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Covid-19 : « La dégradation de la santé mentale des entrepreneurs risque d’obérer les conditions de relance économique »
La dernière étude de l’observatoire Amarok révèle l’augmentation du risque de burn-out chez les entrepreneurs et la baisse de leur « vigilance entrepreneuriale ». Manquant de visibilité pour l’avenir, ils ont le sentiment de perdre le contrôle de leur avenir et seraient moins enclins à transformer leurs idées en opportunités.
« Le niveau d’épuisement professionnel des chefs d’entreprise a augmenté et a continué d’augmenter depuis le début de la crise », constate Olivier Torrès, président fondateur de l’observatoire Amarok. L’observatoire dédié à la santé physique et mentale des entrepreneurs situé à Montpellier relève un « niveau d’épuisement élevé jamais observé ». Les résultats de sa 2e enquête nationale Covid-19[*] sur la santé des dirigeants – 102 questions administrées en ligne à 1 065 chefs de petites et moyennes entreprises – met en avant l’augmentation du risque de burn-out chez les dirigeants.
Si le sentiment d’épuisement était déjà perceptible chez 17,5 % des chefs d’entreprise avant la crise, il a depuis doublé pour atteindre 36,77 % des chefs d’entreprise en janvier dernier. Quant au pourcentage des chefs d’entreprise en danger de burn-out sévère, nécessitant un dispositif d’aide à la personne (seuil égal ou supérieur à 5,5 %), il atteint des niveaux alarmants, passant de 1,75 % avant la crise à 10,41 % en janvier 2021.
Le « syndrome d’empêchement », cause d’épuisement professionnel
Les quatre items en tête de classement depuis 2012 – sentiment de déception, lassitude, fatigue et difficultés à dormir – ont été détrônés par ce qu’avait déjà mis en évidence Olivier Torrès lors du premier confinement, le « syndrome d’empêchement », lié au double sentiment d’être à la fois coincé et impuissant. Olivier Torrès relève que la conjugaison de ces deux facteurs exacerbée pendant la crise explique la dégradation significative de la santé mentale des chefs d’entreprise.
« Les chefs d’entreprise sont davantage affectés par le risque de déposer le bilan que de contracter la Covid-19. »
Le président d’Amarok, qui rappelle le potentiel de travail des travailleurs non salariés, qui ont plutôt une « tendance à l’hyperactivité », avec une moyenne de travail de plus de 50 heures par semaine contre 39,4 heures pour les salariés (soit un différentiel de 11 heures toutes les semaines) explique combien ils ont souffert « des mesures drastiques prises pendant le premier confinement et craignent d’être empêchés de travailler ».
En cause, la perte d’ « internalité », soit en psychologie, le sentiment de maîtriser son destin. S’il est par nature très fort chez les chefs d’entreprise, « la crise et son lot d’incertitudes, de fermetures et de ruptures englue les chefs d’entreprises dans une incapacité à agir et à prévoir et provoque un sentiment de perte de contrôle. »
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Crainte pour la reprise économique
Autre aspect négatif, la crainte de ne plus pouvoir travailler et de déposer le bilan. « Les chefs d’entreprise sont davantage affectés par le risque de déposer le bilan que de contracter la Covid-19 », ajoute Olivier Torrès. De fait, la perspective d’aller se faire vacciner n’a aucun impact sur leur santé.
Enfin, l’étude, qui a questionné les entrepreneurs sur l’impact de la crise sur la relance économique, met également en avant la distorsion de leur « vigilance entrepreneuriale », soit leur capacité à identifier les opportunités dans leur environnement. Si avec la crise les entrepreneurs « passent plus de temps à s’informer », peu vont jusqu’au bout du processus d’évaluation qui consiste à transformer leurs idées en opportunités.
« Le sentiment d’impuissance des chefs d’entreprise a un impact négatif sur leur vigilance entrepreneuriale. »
« Le sentiment d’impuissance des chefs d’entreprise a un impact négatif sur leur vigilance entrepreneuriale. C’est un danger pour la relance économique », avertit le président d’Amarok qui insiste sur l’importance du rebond et la nécessité de se remettre en « dynamique entrepreneuriale » et à ne pas « se résigner à la sinistrose ».
[*] 2e enquête nationale Covid-19 « Entrepreneuriat français, relance économique et vaccination » (Observatoire Amarok et Labex Entreprendre de l’Université de Montpellier) réalisée en ligne du 11 janvier au 2 février 2021 auprès de 1 065 chefs d’entreprise dont 41,87 % de femmes avec un effectif salarié moyen de 7,28 salariés.
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Charlotte De Saintignon
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