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Travailleurs étrangers : une nouvelle directive facilite « le permis unique de travailler »

Publiée le 30 avril 2024, la directive 2024/1233 du 24 avril 2024 raccourcit les délais de traitement des demandes de « permis unique » de séjour et de travail, permet le changement d'employeur sous certaines conditions et prend en compte les situations de chômage.

Travailleurs étrangers : une nouvelle directive facilite « le permis unique de travailler »
Le nouveau texte entre en vigueur le 20 mai 2024 et les États membres disposent d’un délai de deux ans pour en transposer les dispositions dans leur législation (soit au plus tard le 21 mai 2026). © Getty images

Partie intégrante du train de mesures relatives aux compétences et aux talents proposé dans le prolongement de la communication de la Commission du 23 septembre 2020 sur le nouveau « Pacte sur la migration et l’asile », la directive (UE) 2024/1233 du 24 avril 2024 « établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre » modifie la directive 2011/98/UE du 13 décembre 2011 avec pour principal objectif d’« attirer des compétences et des talents dans l’UE ».

Le nouveau texte entre en vigueur le 20 mai 2024 et les États membres disposent d’un délai de deux ans pour en transposer les dispositions dans leur législation (soit au plus tard le 21 mai 2026).  La directive de 2011 sera abrogée à compter du 22 mai 2026.

Peu nombreuses, les évolutions entre les deux textes concernent principalement le délai de décision sur les demandes de permis de séjour et de travail, qui est raccourci, la possibilité de changer d’employeur et la prise en compte des situations de chômage.

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Maintien du champ d’application de l’ancienne directive

Le champ d’application du « permis unique » n’est pas modifié (article 3).

Ainsi, les dispositions de la nouvelle directive s’appliquent toujours aux seuls ressortissants de pays tiers demandant à résider dans un État membre pour y travailler, admis dans un État membre pour d’autres motifs que le travail et autorisés à travailler et titulaires d’un titre de séjour, ou admis dans un État membre pour y travailler.

A contrario, la directive continue ne s’applique pas aux travailleurs détachés, aux saisonniers, aux étrangers sous protection temporaire ou bénéficiant d’une protection internationale, aux résidents de longue durée-UE et aux travailleurs indépendants.

S’agissant des bénéficiaires d’une protection internationale, la directive prévoit que les règles qu’elle fixe concernant l’égalité de traitement s’appliquent s’ils sont autorisés à travailler (article 3. 4).

Par ailleurs, sans grand changement par rapport au texte de 2011, la directive de 2024 prévoit et explicite le droit à l’égalité de traitement pour les ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans un État membre (article 12).

Parmi les dispositions nouvelles, un dispositif de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives doit désormais être mis en place par les États membres à l’encontre des employeurs qui n’ont pas respecté les obligations qui leur incombent au titre de la directive (article 13).

Et les États membres doivent veiller « à disposer de mécanismes efficaces pour permettre aux travailleurs issus de pays tiers de porter plainte contre leurs employeurs » (article 14).

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Dépôt d’une demande de permis unique sur le territoire d’un État membre de l’Union

Alors que l’ancienne directive prévoyait seulement que les États « permettaient » qu’une demande soit introduite sur le territoire de l’État membre dans lequel le ressortissant d’un pays tiers se trouvait « légalement », « si le droit national le prévoyait », cette possibilité est désormais prévue plus explicitement pour les titulaires d’un titre de séjour.

De fait, le nouveau point 2 de l’article 4 de la directive du 24 avril 2024 prévoit que la demande de permis unique, introduite par le ressortissant d’un pays tiers ou son employeur, est « prise en considération et examinée » :

  • soit que le ressortissant « séjourne hors du territoire » de l’État membre sur lequel il souhaite être admis ;
  • soit qu’il « séjourne déjà sur le territoire » de cet État membre « en tant que titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ».

Aux termes des mêmes dispositions, un État membre peut toujours, « conformément à son droit national », accepter les demandes de permis unique introduites par « d’autres ressortissants de pays tiers » qui sont « légalement présents » sur son territoire.

Cette évolution de la directive autorise donc un changement de statut vers un permis unique sans que l’étranger déjà titulaire d’un titre de séjour ait l’obligation de retourner dans son pays d’origine.

Le Ceseda permet déjà à des étrangers résidant légalement en France de demander certains « permis uniques » s’ils remplissent les conditions requises, comme par exemple une carte « talent », une carte de résident, une carte de séjour temporaire « étudiant » ou « étudiant programme de mobilité », une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Notons que, lorsqu’un État membre ne délivre des permis uniques que sur son territoire, « il délivre » le « visa nécessaire » à l’obtention d’un tel permis (article 4.4).

Raccourcissement du délai d’examen des demandes

Apport du nouveau texte, le délai dont dispose l’autorité administrative compétente pour statuer sur la demande de permis unique est raccourci et passe de quatre mois à 90 jours (trois mois) à compter de la date d’introduction de la demande complète.

Ce délai englobe la vérification de la situation sur le marché du travail lorsqu’une telle vérification est effectuée en lien avec une demande individuelle de permis unique (considérant 15 et article 5).

