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Des propos racistes tenus lors du repas de Noël du CSE laissent supposer une discrimination

Des propos racistes tenus par sa supérieure hiérarchique au cours d'un repas de Noël avec des collègues de travail, organisé par le comité social et économique, relèvent de la vie professionnelle de la salariée et constituent des éléments laissant supposer une discrimination en raison des origines.

Des propos racistes tenus lors du repas de Noël du CSE laissent supposer une discrimination
En l'espèce, une salariée s'est plainte d'avoir subi des quolibets et clichés racistes lors du repas de Noël organisé par le comité d'entreprise. © Getty Images

Une salariée saisit le conseil de prud’hommes en vue notamment d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle souhaite que cette résiliation produise les effets d’un licenciement nul car dû à un harcèlement moral discriminatoire. Elle se plaint en effet d’avoir subi des quolibets et clichés racistes de la part de sa supérieure hiérarchique, à son égard et vis-à-vis des noirs en général, spécialement lors du repas de Noël organisé par le comité d’entreprise.

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Un contexte « festif »

Elle est déboutée en appel. Les juges constatent que la référence à la couleur de peau de la salariée a été évoquée par la supérieure hiérarchique dans le contexte très particulier d’un repas festif, organisé non par l’employeur mais par le comité d’entreprise, en dehors de l’entreprise et du temps de travail.

En outre, aux yeux des juges, il n’est pas démontré que les faits dénoncés, se rapportant à des avantages que la salariée expliquait pouvoir obtenir de la part de commerçants dans le cadre de réclamations (par exemple un surclassement ou des « miles » par une compagnie aérienne), se rattachent à la vie professionnelle de l’intéressée et à celle de l’entreprise. Ils en déduisent que ces faits, indépendants de la vie professionnelle de la salariée, ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Des faits non établis

Devant la cour d’appel, la salariée a également invoqué un certain nombre de faits pour démontrer la discrimination raciale subie : absence de double écran informatique ou de ligne téléphonique dédiée alors que tous les autres salariés en disposaient, apparition de ses noms et fonctions au plus bas de l’organigramme, attribution d’un CDI à un jeune stagiaire d’un poste équivalent au sien alors qu’elle avait exprimé le souhait de bénéficier d’un tel contrat, etc.

Mais aucun de ces faits n’était établi. En revanche, les propos tenus lors du repas de Noël étaient, eux, corroborés par le témoignage de plusieurs salariés figurant dans le compte rendu de l’enquête menée par le CHSCT (cour d’appel de Versailles, 27 janvier 2022).

Des propos tenus en présence de collègues de travail

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis que les juges de la cour d’appel. Elle casse l’arrêt d’appel, considérant que les propos à caractère raciste, tenant à la couleur de peau de la salariée, avaient été tenus par sa supérieure hiérarchique au cours d’un repas de Noël avec des collègues de travail, organisé par le comité d’entreprise, ces propos relevaient donc de la vie professionnelle de la salariée et constituaient des éléments laissant supposer une discrimination en raison de ses origines.

De la même façon, la Cour de cassation juge qu’une faute ayant eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail peut justifier un licenciement disciplinaire lorsqu’elle est susceptible de se rattacher à la vie professionnelle du salarié.

Ainsi, par exemple, est justifié le licenciement pour faute grave du salarié, cadre de l’entreprise, ayant donné un violent coup de pied au visage d’un autre salarié au cours d’une réunion du personnel organisé dans les locaux de l’entreprise et en dehors des heures de travail par le comité d’entreprise, ce comportement relevant de la vie professionnelle du salarié, quand bien même le litige à l’origine de la rixe était d’ordre personnel (arrêt du 12 janvier 1999).

De même, se rattache à la vie professionnelle du salarié et peut justifier son licenciement disciplinaire le fait de proférer des injures racistes et de violer l’interdiction de fumer dans l’entreprise après la journée de travail (arrêt du 16 octobre 2023).

En l’espèce, en application du régime probatoire de la discrimination (article L.1134-1 du code du travail), il appartient désormais à l’employeur de démontrer devant la cour d’appel de renvoi que la situation alléguée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ce qui, au cas présent, paraît difficile.

À l’époque des faits, c’était un comité d’entreprise, mais la décision est transposable au CSE.

Violaine Magnier

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