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Délais de paiement : haro sur les grandes entreprises
Avec un délai moyen de paiement fournisseur qui ne cesse d’augmenter depuis 2019, les grandes entreprises sont une nouvelle fois pointées du doigt par l’Observatoire des délais de paiement dans son dernier rapport publié le 24 juin.
« Les constats de l’Observatoire au fil des rapports successifs sont sans appel et il est essentiel que les grandes entreprises corrigent ces dysfonctionnements qui portent préjudice à la solidité de notre tissu économique », s’exaspère Jeanne-Marie Prost, présidente de l’Observatoire des délais de paiement dans un communiqué. Ces constats sont simples : à rebours d’une tendance globale de retour à la normale, le délai moyen de paiement fournisseur des grandes entreprises ne cesse d’augmenter depuis 2019. Seules 41 % d’entre elles paient à l’heure, contre 75 % des PME.
Anomalies structurelles
Les comportements des grandes entreprises sont ainsi jugés « très préoccupants » par la présidente de l’Observatoire, en ce qu’ils semblent décorrélées de la pandémie, des difficultés d’approvisionnement ou de la hausse du prix des matières premières. Ces explications conjoncturelles ayant juste « en partie aggravé les anomalies structurelles dont le rapport se fait l’écho chaque année ».
« Au-delà des problématiques organisationnelles et des questions de biais statistiques, les grandes entreprises ne prennent pas en considération le sujet des délais de règlement de leurs fournisseurs de la même façon qu’elles savent gérer les délais clients. »
« Depuis le point bas atteint en 2012, leurs délais fournisseurs [des grandes entreprises] ont augmenté quasi annuellement, à tel point que les efforts consentis à la suite de la LME (loi de modernisation de l’économie) pour respecter les délais légaux sont aujourd’hui pratiquement effacés », relèvent les auteurs du rapport. Conséquence directe de cette dynamique interne à cette catégorie d’entreprise : « l’écart entre les retards de paiement des petites et grandes entreprises se creuse en 2021 ».
Ces « anomalies structurelles » ou dysfonctionnements seraient dus à des délais de réception des factures importants, des processus de validation complexes « voire inadaptés », une fréquence de règlement trop faible ou encore une surreprésentation dans les secteurs où les retards sont plus fréquents. Mais la vraie raison serait à chercher du côté d’un manque de considération. « Au-delà des problématiques organisationnelles et des questions de biais statistiques, les grandes entreprises ne prennent pas en considération le sujet des délais de règlement de leurs fournisseurs de la même façon qu’elles savent gérer les délais clients de façon appropriée pour elles », assène l’Observatoire.
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9 Md€ à perdre
Autre raison possible : le gain de trésorerie. Si toutes les grandes entreprises interrogées sur leurs comportements par l’Association française des entreprises privées (AFEP) « ont insisté sur le fait qu’elles ne font pas de rétention de trésorerie » – la plupart ayant même intégrer « les délais de paiement dans leur politique en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) » –, reste que « les grandes entreprises perdraient 9 Md€ de trésorerie si elles payaient leurs fournisseurs sans retard », selon l’Observatoire. À l’inverse, les PME et ETI françaises récupèreraient respectivement 12 Md€ et 4 Md€.
« Il est donc patent que, pourvu qu’elles en aient la volonté, les grandes entreprises peuvent remédier à une large partie du problème en adaptant leurs processus de contrôle, traitement et paiement des factures. »
« Il est donc patent que, pourvu qu’elles en aient la volonté, les grandes entreprises peuvent remédier à une large partie du problème en adaptant leurs processus de contrôle, traitement et paiement des factures », conclut l’Observatoire qui « restera très attentif à l’évolution de ces comportements dans cette période de tensions », lesquels sont « un élément essentiel au bon fonctionnement de l’économie ».
Pour inverser la tendance, la Banque de France se laisse désormais la possibilité, depuis 2022, de dégrader la cotation des mauvaises élèves, en corrigeant « un éventuel biais artificiellement favorable dans la cotation des grandes entreprises et des ETI, qui serait dû à de mauvais comportements de paiement, aboutissant à une trésorerie anormalement abondante. »
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Matthieu Barry
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