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SME relief package : « La suppression des dérogations sur les délais de paiement risque d’entrainer des faillites » (A. Haefelin)
L’organisation patronale attendait beaucoup de la présentation par le Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton de cet ensemble de mesures, dit « SME relief package ». Pour elle, le texte « n’est clairement pas à la hauteur des enjeux ». Interview d’Arnaud Haefelin, président de la commission des Affaires européennes de la CPME.
S’il salue certaines mesures qui vont dans le bon sens, Arnaud Haefelin, président de la commission des Affaires européennes de la CPME et président directeur général de Gainerie 91, alerte sur la modification de la réglementation sur les délais de paiement du « SME relief package » (ensemble de mesures européennes présentées par la Commission européenne le 12 septembre) et sur le millefeuille administratif.
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Que pense la CPME de ce plan d’aide aux PME ?
Arnaud Haefelin, président de la commission des Affaires européennes de la CPME : Nous nous réjouissons que la Commission européenne fasse des PME une priorité. Sur le papier, l’ensemble des mesures proposées est une bonne idée. Mais le diable se cache dans les détails. Quand je rencontre des fonctionnaires européens, je me rends compte qu’ils ne rencontrent pas beaucoup de dirigeants de PME. Ils sont beaucoup dans le dogme. L’Europe doit donner un cadre flexible dans lequel les PME peuvent se retrouver. Alors que le plan Biden donne des subventions aux entreprises et relocalise son industrie, sans parler de la partie asiatique, il ne s’agit pas en Europe de créer plus de contraintes pour nos PME que ce qu’elles peuvent en supporter.
Certaines mesures vont dans le bon sens, comme la nomination d’un ambassadeur européen des PME sous l’autorité de la présidente de la Commission pour faciliter le travail des PME et présider aux commissions d’examen de la réglementation. Ou le projet de simplification fiscale des PME, même si nous sommes en cours de son analyse pour s’assurer de ce qu’il contient et de ses impacts réels pour les PME.
Quelle mesure vous semble plus problématique ?
Arnaud Haefelin : La première mesure sur la modification de la réglementation sur les délais de paiement risque de poser problème. Le projet prévoit de les réduire à travers toute l’Europe de 60 à 30 jours. Alors que ces délais de paiement représentent des déficits de trésorerie évalués à 12 milliards d’euros et sont responsables d’un quart des défaillances en France, c’est un point positif de chercher à régler le problème. Même si nous aurions préféré à la place d’un règlement qui s’impose à tous une directive qui tiendrait compte de la loi LME et pourrait s’adapter aux dérogations qui ont été négociées par les secteurs professionnels.
« Les PME, qui doivent être les principales bénéficiaires de la mesure pourraient finalement se révélées être le dindon de la farce »
Toutes les dérogations âprement négociées qui prennent en compte les spécificités de certaines branches –75 à 95 jours pour le secteur du jouet, 110 jours pour le matériel agricole ou encore 150 jours pour le vin en vrac– vont tomber. Leur suppression risque d’entrainer des faillites de PME ; certains secteurs nous ont déjà alerté. D’autant plus lorsque la PME fait de l’export ou pour celles des DOM-TOM qui subissent les aléas logistiques liés aux délais de transport.
En tant que chef d’entreprise – Gainerie 91 fabrique des packagings et du merchandising pour l’horlogerie, la bijouterie-joaillerie et les vins et spiritueux–, je travaille beaucoup à l’export et ces secteurs ne paient pas à 30 jours. N’est-ce pas finalement une fausse bonne idée ? Les grands groupes vont-ils réellement respecter la règlementation ? Et les petites structures vont-elles être capables de la faire appliquer dans un contexte de déséquilibre des relations commerciales entre grands groupes et PME ? Les PME, qui doivent être les principales bénéficiaires de la mesure pourraient finalement se révélées être « le dindon de la farce ».
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La Commission a également affiché une volonté de réduire de 25 % les exigences de « reporting » auxquelles sont astreintes les PME ?
Arnaud Haefelin : La Commission n’a formulé aucune proposition concrète. Selon moi, elle rajoute des exigences plutôt qu’elle n’en supprime. Il faudrait appliquer le principe « One-in, one-out » qui consiste à un ajout contre un retrait d’une directive ou d’un règlement. Auquel cas il ne s’agit plus d’un millefeuille mais de dizaines de milliers de feuilles et cela devient compliqué à gérer pour nos PME. Pour l’heure, c’est un véritable tsunami administratif qui va nous tomber dessus, entre les directives sur le devoir de vigilance, la lutte contre le travail forcé ou celle liée à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui contient 12 standards de reporting, 86 indicateurs de performance et potentiellement 1 500 points de données pour les entreprises qui réalisent plus de 40 millions d’euros de CA. Même si certaines entreprises en seront exonérées, un ruissellement des grands groupes vers les PME n’est pas à exclure, ce qui risque d’exclure ces dernières des appels d’offres.
« Compiler toutes les informations demande du temps et représente un coût en plus, un coût que l’on ne peut pas répercuter »
Au sein de mon entreprise, qui compte moins de 100 salariés en France et 700 dans le monde, j’ai dû recruter deux personnes à temps plein et créer un service dédié aux réponses administratives pour les nouvelles normes, exigences de reporting et mise en place d’indicateurs. Compiler toutes les informations demande du temps et représente un coût en plus. Un coût que l’on ne peut pas répercuter : on ne peut pas rajouter 10 % sur la facture car nous sommes en concurrence mondiale et les entreprises chinoises, indiennes et suisses ne sont pas assujetties aux mêmes directives. Il ne faut pas se tirer une balle dans le pied !
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Depuis 2019, la CPME prône la mise en place d’un test PME ?
Arnaud Haefelin : Nous souhaitons que l’Europe mette en place un test PME grandeur nature qui permette de connaître les tenants et les aboutissants d’une réglementation et que l’on puisse observer dans le monde réel son application aux PME. On ne peut pas lancer une réglementation et dire « on verra comme cela se passe ». Il faut proposer une phase d’expérimentation et analyser les incidences qu’elle peut avoir.
Propos recueillis par Charlotte de Saintignon
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