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Audit légal PE optionnel : quel intérêt pour les TPE/PME ?
Le projet de loi PACTE adopté par les députés le 11 avril dernier exempte les petites entreprises de faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes. Un audit légal PE (petite entreprise) de 3 exercices est néanmoins prévu pour celles qui souhaitent continuer l’aventure…
La suppression de l’obligation de faire appel à un commissaire aux comptes (CAC) pour toutes les entreprises se situant en deçà des nouveaux seuils de certification légale des comptes (au moins deux) est actée. Un décret fixera ces seuils mais il s’agirait à priori de 8 M€ de CA, 4M€ de bilan, 50 salariés. Si cette mesure constitue une bouffée d’air pour ces petites structures, lesquelles avaient du mal à tenir les frais, l’aval du CAC est loin d’être inutile pour qui souhaite développer son entreprise. Le nouvel « audit légal PE » coupe-t-il la poire en deux ?
Audit légal PE : un gage de confiance à coût réduit
L’aval d’un CAC est neutre et impartial, il demeure un gage de confiance vis-à-vis des tiers, un label de sûreté pour les organismes financiers et les investisseurs. C’est pourquoi, un audit plus court, moins lourd et moins cher est prévu pour les TPE/PME qui souhaiteraient s’en prévaloir. Concrètement, l’audit légal PE durerait 3 exercices (contre 6 pour l’audit « classique »). Il comprendrait un rapport sur les comptes annuels et un rapport sur les risques financiers, comptables et de gestion (avec des attestations portant sur la conformité et la maîtrise du risque, délais de paiement, cybersécurité, etc.).
Exit certaines diligences et rapports propres à la certification « classique » (comme celui sur les conventions réglementées ou l’appréciation des CAC sur la réduction de capital de la société auditée par exemple). Cela se traduirait par une baisse d’environ 40 % des honoraires du CAC. Pour rappel, selon le rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF) de mars 2018, les petites entreprises supporteraient un coût moyen de certification des comptes de 5 511 € pour 64 heures de travail, soit un coût horaire moyen de 86 €.
Audit légal PE : une expertise en doublon ?
« Les trois quarts des entreprises situées au-dessous des seuils européens et faisant certifier leurs comptes ont recours aux services d’un expert-comptable pour l’établissement de leurs comptes, affirme l’IGF dans son rapport. Cette situation renforce la perception selon laquelle le travail de certification réalisé par le commissaire aux comptes est redondant par rapport au travail de l’expert-comptable », poursuit-elle.
Cette redondance pointée par l’IGF tient d’une « méconnaissance des deux métiers » pour la Compagnie nationale des Commissaires aux comptes (CNCC), laquelle insiste dans son livre blanc sur la différence et la complémentarité de ces deux professions. En effet, par principe, l’expert-comptable, partenaire privilégié et nécessaire, conduit une mission contractuelle (conseil, relation de proximité, présentation des comptes). À l’inverse, le CAC, tout aussi indispensable, conduit principalement une mission légale (audit, office ponctuelle, certification des comptes).
Toutefois, l’article 9 bis A du projet de loi PACTE, qui élargit le champ d’action des CAC, brouille les pistes (rapprochement du conseil et de l’audit). De même, la norme professionnelle NP 2910 des experts-comptables, laquelle leur permet de mener « des missions d’audits d’états financiers dans une PE » depuis juillet 2017 dans le respect des normes internationales ISA, tend vers la même confusion.
Audit légal PE : dans l’attente d’une NEP spécifique
Les petites entreprises non assujetties à l’obligation de nommer un CAC peuvent d’ores et déjà le faire sur la base du volontariat. Une norme d’exercice particulière qui encadre juridiquement l’exercice du CAC en la matière (NEP 910, le pendant CAC de la NP 2910) incite ce dernier à proportionner sa mission légale aux petites entreprises ne dépassant pas 2 des 3 seuils suivant (3,1 M€ de CA, 1,5 M€ de bilan et 50 salariés). Cependant, cet audit allégé, possible depuis l’homologation de la NEP 910 en 2009, ne rencontre pas le succès escompté. En cause : le caractère notamment « incitatoire » et non obligatoire de cet allégement. Plusieurs freins pratiques empêchent une simplification effective de l’audit légal (la nécessité de justifier et documenter l’allégement ou la crainte du CAC d’affaiblir la portée de son audit par exemple).
Au contraire, l’audit légal PE serait optionnel mais son allègement serait obligatoire. Autrement dit, s’il est choisi par le chef d’entreprise, il sera d’emblée allégé. Une nouvelle NEP régissant l’audit légal PE doit donc voir le jour. Ce qui semble pour le moment compromis par le texte adopté par les députés, des erreurs rédactionnelles se seraient glissées dans le projet de loi…
Matthieu Barry
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