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Travailleurs détachés : ce qui va changer !

La proposition de loi visant à lutter contre le dumping social est proche de sa rédaction définitive. La semaine dernière, les parlementaires sont parvenus à un texte de compromis qui simplifie les obligations de l'entreprise donneur d'ordre. La création d'une "liste noire" d'entreprises condamnées pour travail illégal est entérinée.

Travailleurs détachés : ce qui va changer !

Députés et sénateurs se sont accordés mercredi dernier en commission mixte paritaire (CMP) sur le contenu de la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs. Ce texte, qui ne devrait plus recevoir d’amendement majeur, sera examiné jeudi par les sénateurs en vue d’une entrée en vigueur d’ici la fin du mois de juin.

Ce qui changera pour le sous-traitant

► L’entreprise qui détache des salariés en France devra d’abord adresser une déclaration préalable à l’inspection du travail où débute la prestation ;

► l’employeur sera aussi tenu de désigner un représentant de l’entreprise en France, chargé d’assurer la liaison avec l’administration du travail.

Si l’une de ces deux obligations n’est pas respectée, une amende administrative d’au maximum 2 000 euros par salarié détaché (le double en cas de récidive dans un délai d’un an) pourra être prononcée. Le montant total de l’amende ne pourra pas être supérieur à 10 000 euros.

Ce qui changera pour le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage

► Le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage devra vérifier que son sous-traitant s’est bien acquitté de ses deux obligations (déclaration préalable du détachement et désignation d’un représentant en France).
En cas de manquement à cette nouvelle obligation de vigilance, l’Assemblée nationale voulait initialement tenir solidaire le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage du paiement des salaires des travailleurs détachés. Cette idée est définitivement abandonnée au profit d’une amende administrative d’au maximum 2 000 euros par salarié détaché, dans une limite totale de 10 000 euros ;

La déclaration préalable du détachement à l’inspecteur du travail sera annexée au registre unique du personnel de l’entreprise qui accueille les salariés détachés. Pour rappel, ce document doit être tenu par l’employeur à la disposition des délégués du personnel (article L. 1221-15 du code du travail).

► si le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage est informé par l’administration que des salariés d’une entreprise sous-traitante « directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine », il devra enjoindre aussitôt son sous-traitant, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.
À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés ;

► si le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage est informé par l’administration que son sous-traitant ne respecte pas le droit du travail (libertés individuelles ou collectives ; égalité entre homme et femmes ; protection de la femme enceinte ; droit de grève ; durée du travail ; etc.), il doit enjoindre son sous-traitant de se mettre en conformité avec la législation. S’il ne le fait pas, il appartiendra ou donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage d’informer l’inspection du travail.
Le défaut de vigilance sera puni par une sanction prévue par décret en Conseil d’État.

► si l’inspection du travail informe le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié détaché, il devra enjoindre son sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation. Le sous-traitant devra l’informer de la régularisation de la situation. S’il ne le fait pas, il appartiendra ou donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage d’informer l’inspection du travail.
S’il ne respecte pas cette obligation, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera tenu solidairement avec l’employeur du salarié du paiement des rémunérations, indemnités et charges dues.

Liste noire des entreprises condamnées pour travail illégal

La création d’une liste noire d’entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre, emploi d’étrangers sans titre de travail…), est confirmée. Sur la base du texte voté au Sénat, la CMP prévoit qu’y figureront les entreprises dès lors qu’elles sont condamnées pour ce motif, quel que soit le montant de l’amende (le texte initial des députés limitait l’inscription sur la liste noir des seules entreprises condamnées à payer au moins 15 000 euros).

Suspension des aides de l’État pendant cinq ans

La proposition de loi prévoit pour les entreprises condamnées l’interdiction de percevoir, pour une durée maximale de cinq ans, toute aide publique. La possibilité d’exiger de l’entreprise le remboursement des aides publiques versées durant la période du contrat incriminé est en revanche supprimée du texte retenu par la CMP.

Droit pour les organisations syndicales d’agir en justice

Les organisations syndicales représentatives auront la possibilité d’ester en justice et de faire ainsi valoir le droit des travailleurs détachés ou en cas de travail dissimulé. Il ne sera pas nécessaire qu’elles justifient d’un mandat de l’intéressé, à condition que celui-ci ne s’y oppose pas.

Où en est la proposition de loi ?
Étape actuelle Texte adopté en commission mixte paritaire (CMP)
Prochaine étape Nouvel examen jeudi 12 juin au Sénat
Entrée en vigueur Publication au Journal officiel (certainement d’ici la fin du mois de juin)

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