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Certification de comptes dans les PME au-dessus de 8 millions de CA : les CAC s'insurgent
Le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé son intention de supprimer les mandats des commissaires aux comptes dans les PME en relevant les seuils d’audit obligatoire dans les petites entreprises. « Une telle réforme serait dramatique pour l’économie française », indique Jean-Bouquot, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), qui appelle à une manifestation le 17 mai.
Après plusieurs semaines de rumeurs, de rencontres et de discussions relayées par la presse, Bruno Lemaire s’est finalement rangé à l’avis d’un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) qui dès février 2018, avait préconisé au ministre de l’Économie et des Finances et à la Garde des Sceaux de faire remonter à 8 millions d’euros de CA le seuil de certification des comptes (1) – il est aujourd’hui de 3,1 millions d’euros en France pour les SARL, 2 millions pour les SAS et obligatoire dès le premier euro pour les SA. Jusqu’à présent, la nomination d’un commissaire aux comptes est obligatoire dans les SA et SAS, et ce quel que soit leur chiffre d’affaires. Dans les SARL et EURL, la nomination d’un commissaire aux comptes n’est obligatoire qu’en cas de dépassement d’au moins deux des trois seuils suivants : total du bilan supérieur à 1,55 million d’euros ; CA hors taxes supérieur à 3,1 millions d’euros, et nombre de salariés supérieur à 50.
Le CAC : l’une des clés de l’entreprise, serait-elle trop coûteuse pour les PME ?
Le commissaire aux comptes est une aide précieuse et obligatoire pour le chef d’entreprise. Son rôle sur le plan fiscal est donc essentiel. Pourtant, Bruno Lemaire, soucieux de « simplification » a été sensible au rapport de l’IGF et a annoncé, le 19 avril 2018, la suppression de l’obligation de nommer un commissaire aux comptes dans les petites sociétés. Une raison principale : l’audit légal coûte en moyenne 5 500 euros à une PME. « La charge de certification des comptes est proportionnellement plus élevée pour les petites entreprises que pour les plus grandes », soulignent les experts de l’IGF. Le temps nécessaire à la certification légale des comptes est en moyenne de 96 heures, représentant des honoraires moyens de 9 419 euros (soit 98 euros par heure en moyenne). « Cette situation recouvre de fortes disparités selon la taille des entreprises ».
« Les bénéfices de la certification des comptes des petites entreprises (…) ne sont pas démontrés » (IGF)
« Il y a quelque chose de totalement surréaliste en France », a jugé le ministre sur BFMTV et RMC le 19 avril. « On dit : il faut que les PME grandissent, mais dès qu’elles grandissent, on leur rajoute des obligations, et après on se plaint qu’elles ne grandissent pas ». Et l’IGF de démontrer : « En général, les avantages de l’audit obligatoire des comptes ne sont pas toujours bien compris par les dirigeants de petites entreprises. Des dérogations au barème légal d’heures nécessaires à l’audit sont accordées dans 31 % des cas. Par ailleurs, la présence du commissaire aux comptes s’ajoute, dans 75 % des cas, à celle d’un expert-comptable ». La conclusion tombe : « les bénéfices de la certification des comptes des petites entreprises, selon la définition de la législation européenne, ne sont pas démontrés, du moins au plan de la qualité de la base fiscale, de l’accès au financement et de la prévention des défaillances. Pour redonner des marges de manœuvre aux petites entreprises, la mission propose donc de simplifier la législation et de relever et d’harmoniser les seuils de la certification légale des comptes au niveau de la législation européenne, y compris en tenant compte des groupes de sociétés ».
« La mort d’une profession » (CNCC)
La réponse par communiqué de presse de Jean Bouquot, président de la CNCC, est immédiate : avec cette remontée du seuil de certification, « 153 000 entreprises échapperaient à la certification de leurs comptes ce qui diminuerait la prévention des risques et augmenterait les défaillances d’entreprises ». Ce n’est pas tout : selon le rapport de l’IGF, « La perte maximum pour la profession, résultant d’une perte de l’ensemble des mandats rendus non obligatoires, serait d’environ 620 millions d’euros, au bout de six ans ». Pour Jean Bouquot « c’est en réalité un plan social massif que signerait le gouvernement qui toucherait 3 500 commissaires aux comptes dans les territoires, soit un tiers de la profession – et de nombreux jeunes endettés pour créer ou reprendre un cabinet, perdront leur activité. Des milliers d’étudiants engagés dans la filière audit seront privés d’avenir professionnel ».
Une mission sur l’avenir de la profession de commissaires aux comptes
« Nous regrettons la méthode brutale employée par le gouvernement qui commence par acter la mort d’une profession pour ensuite mettre en place une commission en charge des soins palliatifs », insiste Jean Bouquot. Le président de la CNCC fait en effet référence à la décision du ministre de l’Economie et des Finances et de la Garde des Sceaux, qui, par communiqué de presse commun le 19 avril, ont annoncé le lancement d’une mission sur l’avenir de la profession de commissaires aux comptes à un comité d’experts placé sous la présidence de Patrick de Cambourg, président de l’Autorité des normes comptables. La remise du rapport est prévue « courant du mois de juin ». Le ministre Lemaire s’est également prononcé en faveur d’aménagements sur les délais de mise en œuvre de la réforme. « Cette mesure s’appliquerait de façon échelonnée sur six ans, à l’occasion de l’échéance des mandats en cours », propose le rapport de l’IGF. Mais en dépit de cette entrée progressive en vigueur annoncée, Jean Bouquot ne décolère pas et « appelle à manifester contre cette mesure – et la méthode brutale employée par le gouvernement – le 17 mai à Paris, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg et Nantes ». Il a également lancé une pétition nationale en ligne https://www.cncc.fr/ #JesoutiensmonCAC. Le projet de loi Pacte, qui intègrera cette mesure, devrait, a priori, être présenté au conseil des ministres le 30 mai.
- « Fixer les seuils minimum (chiffre d’affaires, bilan, effectifs) de la certification légale des comptes des entreprises commerciales aux niveaux fixés par la directive européenne (8 M€ de chiffre d’affaires, 4 M€ de bilan, 50 effectifs). En conséquence, le barème d’heures obligatoires pour l’audit des comptes des sociétés situées en dessous des nouveaux seuils, est supprimé ».
Claire Padych
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