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Fumer le narguilé pendant une croisière organisée par l'entreprise ne justifie pas un licenciement
Dans un arrêt du 22 janvier 2025, la Cour de cassation estime injustifié le licenciement d'une salariée qui avait fumé du narguilé dans sa cabine en présence d'une autre salariée enceinte au cours d'une croisière organisée par l'entreprise. Cela relevait de la vie privée de la salarié et n'avait créé aucun trouble objectif au sein de l'entreprise.
Une vendeuse participe à une croisière en Floride organisée par la société de téléphonie qui l’emploi, du 26 au 31 mars 2015, et ce afin de récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise. À la suite d’un incident survenu lors de cette croisière, elle est rapatriée le 30 mars 2015 et licenciée le 29 avril suivant.
Son employeur lui reproche d’avoir, au mépris des règles de sécurité applicables à bord du bateau, fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d’une autre salariée de l’entreprise enceinte, et obstrué le détecteur de fumée.
L’employeur condamné pour licenciement injustifié
Dans un premier temps, la cour d’appel condamne l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur conteste cette décision soulignant qu’un fait commis hors du temps et du lieu de travail peut justifier un licenciement s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié, ce qui est le cas en cas de manquement aux règles de sécurité commis à l’égard notamment de collègues à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d’un concours interne à l’entreprise.
L’employeur invoquait également un trouble caractérisé au sein de l’entreprise en raison notamment des fonctions de la salariée, cette dernière ayant violé les principes de préséance et de savoir-être s’imposant à elle au regard de la nature de ses fonctions de vendeuse, et à l’atteinte portée à l’image de l’entreprise.
Pas de trouble objectif à l’entreprise, ni de violation du contrat de travail
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond et rejette les arguments invoqués par l’employeur.
Elle rappelle qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Qu’ensuite, un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise résultant d’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de celui par lequel il est survenu.
Dans cette affaire, « s’agissant d’un voyage touristique quoique payé par l’entreprise à titre de récompense, la salariée ne se trouvait pas au temps du travail lorsqu’elle a commis les agissements dont elle ne conteste d’ailleurs pas la réalité et ne se trouvait donc soumise à aucun lien de subordination et n’était même pas soumise aux règles en vigueur au sein de l’entreprise, puisque les faits s’étaient déroulés en dehors du lieu de travail ».
Par ailleurs, « la société ne démontrait pas un trouble caractérisé causé à l’entreprise, dont le fonctionnement était peu influencé par l’opinion des membres de l’équipage qui avaient pu être informés de l’incident, ni par les commentaires qu’avaient pu en faire les passagers et qu’aucune explication n’était donnée sur les éventuels effets de l’usage du narghilé sur la santé de la personne qui partageait la cabine de la salariée, ni même sur une éventuelle opposition de celle-ci à un tel usage ».
Les faits reprochés à la salariée relevaient bien de sa vie personnelle et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail. Le licenciement était donc bien injustifié.
Florence Mehrez
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