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Dans les TPE, les experts-comptables causent santé-sécurité
"Démunies" pour remplir leur document unique ou parler de santé-sécurité, les très petites entreprises s’adressent à leur expert-comptable. En Midi-Pyrénées, une expérimentation est en cours pour former ces professionnels du chiffre.
Maxime Jarne et ses collègues ont démarré une activité de fabrication de glaces artisanales il y a un peu plus d’un an, sous la forme d’une Scop basée à Carcassonne. C’était en avril 2014, juste avant que ne démarre « la saison », avec un objectif en tête : « ne pas la rater ». Il se souvient bien que « tout ce qui concernait la santé et la sécurité n’était pas notre priorité ». C’était sans compter sur une visite de l’inspection du travail qui oblige la petite entreprise à se pencher sur le document unique. Ne sachant pas « vers qui se tourner » pour être accompagnée, la Scop s’adresse à son expert comptable : elle en obtient une formation d’une journée au document unique ainsi qu’un suivi tout au long de sa rédaction.
Une « logique de diversification »
Il faut dire que l’expert-comptable de la Scop est membre d’un réseau (CER France) qui participe à une expérimentation en cours dans la région Midi-Pyrénées depuis un an et demi.Initiée par la Carsat, l’INRS et deux réseaux d’experts-comptables*, elle consiste à « outiller l’expert-comptable ‘de base’, afin qu’il puisse aider les TPE sur les problématiques de santé-sécurité au travail », résume Gérard Moreau, ingénieur-conseil à la caisse régionale. « La plupart ont une bonne connaissance du droit social, mais pas de qualifications particulières sur le sujet », assure-t-il en s’appuyant sur les résultats de l’enquête menée en amont de l’expérimentation. « Quelques-uns en revanche sont dans une logique de diversification, pour accompagner les entreprises ». Est-ce là le point de départ de l’expérimentation Carsat-INRS-CER France : permettre aux experts-comptables d’étendre leur gamme de prestations ? En tout cas, assure Patrick Lainé, spécialiste de la prévention des risques dans les petites entreprises pour l’INRS, ils présenteraient un certain nombre d’atouts pour faire rentrer les problématiques santé-sécurité dans les TPE.
Une « force de frappe extraordinaire »
Chiffres à l’appui, il souligne que « les TPE constituent le segment d’entreprises qui fait le moins appel à des compétences en externe en matière de santé-sécurité ». Alors même qu’elles n’ont pas les compétences nécessaires en interne pour traiter des sujets type document unique, et qu’elles n’échappent pas aux accidents du travail. Par ailleurs, « plus elle est petite », poursuit-il, « plus l’entreprise a une forte relation avec son expert comptable ». Il cite une étude, dans laquelle les dirigeants de TPE doivent citer leurs interlocuteurs de référence en cas de problème de santé ou de sécurité au travail. L’expert-comptable arrive derrière les services de santé au travail, le médecin traitant ou spécialisé, les fédérations professionnelles, la Cram / Carsat, et les pompiers, mais il est tout de même en sixième position. Car il va sur le terrain, explique Patrick Lainé. « Les experts-comptables vont voir les entreprises, c’est une force de frappe extraordinaire », estime-t-il. Et si l’on part, comme lui, du principe que le dirigeant de TPE est avant tout préoccupé par son carnet de commandes et par la pérennité de l’entreprise, alors il faut bien admettre que les experts comptables ont un atout supplémentaire à faire valoir. « L’enjeu, pour nous », explique Loïc Somaïni, membre d’un des réseaux d’experts comptables qui fait partie de l’expérimentation, « c’est de sensibiliser le chef de TPE au coût, pour l’amener ensuite sur des thèmes de santé et de sécurité au travail. Il faut lui montrer les avantages qu’il peut trouver à travailler sur ce sujet. »
Mener le quart d’heure sécurité avec le dirigeant
Pour ce faire, Loïc Somaïni a bénéficié de l’offre développée par la Carsat Midi-Pyrénées dans le cadre de l’expérimentation. Elle se décompose en deux niveaux. Soit l’expert-comptable télécharge un kit lui expliquant comment intervenir et répondre aux questions de santé-sécurité que se pose le dirigeant ; soit il est formé de façon plus approfondie, afin de pouvoir, à terme, « mener le quart d’heure sécurité avec le dirigeant de TPE ou l’accompagner dans la rédaction du document unique ». Bilan, après 18 mois d’expérimentation : 300 kits ont été distribués, 40 conseillers formés, et 350 accompagnements de TPE effectués. Gérard Moreau nuance tout de même : « Il ne s’agit pas de faire des experts-comptables des supers préventeurs. Ils n’en ont pas les compétences. Il s’agit plutôt de leur fournir des capacités d’accompagnement sur ces thématiques. » Mission accomplie ou presque pour Maxime Jarne. « L’expert-comptable nous a formé sur une journée. Aujourd’hui, nous suivons les indications qu’il nous donne, il nous aide à mettre en place des tableaux de bord. C’est plus facile », reconnaît-il. Regrettant par ailleurs que les services de santé au travail ne soient « pas venus vers lui ».
*Mise à jour vendredi 26 juin: l’initiative a été lancée à la fois par la Carsat, l’INRS et 2 réseaux d’experts-comptables (CER France et Exco)
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