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TVA : l’artisan qui se trompe sur le taux applicable ne peut demander un complément à son client
Dans une récente décision, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a fixé un tel principe, tout en l’assortissant d’exceptions.
Les professionnels facturant la TVA et la collectant au profit de l’État doivent faire attention à l’application du taux applicable. En cas d’erreur en leur défaveur, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, n’ayant pas le droit de réclamer le complément à leurs clients, montre un arrêt rendu le 6 juillet dernier par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 22-13.141).
Des travaux de reconstruction d’une maison incendiée
Le propriétaire d’une maison endommagée par un incendie avait confié à un artisan, assuré auprès de la MAF, et aux droits duquel vient une société, la maîtrise d’œuvre des travaux de reconstruction. L’exécution des travaux avait été confiée à un autre professionnel, assuré auprès de Groupama. Le propriétaire avait donné la nue-propriété de son bien à un proche. Devant l’inachèvement des travaux, il avait assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices. Le donataire était volontairement intervenu à cette action en justice.
La cour d’appel de Lyon avait donné tort aux demandeurs concernant le quantum de la condamnation in solidum des constructeurs et de la MAF, la limitant à « 25 107,37 euros au titre du trop-perçu par » l’entrepreneur chargé de l’exécution des travaux.
Selon l’un des moyens présentés par les deux hommes en cassation, la cour d’appel avait mis à la charge du donateur « le différentiel de TVA entre le taux normal (19,6 % au moment des faits) et le taux réduit [5,5 %] pratiqué par erreur » par ce professionnel. D’après les demandeurs, « en statuant ainsi, quand le différentiel de TVA devait être mis à la charge de l’entrepreneur, en sa qualité de collecteur de l’impôt et de professionnel, la cour d’appel n’a[vait] pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».
Des exceptions à l’impossibilité de « réclamer un complément de TVA »
La juridiction suprême de l’ordre judiciaire accueille favorablement cette argumentation. Pour la Cour de cassation, « le professionnel ne peut réclamer un complément de TVA dans le cas où il facture cette taxe à un taux réduit erroné ». Une pareille demande peut prospérer seulement « si les parties sont convenues d’une telle rectification ou si l’attestation remise par le maître de l’ouvrage pour garantir les conditions d’application du taux réduit était inexacte de son fait ». Ce qui n’était pas le cas en l’espèce : la cour d’appel « avait constaté que les travaux de démolition et de déblaiement avaient fait l’objet d’un devis avec l’application d’une TVA au taux de 5,5 % puis d’une facture avec l’application de ce même taux, sans qu’il soit invoqué aucun accord pour une rectification ou la remise par le maître de l’ouvrage d’une attestation erronée ».
La haute juridiction se fonde notamment sur l’article 1134 du Code civil, dans la rédaction de ce texte antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »)
Au-delà du droit, la Cour de cassation statue exceptionnellement « au fond », pour poursuivre « l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». Elle « casse et annule » l’arrêt rendu en seconde instance, « mais seulement en ce qu’il limite à la somme de 25 107,37 euros la condamnation in solidum » des constructeurs et de la MAF « au titre du trop-perçu ».
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Timour Aggiouri
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