Il peut être prolongé d’une période supplémentaire de 30 jours, « dans des circonstances exceptionnelles et dûment justifiées liées à la complexité de la demande », le demandeur en étant informé (article 8).

L’autorité compétente notifie sa décision par écrit au demandeur, selon les procédures de notification prévues par le droit national. Le nouveau texte mentionne désormais que lorsque c’est l’employeur qui dépose la demande, les États membres veillent à ce qu’il informe, en temps utile, le ressortissant étranger de l’état d’avancement de la demande et de la suite qui lui est donnée (article 5).

Notons que l’article R.432-2 du Ceseda prévoit actuellement que, par dérogation à la règle selon laquelle le silence de l’administration fait naître une décision implicite de rejet au terme du délai de quatre mois, ce délai est ramené à 90 jours pour certains titres de séjour dont certains sont des « permis uniques » : cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles « étudiant », « étudiant programme de mobilité », cartes de séjour temporaires « recherche d’emploi ou création d’entreprise », cartes de séjour pluriannuelles « talent carte bleue européenne », « salarié détaché ICT ».

Ce délai est de 60 jours pour les cartes de séjour pluriannuelles « talent chercheur » ou « talent chercheur – programme de mobilité ».

À l’heure actuelle, le délai de 90 jours ne s’applique donc pas à l’ensemble des « permis uniques ».

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Possibilité de changer d’employeur

La nouvelle directive prévoit que le titulaire d’un « permis unique » peut changer d’employeur (article 11.2), sachant qu’une modification des conditions d’emploi, telles que l’adresse de l’employeur, le lieu de travail habituel, le temps de travail et la rémunération, ne constitue pas en soi un tel changement (considérant 44).

Ce droit au changement d’employeur au cours de la période de validité du « permis unique » peut être subordonné à l’une des conditions suivantes (article 11.3) :

  • une notification du changement aux autorités compétentes de l’État membre concerné ;

Lorsque l’État membre exige cette notification, le droit du titulaire du permis unique de changer d’employeur peut être suspendu pendant une période maximale de 45 jours à compter de la date de la notification.

Au cours de cette période, les autorités compétentes peuvent vérifier si le titulaire du permis unique continue de remplir les conditions prévues par le droit de l’Union ou le droit national.

L’État membre peut s’opposer au changement d’employeur pendant cette période de 45 jours.

  • une vérification de la situation sur le marché du travail si l’État membre concerné effectue des vérifications de la situation sur le marché du travail dans le cadre des demandes de « permis unique » ;
  • une période minimale pendant laquelle le titulaire du permis unique est tenu de travailler pour le premier employeur, afin d’éviter un éventuel recours abusif au changement d’employeur (considérant  44). Cette période ne doit pas dépasser la durée du contrat de travail ni la période de validité du permis. Elle ne peut pas être supérieure à six mois. Elle peut être prolongée de 15 jours, dans des circonstances exceptionnelles et dûment justifiées (article 8). Par ailleurs, « dans les cas dûment justifiés de violation grave par l’employeur des conditions de la relation de travail », les États membres autorisent le titulaire d’un permis unique à changer d’employeur avant l’expiration de cette période minimale.

Prise en compte du chômage

Alors que la directive du 13 décembre 2011 était muette sur le sujet, l’article 11.4 de la directive (UE) 2024/1233 du 24 avril 2024 prévoit que « le chômage ne constitue pas en soi un motif de retrait d’un permis unique », dès lors que :

  • la période totale de chômage ne dépasse pas trois mois au cours de la période de validité du permis unique, ou six mois si le ressortissant d’un pays tiers est titulaire d’un « permis unique » depuis plus de deux ans, sauf période plus longue autorisée par l’État membre ;
  • le début et la fin de la période de chômage sont notifiés aux autorités compétentes.

La période de chômage autorisée est prolongée de trois mois si le titulaire du « permis unique » a été soumis à « des conditions de travail particulièrement abusives ».

Pour les périodes de chômage excédant trois mois, les États membres peuvent exiger que les titulaires du permis unique apportent la preuve qu’ils disposent de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d’assistance sociale de l’État membre concerné.

Si l’étranger trouve un nouvel employeur au cours de la période de chômage autorisée (de trois ou six mois) et que ce changement d’employeur est soumis à l’une des nouvelles conditions prévues ci-dessus, l’intéressé est autorisé à séjourner jusqu’à ce que les autorités compétentes aient vérifié si les conditions sont remplies, même si la période de chômage autorisée a expiré.

Notons que si le Ceseda ne prévoit pas que le chômage constitue un motif de retrait d’un titre de séjour, une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir les conditions exigées pour sa délivrance (article L.432-5 du code des étrangers).

Une prolongation de l’autorisation de travail et du titre de séjour (notamment pour certains bénéficiaires de la carte « talent ») est néanmoins prévue, sous certaines conditions et pour une certaine durée, si l’étranger est involontairement privé d’emploi.

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Véronique Baudet-Caille

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