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Un bilan « historique » pour la lutte contre le travail dissimulé en 2023
Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a présenté le bilan 2023 des actions de lutte contre le travail dissimulé ou « travail au noir », qui s’inscrit au cœur du plan de lutte contre la fraude.
1,177 milliard d’euros de redressements ont été opérés au titre de la lutte contre le travail dissimulé réalisé par le réseau des Urssaf. Soit une augmentation de 50 % par rapport à 2022 (qui avait enregistré 788 millions d’euros) et 400 millions d’euros de plus que les objectifs fixés à l’Urssaf, s’est félicité le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave. Un niveau qu’il a jugé « historique ». Objectifs affichés par le ministre, « participer au financement de notre modèle social, garantir les droits sociaux des salariés et des indépendants et faire respecter une concurrence loyale entre les entreprises ».
Dans le détail, 83 % des actions de contrôle ont abouti à un redressement ; 91 % d’entre elles concernaient les employeurs et 9 % les travailleurs indépendants, pour un montant moyen de 201 804 euros. Parmi ces 1,177 milliard, 814 millions, soit 69,2 % du montant global, correspondent à des cotisations et contributions non déclarées et 362 millions à l’application de sanctions –majorations de redressement et remises en cause des réductions et exonérations de cotisations.
Guichet de régularisation pour les auto-entrepreneurs
Outre la « mobilisation des agents de l’Urssaf » –sur les 1 500 inspecteurs que compte l’Urssaf, 352 sont spécialisés dans la lutte contre le travail dissimulé–, le ministre a salué les « moyens humains, juridiques, techniques et financiers supplémentaires mis en place dans le cadre du plan de lutte contre la fraude ».
Ainsi, 116 agents supplémentaires ont été placés en 2023 et 64 nouveaux inspecteurs et contrôleurs sont actuellement en formation. « C’est une vraie priorité fixée au sein des Urssaf » rappelle-t-il, avec l’objectif de positionner 245 agents supplémentaires sur ce sujet d’ici 2027.
Autre levier, la modernisation des outils de contrôle, dont le « data mining » qui permet de « cibler plus massivement et facilement les entreprises qui ont des comportements problématiques » explique le ministre.
Au-delà du volet répressif, plus de 28 000 actions de prévention ont été conduites en 2023, soit des actions de sensibilisation auprès des employeurs et des travailleurs sur ce qu’est le travail dissimulé, sur les peines encourues et sur l’intérêt de payer des cotisations.
Autre outil de contrôle, à destination des auto-entrepreneurs cette fois-ci, le guichet de régularisation des chiffres d’affaires des auto-entrepreneurs, mis en place en 2023. Ce guichet permet aux Urssaf, par croisement des données entre les déclarations de chiffre d’affaires et les déclarations fiscales, de regarder les distorsions entre les déclarations et de manière pro-active, d’informer l’usager et de lui donner la possibilité d’expliquer ou de rectifier l’écart pour régulariser sa situation.
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5 milliards d’euros
Objectif d’ici 2027, « atteindre 5 milliards d’euros de redressement », a annoncé le ministre. Avec trois priorités : la lutte contre la fraude dans le cadre de la mobilité internationale, soit via des situations de détachement ou de pluriactivité ; le renforcement du contrôle des plateformes numériques et une vigilance accrue sur les secteurs économiques où le travail dissimulé est historiquement élevé.
À savoir, notamment, le BTP, qui a concentré en 2023 61 % des redressements et enregistré 716 millions d’euros de redressement, ou encore les services aux entreprises (23 %, 270 millions d’euros) ou le commerce (4,2%, 49,4 millions d’euros). Pour renforcer la pression sur les entreprises qui seraient tentées de frauder, le gouvernement a prévu de publier deux décrets, actuellement « en cours de finalisation », d’ici le mois de mai.
« Il y a des procédures qui sont détournées », met en avant le ministre, pointant notamment du doigt les liquidations amiables. « Pour engager une procédure de liquidation amiable au tribunal de commerce, le décret prévoira l’obligation de produire une attestation fiscale et sociale pour s’assurer que les obligations fiscales et sociales ont bien été remplies en amont ».
Autre sujet qui fera l’objet d’un second décret, la transmission universelle de patrimoine [forme de fusion entre deux sociétés, ndlr], « qui fait parfois l’objet d’abus, ajoute le ministre. On sait que la transmission universelle de patrimoine est parfois un outil pour échapper aux obligations et rendre l’exercice de contrôle et de recouvrement plus difficile ».
Enfin, le ministre souligne que « la solidarité financière entre les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage doit être utilisé ». Pour Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du contrôle et du recouvrement de l’Urssaf, il est « important que tous les acteurs économiques prennent conscience de leurs responsabilités pour faire en sorte que le travail dissimulé diminue » (cf. notre interview).
Objectif, augmenter la part des sommes recouvrées par rapport aux sommes redressées. Pour l’heure, sur les 1,177 milliard d’euros de redressements, seulement 80 millions d’euros ont été recouvrés.
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Charlotte de Saintignon
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