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Les entreprises du Made in France à la peine sur les fronts du recrutement et du foncier
À l’occasion du salon du Made in France, l’Association des journalistes des PME (AJPME) a réuni le 22 octobre des entreprises du Made in France. Toutes sont unanimes sur les difficultés qu’elles rencontrent pour recruter de la main d’œuvre et pour produire et maintenir leurs usines en France et se développer sur leur territoire.
« J’ai fait le choix d’investir dans les hommes », explique Alexandrine Charonnat, directrice générale de Le Lorrain Hampiaux, fabricant de matériel de soudage implantée près de Nancy en Lorraine. Alors que l’entreprise emploie bon nombre de tourneurs, « un métier que l’on retrouve peu aujourd’hui », la cheffe d’entreprise a toujours embauché « plus d’hommes que nécessaire sur ces métiers » qu’elle forme par la suite. Une formation qui s’avère d’autant plus nécessaire que l’entreprise dispose d’un parc machines qui n’est pas homogène et chaque machine va avoir sa spécificité et son logiciel ». De fait, elle estime à dix ans la durée nécessaire pour qu’un tourneur soit polyvalent et formé sur l’ensemble des machines. Et de rappeler qu’elle « ne cherche pas des compétences mais des gens qui sont motivés ».
« Il faut changer le regarde sociétal et montrer que l’industrie, ce n’est plus Germinal, qu’il y fait bon vivre et que l’on peut y faire carrière »
Pour Clémentine Colin-Richard, administratrice de l’entreprise Richard Ponvert SA Paraboot, spécialisée dans la fabrication et la distribution de chaussures haut de gamme, les industriels « portent la responsabilité du désintérêt vers nos métiers. On a oublié d’en faire la promotion ». Constatant que dans la zone industrielle où elle est implantée à Saint-Jean-de-Moirans en Isère, « tout le monde a la même zone de chalandise pour recruter », l’administratrice explique avoir ouvert les portes de l’entreprise et travailler avec les écoles, les maisons de l’emploi, les entreprises d’intérim et tous les acteurs du territoire pour recruter. « Cela a bien marché », assure-t-elle. Objectif, faire connaître les métiers et les faire voir.
« Il faut changer le regarde sociétal et montrer que l’industrie, ce n’est plus Germinal, qu’il y fait bon vivre et que l’on peut y faire carrière ». Pour attirer et former la nouvelle génération, elle s’est acculturée à ses habitudes de formation. D’un savoir-faire transmis à l’oral, « nous avons travaillé avec l’IUMM pour construire des vidéos et créer de l’interactivité ».
Rareté du foncier
Autre difficulté de taille, la rareté du foncier sur le territoire. En 2020, lorsqu’Alexandrine Charonnat rachète l’entreprise Le Lorrain Hampiaux (35 salariés pour 6,7 M€ de CA), elle lance un plan de modernisation industriel pour investir dans de nouvelles machines et dans un nouveau bâtiment, le site d’origine dont elle hérite étant « vétuste et exigu ». L’enjeu étant de garder ses salariés et de pouvoir continuer à recruter grâce notamment à un partenariat noué avec l’IUMM. En moins de quatre ans, la nouvelle cheffe d’entreprise a fait croître l’entreprise, la portant à 10 M€ de CA et 45 salariés, soit 10 recrutements.
« Les institutions se sont mobilisées autour de nous pour nous aider à trouver le lieu qui pourrait nous accueillir »
« Je souhaitais maintenir le savoir-faire en France. Nous sommes les derniers à fabriquer nos chalumeaux de A à Z et le savoir-faire est encore entre les mains de nos salariés », explique Alexandrine Charonnat qui souhaitait donc déménager sur un site de 6 à 7 000 m² le plus proche possible de la précédente usine et non excentré du centre-ville. « Il fallait que le site reste accessible. En 2023, lorsque j’ai recruté cinq personnes, quatre venaient en vélo. Il y a un changement d’habitude social ».
Au final, elle a réussi à s’installer à moins de 5 km du site d’origine en rachetant une usine existante que l’entreprise a rénové, transformé et à laquelle elle a ajouté une extension. Pour y parvenir, elle explique avoir « rencontré les maires de toutes les communes autour de Nancy ». « Nous avions un intérêt commun de trouver une solution pour que nous restions sur le territoire. Les institutions se sont mobilisées autour de nous pour nous aider à trouver le lieu qui pourrait nous accueillir ».
Difficultés imposées par la loi Zan
Suite à l’explosion de l’usine AZF de Toulouse, les entreprises implantées en centre-ville ont dû être recensées et classifiées. L’entreprise Richard Ponvert SA Paraboot, n’y a pas échappé et a dû quitter les centres-villes où elle était implantée en Isère. En 2017, « Nous avions le projet de réunir les deux entreprises afin de pallier les absentéismes et de mettre l’entreprise aux normes », explique Clémentine Colin-Richard.
Alors qu’elle pensait à tort qu’en s’installant dans une zone d’activités cela faciliterait les démarches, il lui aura finalement fallu plus de 18 mois pour s’installer. « Nous avons dû refaire toute l’analyse du sol, de la biodiversité etc, détaille-t-elle. Heureusement, nous avions encore nos deux anciennes entreprises qui continuaient à tourner », conclut-elle.
Soulignant que pour l’implantation de gigafactories, les pouvoirs publics ont « fait fi de plusieurs autorisations », Gilles Attaf aimerait « que les PME et ETI bénéficient des mêmes dérogations »
En sus, la loi Zan (Zéro artificialisation nette), qui vise à avoir au moins autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées d’ici 2050, ne devrait pas arranger les choses en termes de foncier. « Un certain nombre de nos adhérents ont des difficultés à trouver un terrain. Nombre d’entre eux se sont retrouvés bloqués », confie Caroline Demoyer, directrice des affaires publiques d’Evolis, organisation professionnelle industrielle représentant les fabricants de machines et solutions technologiques pour l’industrie.
De son côté, Gilles Attaf, président d’Origine France Garantie, regrette ces « injonctions contradictoires » entre réindustrialisation et protection. Soulignant que pour l’implantation de gigafactories, les pouvoirs publics ont « fait fi de plusieurs autorisations », celui qui a cofondé les FFI (forces françaises de l’industrie), aimerait « que les PME et ETI bénéficient des mêmes dérogations ».
Charlotte de Saintignon
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