelle à la même vigilance. « Avec la QVT il y a un changement de paradigme par rapport aux risques psychosociaux car on va être dans la prévention. Mais attention à ne pas oublier les RPS ». Selon elle, il n’y a pas de « dichotomie » entre les deux notions qui se concilient aisément.
Philippe Bigard, directeur de l’Institut du leadership BPI group va plus loin. Non seulement la question des RPS n’est pas réglée mais, pire, elle tendrait à s’amplifier. « Pourquoi alors que les communautés RH se préoccupent des RPS la situation s’aggrave », s’alarme-t-il ainsi. Selon lui, c’est parce que le sujet « reste trop une affaire de spécialisation ». Il déplore ainsi l’émergence « d’une nouvelle bureaucratie sur ces questions ».
Revoir l’organisation du travail
L’organisation du travail a tout particulièrement été pointée du doigt au cours des discussions. « Les principaux facteurs de risques psychosociaux sont dus à des modes d’organisation du travail ; on met les salariés en concurrence, on dilue les responsabilités. Il faut s’interroger sur la manière de recréer des espaces de dialogue, des marges de manœuvre et de l’autonomie pour les salariés », estime Régis Juanico, député de la Loire. Et c’est au niveau des directions que cela doit se décider, estime Laurence Saunder. « Les dirigeants vont-ils avoir le courage de lâcher prise, faire moins de contrôle et de reporting et donner envie plutôt que d’être dans la peur ? « .
Les partenaires sociaux doivent également s’emparer du sujet. « La question de l’organisation du travail doit devenir un enjeu de dialogue social sinon on n’y parviendra pas », a prévenu Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT. Toutefois, a-t-il prévenu, « tout le patronat n’est pas prêt à partager ce constat ». Chef de file CFDT lors de la négociation sur la qualité de vie de travail l’an passé, il a du faire face à certaines résistances du patronat pour intégrer la question de l’organisation du travail aux négociations en cours.
Un CHSCT en pleine mutation
Enfin, difficile de parler de santé au travail sans évoquer le CHSCT. Car si la question de la santé au travail évolue ces dernières années, elle entraine dans son sillage cette instance qui lui est dédiée. « La conception extensive des conditions de santé étend le champ d’intervention du CHSCT, qui devient un acteur institutionnel de l’entreprise », souligne ainsi Alexandre Lamy, avocat associé au sein du cabinet Arsis Avocats. Des évolutions qui donnent au CHSCT « une impulsion pour revendiquer le plein exercice de ses prérogatives ». Fini le CHSCT « institution subalterne » qui « intervient en soutien du CE comme une instance de second rôle ».
Mais pour l’heure, on en reste aux balbutiements. « On est dans un round d’observation ; chacun redécouvre ses pouvoirs mais on ne dialogue pas », constate l’avocat.
Reste à Pierre-Yves Verkindt, professeur de droit qui doit remettre très prochainement au ministre du travail son rapport sur les CHSCT comme cela lui a été demandé à l’issue de la 2e conférence sociale, à avancer des pistes susceptibles de faire évoluer les modalités d’action du CHSCT.
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire.
Commentaires