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La cour d'appel de Paris condamne deux entreprises à payer une indemnité compensatrice de congés payés liée à des périodes de maladie
Dans deux arrêts du 27 septembre et du 12 octobre 2023, la cour d'appel de Paris fait application de la solution dégagée le 13 septembre dernier par la Cour de cassation permettant aux salariés qui ont été en arrêt maladie de pouvoir bénéficier de congés payés au titre de ces périodes de suspension du contrat de travail.
Dans un arrêt du 27 septembre 2023 et un second en date du 12 octobre 2023, (en pièces jointes), la cour d’appel de Paris fait une première application de la solution retenue par la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023.
6 000 € d’indemnité compensatrice de congés payés dans la première affaire…
Dans la première affaire jugée le 27 septembre 2023, une salariée avait été embauchée le 23 octobre 2008 ; son contrat de travail avait été plusieurs fois transféré en application de l’article L.1224-1 du code du travail. Pendant sa période d’activité, la salariée avait été placée en arrêt maladie à compter du 28 octobre 2017, arrêt régulièrement prolongé jusqu’à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 25 février 2020. Par la suite, la société a été placée en liquidation judiciaire.
Le conseil de prud’hommes avait rejeté sa demande le 13 novembre 2020. Cet rejet est confirmé en appel le 27 septembre dernier. En effet constatent les juges, le magasin dans lequel elle travaillait avait été transféré à une autre société en location-gérance à compter du 19 mai 2021. Dès lors, « à défaut d’être dirigée contre son actuel employeur, la demande de résiliation judiciaire de la salariée est mal fondée ».
La directive européenne et la jurisprudence « n’opèrent aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période »
La salariée, à cette occasion, demande le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés. Pour ce faire, elle invoque la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne telle que résultant de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003. La salariée rappelle que ce texte et la jurisprudence « n’opèrent aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période ».
La cour d’appel fait droit à la demande de la salariée et écarte partiellement l’application des dispositions de l’article L.3141-3 du code du travail « en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congés payés dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail ».
Rappelons que l’article L.3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
L’employeur est ainsi condamné à verser à la salariée trois années d’indemnité compensatrice de congés payés. La salariée a « droit à des congés payés pour la période durant laquelle elle a été en arrêt de travail. N’ayant pu exercer ses droits à congés, elle a droit à une indemnité correspondante ainsi qu’elle sollicite, pour les années 2018, 2019 à novembre 2020 inclus, soit 6 000 € », décide la cour d’appel.
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… et plus de 7 000 € dans la seconde affaire
Dans la seconde affaire du 12 octobre 2023, la salariée avait été embauchée le 18 février 1991. Au cours de l’exécution de son contrat de travail, la salariée avait été placée plusieurs fois en arrêt maladie : du 4 mars au 4 septembre 2014, du 26 septembre 2014 au 8 novembre 2015, du 27 décembre 2016 au 17 février 2017, puis du 28 février 2017 au 5 mars 2018 avant d’être reconnue invalide de catégorie 2 et d’être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Dans le cadre de ce contentieux, la salariée réclamait des rappels d’indemnité compensatrice de congés payés. Cette dernière invoquait l’article 27 de la convention collective des travailleurs au sol du transport aérien qui lui était applicable qui fixe le nombre de congés payés au regard de l’ancienneté du salarié, ainsi qu’une prise en compte des périodes de maladie dans certaines conditions fixées à l’article 26 de la CCN.
La salariée estimait ainsi qu’elle pouvait prétendre à 32 jours ouvrables de congés payés au cours des trois dernières années de présence dans l’entreprise, sauf pour l’année 2015 en raison de la cessation du maintien de son indemnisation pendant une durée d’un mois. L’employeur estimait que les calculs de la salariée étaient erronés car seules les périodes de travail effectives peuvent ouvrir un droit à congés payés et que les absences pour maladie ne permettent pas l’acquisition d’un droit à congés payés.
« Un État membre ne peut pas subordonner le droit au congé annuel payé à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence »
La cour d’appel, se fondant sur les mêmes arguments que la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023 invoque la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne et la directive 2003/88/CE pour écarter les articles L.3141-3 et suivants du code du travail. Elle rappelle que ce texte « n’opère aucune distinction entre les salariés absents en raison d’un congé maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé et qu’en cas d’absence pour congé maladie dûment prescrit » et que, dès lors, « un Etat membre ne peut pas subordonner le droit au congé annuel payé à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence ».
La cour d’appel constate en effet que dans l’affaire en cause, il n’existait pas d’accord d’entreprise, de règlement intérieur ou de dispositions de la convention collective applicable « permettant d’atteindre la finalité poursuivie par la directive, permettant d’interpréter la réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux ».
Effectivement, d’une part la CCN ne permet pas la prise en compte de l’intégralité des périodes de maladie. D’autre part, alors que le droit européen accepte que le droit national ou un accord collectif limite dans le temps le droit au report des congés payés, aucune disposition en ce sens n’existe ni dans le droit français, ni dans les dispositions conventionnelles applicables en l’espèce.
En l’absence de dispositions en ce sens, la cour ordonne à l’employeur de verser à la salariée 7 336,69 € au titre des congés payés.
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Florence Mehrez
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