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[Interview] Entreprises en difficulté : « Beaucoup de dirigeants viennent trop tard, ne vous enferrez pas ! » (P. Fourquet)
Le nombre d’entrepreneurs en situation de « chômage » se rapproche du niveau d’avant crise : 38 670 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi en 2022 selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et de la société Altares, soit une hausse de 34,1 % par rapport à 2021. Philippe Fourquet, secrétaire général du Portail du Rebond des entrepreneurs, relate les difficultés rencontrées par les dirigeants de petites entreprises.
Le Portail du Rebond des entrepreneurs regroupe quatre associations – Observatoire Amarok, Re-créer, 60 000 rebonds et Second souffle – dont l’objectif commun est d’aider les TPE et entrepreneurs individuels à rebondir lorsqu’ils connaissent ou ont connu des difficultés. Son secrétaire général, Philippe Fourquet, constate une progression des sollicitations cette année. Il enjoint les dirigeants à assurer un suivi précis de leur trésorerie et à ne pas attendre le dernier moment pour solliciter une aide.
Tableau de bord du dirigeant 2024 - version Premium
Quelle est la situation des entrepreneurs en difficulté ?
Philippe Fourquet, secrétaire général du Portail du Rebond des entrepreneurs : Nos associations membres, qui sont un laboratoire de ce qui se passe dans les entreprises, montrent que sur la fin 2022 début 2023, il y a eu une progression des sollicitations en janvier dernier. Notamment des sollicitations auprès de Second souffle (+ 10 %), qui intervient au moment des premières difficultés et de 60 000 Rebonds (+ 30 %) qui intervient après la liquidation.
On ne veut pas jouer les Cassandre ou les oiseaux de mauvais augure mais si en 2022 le cabinet Altares comptabilisait 42 500 défaillances d’entreprise, tout laisse à penser que l’on va dépasser en 2023 les 52 000 défaillances qui avaient été comptabilisées par Altares en 2019. Ce que confirme une étude EY/AU Group. Nous avons également noté que les dirigeants viennent plus vite taper à notre porte. Ce qui est bénéfique puisque moins le temps passe, plus nous serons en capacité de trouver une solution et plus leur capacité de rebond sera grande. Même si beaucoup de dirigeants viennent trop tard. Ne vous enferrez pas !
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les dirigeants ?
Philippe Fourquet : Pour l’association Amarok, il y a eu un vrai sentiment d’empêchement pendant le covid, avec des entrepreneurs qui ne pouvaient pas agir. Et un phénomène d’accumulation de grande fatigue, d’épuisement physique, de lassitude et la volonté d’arrêter face à une situation trop compliquée. Ce qui n’est pourtant pas l’état d’esprit des entrepreneurs. Depuis le printemps, les entreprises doivent rembourser leur PGE et régler leurs cotisations Urssaf. Ces remboursements ne poseraient pas de problème si l’activité était à la hauteur de ce qui était escompté.
« Nous sommes en train de parler avec les pouvoirs publics pour permettre d’allonger le PGE au-delà de six ans jusqu’à dix ans sans que cela soit assimilé à un défaut bancaire. »
Dans cette période anxiogène on observe une sorte d’attentisme de la part des consommateurs dans certains secteurs. La crise liée à la guerre en Ukraine complique la vie des entrepreneurs et pénalise en outre leurs approvisionnements. Le problème est que demander un délai pour rembourser son PGE est assimilé à un défaut de paiement et détériore les relations bancaires de l’entreprise. Nous sommes en train d’en parler avec les pouvoirs publics pour permettre d’allonger le PGE au-delà de six ans jusqu’à dix ans sans que cela soit assimilé à un défaut bancaire.
Autre sujet, la pénurie de main d’œuvre et l’incapacité pour certains dirigeants de trouver du personnel pour faire tourner leur boutique. Tout devient problématique et pèse sur la trésorerie des entreprises. Même si au final nous sommes en décalage avec ce qu’elles vivent : nous commençons seulement à avoir quelques cas d’entreprises en difficulté à cause de leur facture énergétique. Même si cela va sans doute devenir l’une des causes de difficultés dans les mois à venir.
