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Apprentissage : les mesures du plan de sauvetage
Aide financière aux employeurs, allongement du délai pour trouver une entreprise, mobilisation nationale pour faciliter l'accès aux offres… À l'issue d'une réunion avec les partenaires sociaux, le 4 juin à l'Elysée, Muriel Pénicaud a annoncé une série de premières mesures exceptionnelles pour sauver l’apprentissage.
« Les jeunes ne sont pas la variable d’ajustement de la crise, défend la ministre du Travail Muriel Pénicaud. On ne peut pas avoir une génération sacrifiée ». À l’issue d’une réunion avec les partenaires sociaux en présence du président de la République, le gouvernement a annoncé son plan de sauvetage pour l’apprentissage. Les différents scénarios font état d’une baisse de 20 % des nouveaux apprentis à la rentrée prochaine, voire de de 40 % dans certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’aéronautique ou l’automobile. Pour rappel, l’apprentissage avait battu des records historiques avec 485 000 apprentis enregistrés fin 2019, soit une progression de 16 % sur un an. L’objectif est de maintenir cette dynamique.
Une prime de 5 000 à 8 000 € par apprenti
Mesure phare du plan de relance : le versement d’une prime exceptionnelle de 5.000 à 8.000 € par l’État aux entreprises qui recruteront des apprentis entre le 1er juillet et le 28 février 2021. Soit 5 000 € par an pour un jeune de moins de 18 ans et 8 000 € pour un jeune entre 18 et 30 ans.
L’État espère ainsi inciter les chefs d’entreprise à recruter des apprentis. « Le coût d’un apprenti sera quasi nul la première année », précise Muriel Pénicaud : soit « zéro euro pour les moins de 21 ans et jusqu’à 175 € par mois pour les plus de 21 ans », selon les estimations du ministère du Travail. « Ce sera possible pour toutes les embauches en apprentissage du CAP jusqu’à la licence professionnel [bac +3] et sans conditions pour les PME de moins de 250 salariés ».
Un retour en demi-teinteSi les institutions se félicitent de cette mesure, CMA France regrette qu’elle ne prenne pas en compte les spécificités de l’artisanat et ne vienne pas « renforcer suffisamment les aides existantes dont bénéficient les entreprises artisanales les plus touchées par le risque de faillite (celles-ci étant fixée au maximum à 4 125 € au titre de la première année d’exécution du contrat d’apprentissage). » Pour l’Association Nationale des Apprentis de France (ANAF), « cette aide conséquente va dans le bon sens, mais il y a un risque de dévaluation du statut de l’apprenti accentué par le fait que celui-ci ne coûte rien », retient Aurélien Cadiou, son président. Pour lui, cette aide devrait être accompagnée d’une mesure sur l’accompagnement des apprentis, comme l’obligation de formation du maître d’apprentissage pour « engager davantage les entreprises et éviter les effets d’aubaine. Ainsi, l’augmentation du nombre d’apprentis à tout prix ne doit pas être synonyme de baisse de la qualité de l’apprentissage », prévient-t-il. « De manière plus générale, il manque une mesure pour sécuriser le parcours des apprentis, via par exemple un accompagnement poussé avec les médiateurs de l’apprentissage : avec la crise, certaines entreprises risquent de licencier ou de fermer et les jeunes risquent de subir plus de ruptures de contrat liées à la crise », prévient Aurélien Cadiou. Enfin, la Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d’Ingénieurs, la Conférence des Présidents d’Université, la Conférence des Grandes Écoles, l’Association Nationale des Apprentis de France, l’Association Nationale de l’Apprentissage dans l’Enseignement Supérieur, Syntec Conseil, Syntec Ingénierie et Syntec Numérique demandent de concert, dans un communiqué commun, l’extension de l’aide à tous les apprentis (jusqu’à Bac +5). « Si la volonté gouvernementale de soutenir l’apprentissage est à saluer, la rupture d’égalité entre les étudiants introduite par cette mesure fait craindre un effet d’éviction des apprentis de niveau master ou diplômes équivalents (ingénieurs…)», déplorent-ils. |
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Prolongation du délai pour trouver une entreprise
Suite à une demande forte des partenaires sociaux, le gouvernement va permettre aux jeunes qui n’ont pas encore trouvé leur contrat d’apprentissage de commencer leur formation en CFA pendant six mois. Cette décision de prolongation de 3 à 6 mois d’un jeune sans contrat en CFA lui laisse ainsi davantage de temps pour trouver une entreprise au regard du contexte économique critique.
« Cela doit être accompagné par une prise en charge de la formation par les OPCO au premier jour de l’entrée en CFA », souligne CMA France dans un communiqué. Sur ce point, Aurélien Cadiou regrette que la prolongation n’ait pas été poussée à un an pour « rassurer et garantir aux jeunes leur année scolaire. »
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Garantir une offre sur Affelnet ou Parcoursup
L’État appelle à une « mobilisation générale » dans tous les territoires. Objectif : maintenir le même niveau de contrats d’apprentissage qu’en 2019 (368 000 signatures). « Ainsi, chaque jeune qui a émis un souhait d’apprentissage sur Affelnet ou Parcoursup devra ainsi se voir proposer au moins une offre ». « Nous attendons de voir concrètement comment cette mesure pourra être mise en place et si elle va également concerner les jeunes issus des filières techniques », s’interroge Aurélien Cadiou.
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Numériser « sur la durée » les CFA
Dernière mesure emblématique, favoriser l’équipement numérique des CFA « qui ont besoin d’être équipé dans la durée ». Ainsi, l’aide au premier équipement de 500 € mise en place par la réforme de septembre 2018 pourra servir à l’achat d’équipement informatique. « Il aurait fallu revaloriser le montant de l’aide à 1000 € et empêcher que les opérateurs de compétences puissent la diminuer », regrette Aurélien Cadiou.
Une réflexion sur la première embaucheParallèlement à ce « plan apprentissage », des discussions sur l’emploi des jeunes qui sortent du système éducatif cette année seront ouvertes mi-juin – près de 800 000 jeunes vont sortir du système scolaire ou universitaire cet été. « Il faut permettre l’accès au premier emploi des jeunes qui risquent d’être toujours les derniers embauchés dans un contexte de crise, explique Muriel Pénicaud. Nous demandons aux entreprises d’aider la nation et de s’aider elles-mêmes puisque ce sont les compétences de demain », conclut la ministre. |
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Charlotte de Saintignon
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