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Plus de flexibilité dans l’entreprise, une solution pour limiter l’absentéisme des jeunes
Moins fidèles et engagés, plus souvent absents, les a priori sur les jeunes ne manquent pas. Mais cet absentéisme ne serait-il pas davantage dû à une mutation du travail qu’à leur prétendu désengagement ? C’est la thèse défendue lors d’une conférence du Cnam et de Malakoff Humanis le 13 novembre. L’occasion aussi d’appeler à plus de flexibilité pour fidéliser ces jeunes.
Cela a notamment été démontré par la Fondation Jean Jaurès, l’année 2022 a été marquée par une forte hausse de l’absentéisme des salariés, avec des écarts de taux d’absence toujours très marqués selon les catégories professionnelles et les secteurs. Mais pas d’écart selon les tranches d’âge ? Et bien si, aussi.
À l’occasion de sa deuxième conférence du cycle Santé et prévention, la chaire partenariale Entreprise et Santé du Cnam-Malakoff Humanis s’est penchée uniquement sur l’absentéisme des jeunes. Et les chiffres sont effrayants : 58 % des 18-34 ans se sont vu prescrire au moins un arrêt de travail en 2023, contre 50 % de l’ensemble des salariés. C’est 12 points de progression en un an, contre « seulement » + huit points dans l’ensemble. « Un bond inégalé » donc. Par ailleurs, plus de la moitié de ces jeunes ont été arrêtés au moins deux fois (+ 10 points vs + quatre en moyenne). Quelles causes à cette spécificité des jeunes en matière d’absentéisme ? Est-ce uniquement un effet générationnel qui serait donc inévitable ? Il semblerait que non.
Des moins de 30 ans plus frappés par les situations de fragilité
Même si ce sont surtout les arrêts pour maladie ordinaire qui progressent chez les jeunes, 16 % de leurs absences sont justifiées par des troubles psychologiques. Plus largement, ce ne sont pas moins de 54 % des moins de 30 ans qui se disent épuisés professionnellement (43 % en 2018). 47 % sont stressés par le travail, 52 % ont du mal à gérer leurs priorités, et 23 % consomment des anxiolytiques, somnifères ou antidépresseurs (9 % en 2014), un taux supérieur à celui des managers. Des données qui alarment particulièrement Anne-Sophie Godon Rensonnet, directrice des services chez Malakoff Humanis.
Elle souligne ainsi que, même si « on ne le soupçonnait pas », les jeunes connaissent davantage de situations de fragilité. Presque sept sur 10 ont des fragilités personnelles, liées à leur âge parfois (difficultés de logement, temps de trajet, etc.), mais pas uniquement. 20 % sont aidants (17 % dans l’ensemble) et 25 % sont éco-anxieux par exemple. Se mêlent à cela des fragilités professionnelles (précarité de l’emploi, discriminations, etc.) pour 64 % d’entre eux, les deux étant dans 44 % des cas cumulées (26 % en moyenne).
Ce serait de fait en partie cette particulière fragilité des jeunes et leur mal-être qui va croissant qui justifieraient leur absentéisme notable.
La conjoncture défavorable pour les jeunes joue sur leur absentéisme
« Les jeunes s’absentent plus parce que la situation de l’emploi est moins favorable », telle est la posture de Romain Juston Morival, maître de conférences en sociologie à l’Université de Rouen Normandie. Il le rappelle, « les jeunes ne sont pas un bloc homogène », chez les moins de 30 ans on retrouve une énorme variété de situations (niveau d’études, carrières plus ou moins avancées, certains sont parents, …).
Difficile donc de parler d’effet générationnel dans l’absentéisme face à une telle diversité de profils, « le contexte socioéconomique pèse bien plus que l’âge sur le rapport au travail ». En effet, la situation des jeunes tend à se précariser du fait d’une dégradation sensible des parcours d’insertion depuis les années 2000, y compris pour les plus diplômés qui ne sont plus à l’abri d’un déclassement.
Ainsi, si un tiers des jeunes entrés dans la vie active en 2017 envisage de changer de projet professionnel, ce chiffre monte à 45 % pour les chômeurs ou auto-entrepreneurs, contre seulement 14 % des jeunes fonctionnaires. La logique serait en fait simple : ce sont les plus inquiets sur l’avenir, les plus précaires et les plus fragiles qui se désengagent et s’absentent, et ceux-là, dans les faits, ce sont les jeunes. Rien à voir avec un effet d’âge donc, Romain Juston Morival parle plutôt « d’une stratégie défensive, rationnelle ».
« Il faut arrêter de criminaliser les jeunes » et se montrer flexible quant à leurs besoins
La position de Kevin Bouchareb, directeur du Futur du travail et de la stratégie RH chez Ubisoft, est aussi très claire : non les jeunes ne sont pas moins fidèles et moins engagés par nature dans leur travail. Ils sont justes plus fragiles et précaires et ne se reconnaissent plus dans le modèle de « patience accumulatrice » des années 80/90, avec des projets d’évolution sur 10 ans et une soumission au rythme de l’entreprise.
Pour tenir compte de leur situation défavorable et de leurs aspirations, il faudrait « flexibiliser l’expérience employé » et les rendre davantage acteurs. Par exemple, le télétravail ne devrait plus être une question de temps avec deux jours de présence obligatoire, mais d’activité, pourquoi faut-il venir (intégration, moments managériaux, etc.). Et sur les autres moments ou les métiers sans télétravail, il faudrait laisser une marge pour organiser sa propre flexibilité sur les horaires ou encore les temps de pause etc.
Kevin Bouchareb appelle donc à la recherche de solution de proximité, à un passage de « l’égalité à l’équité » dans les entreprises. Pour lui, l’absentéisme serait avant tout le résultat d’un « raté dans l’individualisation des parcours ». À ce titre, Anne-Sophie Godon Rensonnet pointe également le fait que derrière la question des arrêts maladie, il y a aussi celle d’un arbitrage : on décide ou non d’aller chez le médecin, de prendre l’arrêt ou non, et éventuellement de revenir plus tôt.
Si l’entreprise s’adaptait davantage aux jeunes, leur arbitrage lui serait peut-être plus favorable. La prise de risque résidant dans le fait de rendre moins verticale l’organisation du travail et de laisser plus de marge aux salariés ou aux équipes est donc nécessaire, et ce d’autant plus que les entreprises les plus performantes socialement, avec peu d’absences, fidélisent plus et sont plus performantes économiquement.
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Elise Drutinus
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