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[Dossier 3/4] Entrepreneuriat féminin : « Le congé maternité ? Je ne sais même pas ce que c’est »
Le Président de la République a annoncé l’instauration d’un congé maternité unique afin de permettre aux indépendantes de disposer d’un temps de repos plus long. Une mesure contraire à la volonté des entrepreneures.
Les femmes qui entreprennent ont en moyenne 2 enfants à charge.* Ces dirigeantes qui mènent de front leur vie familiale et leur quotidien de chef d’entreprise sont surnommées les « mompreneuses ». Un double rôle qui n’est pas simple si l’on en croit les chiffres les études réalisées sur le sujet : selon un sondage Opinionway pour Legalstart.fr**74 % des chefs d’entreprises estiment que l’adéquation entre vie privée et vie professionnelle est difficile. Plus encore : 78 % des femmes entrepreneures considèrent que posséder une société est totalement incompatible avec une vie de famille. Un jugement qui pousse 20 % des femmes actives à renoncer à la maternité pour des raisons professionnelles selon le baromètre Ipsos-Elle Active 2013. Malgré ces difficultés, certaines femmes lancent leur activité alors qu’elles sont déjà mères.
Bénéficier de sa couverture maladie, maternité, paternité
« J’essaie d’assister aux sorties scolaires »
C’est le cas de Johanna Cohen, fondatrice des Cours Anna. Passionnée, elle enseigne pendant 8 ans aux Cours Florent avant de fonder sa propre école en 2013. Elle propose aux enfants des cours de théâtre, de cinéma, de danse, de comédie musicale… « J’ai commencé à donner des cours le mercredi dans mon garage puis en 6 mois, 60 enfants étaient inscrits. Pendant 3-4 ans les cours se sont déroulés chez moi et l’année dernière j’ai loué des locaux, retrace-t-elle. Aujourd’hui je suis à la tête de deux écoles et j’emploie 8 personnes. » Lorsqu’elle a fondé sa société, Johanna avait déjà trois enfants. Les cours donnés à son domicile rendaient son activité tout à fait gérable : « Je pouvais être là pour les devoirs, les repas… Depuis que j’ai ma propre structure c’est une organisation différente : j’ai dû engager quelqu’un pour s’occuper des enfants après l’école. » La chef d’entreprise met un point d’honneur, malgré ses journées chargées, à être présente pour sa famille : « J’essaie toujours d’être là pour les sorties scolaires, par exemple. Mais lorsque je ne peux pas me libérer, j’ai la chance d’être épaulée par mon mari qui me soutient. »
Garde exclusive et entrepreneuriat : une alliance difficile
Une chance que n’ont pas toutes les entrepreneures. Séverine Le Loarne, professeur à Grenoble École de Management et titulaire de la Chaire FERE (Femme et Renouveau Economique) témoigne de la difficulté à être une mère séparée et chef d’entreprise : « Lors d’une séparation, la garde alternée permet de se consacrer une semaine sur deux uniquement à son travail. Il est facile de s’arranger la seconde pour se libérer un peu de temps. Mais cela est plus compliqué quand il y a une garde exclusive qui est plus généralement donnée aux femmes. Les hommes sont moins touchés par ce phénomène. »
« Le congé maternité unique ne correspond pas à la logique d’une dirigeante »
Dans sa volonté de valoriser les entrepreneurs, le Président souhaite que leur congé maternité soit identique. Le régime actuel prévoit un minimum de 16 semaines de congé maternité pour les salariées et 10 semaines au maximum pour les indépendantes. Une différence qu’Emmanuel Macron prévoit de gommer en instaurant un congé maternité unique « pour toutes les femmes, quel que soit leur statut ». Cette mesure qui aurait pour but de mettre sur un pied d’égalité les femmes actives sera mise en place « durant la durée du quinquennat » selon Marlène Schiappa, secrétaire d’état chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Seulement, cette promesse ne correspond pas à la vision et au mode de vie des entrepreneures. Johanna Cohen a accouché de son quatrième enfant alors qu’elle avait déjà fondé les cours Anna. « Le congé maternité ? Je ne sais même pas ce que c’est !, confie-t-elle. J’ai accouché de mon 4ème enfant un jeudi, le dimanche je suis rentrée chez moi et le lundi matin j’animais un stage. Je chapeaute 99 % de ce qui se passe dans mon entreprise, je ne peux pas me permettre de prendre 3 mois de pause. »
Un scepticisme partagé par Séverine Le Loarne. « Selon moi, ce congé maternité unique ne servira pas à grand-chose. Bénéficier d’un congé maternité ne correspond pas à la logique d’une femme chef d’entreprise. C’est incompatible avec une politique de croissance d’activité. Moi-même, j’ai pris très peu de congé maternité, je m’arrangeais pour travailler chez moi tout en restant avec mon bébé. »
Selon l’experte, le débat est ailleurs : « L’enjeu sur lequel il faut axer la politique est à partir des 6 ans de l’enfant. Là, tout devient plus compliqué à gérer entre l’école, la garderie, les nounous, l’éducation en général… il est très difficile de tout superviser. » « Plus ils sont grands, plus ils ont besoin de nous ! » plaisante Johanna Cohen.
Article 1 : [Dossier 1/4] Entrepreneuriat féminin : « la société et ses codes nous brident »
Article 2 : [Dossier 2/4] : La génération Y va-t-elle révolutionner l’entrepreneuriat féminin ?
Melissa Carles
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