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Entreprises en difficulté : « les chefs d'entreprise doivent vaincre l’appréhension des juges »
La table-ronde virtuelle de l’AJPME le 8 avril « Anticiper le risque de faillite : le point sur les dispositifs légaux de traitement préventif des difficultés des PME » a été l’occasion d’aborder les procédures préventives pour les entreprises en difficulté. Des mesures souvent méconnues par les dirigeants qui leur permettraient pourtant de faire face à l’après-crise et d’éviter un fatidique dépôt de bilan.
« La procédure de sauvegarde est la procédure idoine pour permettre aux entreprises de poursuivre leur activité demain », affirme Maître Dehlila Micoud, avocate spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en difficulté au sein du cabinet Fiducial Legal by Lamy. L’objectif de la procédure de sauvegarde étant de préparer un plan de continuation en gelant le passif antérieur de l’entreprise sur une période pouvant aller jusqu’à 10 ans.
En leur permettant d’étaler le remboursement de leur PGE ou leurs charges sociales et fiscales sur 8 à 10 ans, les entreprises en difficulté bénéficieraient d’« une vraie bouffé d’oxygène ». Seule exigence : ne pas être en état de cessation de paiements. Aux côtés du chef d’entreprise qui reste seul maître à bord, « l’administrateur judiciaire est là pour l’accompagner, l’épauler et trouver des solutions et des outils pour assurer la pérennité de l’activité, et non pour le juger, le réprimer ou le sanctionner, note Dehlila Micoud. Ils sont d’une grande bienveillance car ce sont avant tout des chefs d’entreprise qui sont dans la compréhension des difficultés rencontrées. »
Affronter les difficultés de son entreprise
Intervention des experts-comptables
À côté de la procédure de sauvegarde qui n’est pas confidentielle, il existe deux autres mesures de prévention confidentielles : le mandat ad hoc et la conciliation. Reste que toutes ces procédures ont tendance à affoler les chefs d’entreprise. « Ils ont peur d’aller voir le juge du tribunal de commerce et les voient comme des mesures punitives de sanctions », poursuit Dehlila Micoud. « Il faut qu’ils parviennent à vaincre l’appréhension des juges. En visio, c’est peut-être plus facile », avance Dominique-Paul Vallée, ex-dirigeant d’entreprise, juge consulaire au Tribunal de commerce de Paris et délégué général à la prévention des difficultés des entreprises.
« Il n’y a pas d’obstacles à entamer une telle procédure mais seulement un bénéfice inestimable »
Reste que toutes ces procédures, ouvertes à l’initiative du dirigeant, sont trop souvent méconnues. C’est ce qu’a constaté Georges Richelme dans son rapport remis au gouvernement le 19 février. « Si les dirigeants ont du mal à prendre l’initiative d’aller vers les tribunaux et de se renseigner sur ces procédures, l’expert-comptable, qui a connaissance des chiffres et de la vie de l’entreprise peut déclencher l’alerte », signale Dehlila Micoud.
Enfin, ces procédures ont un certain coût : « Heureusement les cabinets ont une tarification adaptée selon la taille des entreprises », relève Dominique-Paul Vallée. Pour lui, « il n’y a donc pas d’obstacles à entamer une telle procédure mais seulement un bénéfice inestimable. » Il observe une stabilisation du recours à ces procédures amiables, avec 2 480 ouvertures de procédures de prévention en 2020 dans l’Hexagone, dont 1 100 mandats ad hoc et 1 400 procédures de conciliation qui ont abouti dans 73% des cas à un accord.
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Prolongation exceptionnelle de la conciliation sur dix mois
« On observe une tendance plus marquée pour la conciliation », note le juge consulaire. Celle-ci pouvant être ouverte si l’entreprise est dans un état de cessation de paiement inférieur à 45 jours. L’objectif de ces mesures étant soit de négocier des moratoires ou des échéanciers auprès de la CCSF pour les dettes fiscales soit d’obtenir de nouveaux financements. Concrètement, le dirigeant doit aller voir le président du tribunal de commerce et « déposer une requête en résumant les difficultés de l’entreprise pour se mettre sous la protection du tribunal », détaille Dehlila Micoud.
« La conciliation aboutit à un accord qui aura une vraie force d’exécution »
Si la conciliation est enfermée dans un délai de 4 mois avec 1 mois renouvelable, avec la crise, elle peut aller jusqu’à 10 mois jusqu’au 31 décembre 2021. Contrairement au mandat ad hoc où l’accord aboutira selon le bon vouloir des parties, « la conciliation aboutit à un accord qui va être constaté et homologué par le tribunal et aura une vraie force d’exécution », signale Dominique-Paul Vallée.
Autre disposition prise pendant la crise : l’article 2 de la nouvelle ordonnance du 20 mai 2020 qui permet, dans le cadre d’une conciliation, au juge de suspendre les mesures d’exécution contre les entreprises en difficulté prises par les créanciers qui refusent de suspendre l’exigibilité de leurs créances pendant la durée de la procédure. « C’est une véritable mesure de contrainte », conclut Dehlila Micoud.
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Charlotte de Saintignon
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