Quels sont les signaux d’alerte ?
Philippe Fourquet : Le principal signal d’alerte est d’assurer un suivi précis de sa trésorerie et de son évolution. Trop souvent les chefs d’entreprise se rassurent en faisant du chiffre d’affaires mais sous-estiment la partie trésorerie. On peut faire beaucoup de chiffre mais si l’on n’encaisse pas ou si on a des délais pour encaisser, il faut pouvoir y faire face et anticiper son BFR. Il ne suffit pas de s’en remettre à un expert-comptable : le chef d’entreprise doit être un mouton à cinq pattes et suivre le développement de son activité et ses éléments comptables.
« Il ne suffit pas de s’en remettre à un expert-comptable : le chef d’entreprise doit être un mouton à cinq pattes et suivre le développement de son activité et ses éléments comptables. »
Autre point de vigilance, une trop grande dépendance à certains clients. Il faut répartir le risque. Car si ce même client est en difficulté, il peut vous entraîner avec lui. Enfin, la dépendance à des personnes clés ou la dissension entre associés sont d’autres points d’alerte.
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Qui sont les entrepreneurs les plus touchés ?
Philippe Fourquet : Nous ne touchons que les petites entreprises –micro-entrepreneurs, indépendants, TPE et très très petites entreprises. Les chefs de PME ou de plus grands groupes trouvent d’autres dispositifs. Dans nos analyses, les plus touchés sont les entrepreneurs issus des secteurs des services, de l’hôtellerie et de la restauration.
Ce sont également les entreprises plus jeunes, récemment crées, qui n’avaient pas eu le temps d’établir des bases solides de fonctionnement et ont été plus rapidement touchées par les impacts du covid.
Comment les quatre associations du Portail du rebond peuvent-elles les aider ?
Philippe Fourquet : Créé en 2014 avec le soutien du Ministère de l’Économie et des Finances, le Portail regroupe quatre associations – Observatoire Amarok, Re-créer, 60 000 rebonds et Second souffle – dont l’objectif commun est d’aider les très petites entreprises et entrepreneurs individuels à rebondir lorsqu’ils connaissent ou ont connu des difficultés, en leur offrant un accès facile et guidé vers des solutions de proximité, concrètes, gratuites et en phase avec leur réalité terrain.
Ils bénéficient d’un soutien gratuit par des pairs bénévoles, anciens entrepreneurs ou anciens juges du tribunal de commerce. Leurs conseils sont fondamentaux car ce sont des gens de terrain.
Pourquoi avoir mis en place un numéro vert ?
Philippe Fourquet : La principale difficulté des TPE avec trois salariés au plus est de ne pas savoir à qui s’adresser dans le millefeuille d’aides disponibles. Elles sont focalisées sur leurs difficultés et n’ont pas le temps de regarder les aides. Nous avons donc lancé un numéro vert (0 805 691 880) accessible 7 j/7 et 24 h/24 et une application gratuite. L’objectif est d’orienter rapidement et facilement les dirigeants concernés vers l’association la plus à même de les conseiller et de trouver la solution à leur problématique pour passer ce cap délicat et renouer avec le succès.
« Même si nous sommes multicanal pour toucher les entrepreneurs, nous n’en touchons pas suffisamment. »
Même si nous sommes multicanal pour toucher les entrepreneurs, nous n’en touchons pas suffisamment. Pour rappel, nous avons sensibilisé en 2022 plus de 35.000 personnes sur les sujets d’accompagnement lors des difficultés d’entreprises et pour le rebond après un échec, essentiellement des entrepreneurs de 40-45 ans avec 7 ou 8 ans d’expérience. Les jeunes éprouvant moins le besoin d’aller vers des associations comme les nôtres car ils ne s’y reconnaissent sans doute pas ou qu’ils ont des capacités de rebond différentes.
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Propos recueillis par Charlotte de Saintignon
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