Actu

Efficacité énergétique industrielle : « Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour les PME »

Si les grandes industries se sont approprié les enjeux de la décarbonation, les PME ont encore des efforts à faire. Pour les encourager, la Banque des territoires a présenté, lors d’une conférence, les solutions techniques et les offres de financement à leur disposition.

Efficacité énergétique industrielle : « Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour les PME »
Les petites et moyennes entreprises, même si elles sont volontaires, ne savent pas par où commencer. © Getty images

« L’efficacité énergétique industrielle est fondamentale et pourtant, ça ne va pas assez vite ». Tous les intervenants à la conférence, organisée le 16 mai, par la Banque des Territoires, partageaient ce constat. Ils distinguaient, toutefois, les grandes industries des plus petites.

D’après Aurélie Picart, déléguée générale du comité stratégique de filière (CSF) Industries des Nouveaux Systèmes Energétiques, cinq filières (verre, chimie, papier/carton, acier et ciment) produisent 85 % des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie. Et les deux zones industrielles et portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer représentent à elles seules près de la moitié des émissions industrielles de CO2 en France. Pour préserver leur compétitivité et répondre aux objectifs climatiques, ces grands sites n’ont pas eu d’autres choix que de décarboner leurs activités.

À l’inverse, les petites et moyennes entreprises, même si elles sont volontaires, ne savent pas par où commencer. Pour les accompagner, la Banque des Territoires a initié cette rencontre pour les sensibiliser aux enjeux de la décarbonation et leur faire découvrir des projets d’efficacité énergétique inspirants et reproductibles.

Le Guide du Chef d'entreprise 2024
Passez à l’action :

Le Guide du Chef d'entreprise 2024

Quelles sont les technologies mobilisables ?

Claire Durrieu, conseillère transition écologique et énergie du ministre de l’Economie le rappelle « le secteur industriel a consommé plus de 300 TWh d’énergie en 2021, soit 20 % de la consommation finale d’énergie en France ». L’efficacité énergétique, qui correspond à la diminution de la consommation énergétique notamment grâce à l’utilisation de technologies, est donc un enjeu majeur et un véritable défi pour les PME.

Aurélie Picart, représentante de la plateforme « Je-decarbone » a présenté des solutions de décarbonation et d’économie d’énergie à la disposition des industriels.

Selon Aurélie Picart, la chaleur représente 70 % des usages dans l’industrie. En 2021, sur 320 TWh d’énergie finale consommée, près de 230 ont été dédiés à la production de chaleur. Dans ce domaine, la principale technologie est la valorisation de la chaleur fatale, inévitablement rejetée. Avec un potentiel de 100 TWh, celle-ci peut être réincorporée dans le process ou dans le réseau de chaleur.

Pour avoir l’assurance que l’investissement se fait bien sur 20 ans ou sur 25 ans, le ministre de l’Énergie a prévu la mise en place d’un fonds de garantie pour sécuriser les projets industriels de valorisation de chaleur fatale. D’autres technologies de décarbonation sont possibles : le stockage, l’installation d’un variateur de vitesse sur un moteur électrique, la baisse de température de mise en repli des fours, l’installation d’une chaudière biomasse, etc.

Les solutions techniques existent, mais les industriels ne les connaissent pas. Par exemple, Claire Durrieu explique que seulement 6 % des industries sont pourvues d’une gestion technique du bâtiment (GTB). La pédagogie et l’expertise sont donc nécessaires.

Lire aussi Transitions écologique et numérique : les dirigeants d’entreprise se sentent dépassés

Lever les freins financiers

« Depuis 2 ans, plus d’1,2 milliard d’euros ont déjà été investis dans le secteur industriel, ce qui représente 260 projets. D’ici 2030, 20 milliards sont nécessaires pour parvenir à l’efficacité énergétique et à la décarbonation » estime François Wohrer, Directeur des investissements à la Banque des territoires

Comme le rappelle Claire Durrieu, « gagner en efficacité énergétique, c’est aussi agir pour le climat et gagner en compétitivité ».

Les freins sont encore nombreux. Les industriels veulent des temps de retour sur investissement (ROI) très courts alors que des actions à des ROI inférieurs à 3 ans ne permettent pas de faire de réels progrès. Des garanties peuvent aussi être demandées pour certains investissements. Il existe une contrainte liée au verrouillage technologique : lorsqu’un industriel investit dans un nouvel outil de production, il doit garder cet équipement un certain nombre d’années avant de pouvoir le remplacer.

Pour Christophe Debard, président d’ALLICE (Alliance industrielle pour la compétitivité et l’efficacité énergétique), « il y a des trous dans la raquette, il est plus difficile de trouver 100 000 euros qu’un million. Les entreprises ont plus de facilité à trouver un financement pour une unité de production, un séchoir ou un four que pour le système de récupération de chaleur qui est autour du four ».

Le premier réflexe est de se tourner vers des subventions publiques mais il existe de nombreux outils et les acteurs de la finance privée sont aussi là pour accompagner les projets de décarbonation. La plateforme « Je-decarbone » recense les aides publiques et privées et les banques auprès desquelles les entreprises peuvent contracter des prêts.

Il faut investir dès à présent quand les prix sont bas : « On aura déjà les fruits si les prix grimpent », conseille le directeur de l’investissement à la Banque des Territoires

Outre les fonds propres des entreprises, celles-ci peuvent contracter des prêts bancaires (banques privées, BPI, Caisse des dépôts, fonds d’investissement), passer par des contrats de performance énergétique (CPE) qui permettent de financer en partie l’investissement initial grâce aux économies réalisées ou encore faire appel à un tiers-financeur. Ce tiers-financeur porte l’investissement et une fois le projet terminé, l’entreprise bénéficiaire lui reverse un montant similaire à un loyer, mais ne dépassant pas les économies d’énergie réalisées grâce aux nouveaux équipements, sur une période fixée à l’avance.

Les entreprises peuvent aussi monter un dossier de certificats d’économies d’énergie (CEE). Dans ce dispositif, une partie des coûts des travaux ou des équipements sont pris en charge par un fournisseur d’énergie. Les entreprises s’appuient sur des opérations standardisées d’économies d’énergie qui identifient des travaux de rénovation ou des équipements. Mais il n’existe, à ce jour, que 32 fiches pour le secteur industriel, de nouvelles fiches doivent être prochainement publiées (pompes à chaleur, système de conversion de chaleur, four industriel).

Les entreprises peuvent aussi conduire un projet spécifique d’économies d’énergie ou de décarbonation. Mais seules 10 opérations sont menées par an. Les professionnels demandent une simplification du dispositif et une réduction des délais d’instruction pour favoriser le recours aux CEE.

Le directeur de l’investissement à la Banque des Territoires, conseille de ne pas attendre la hausse des prix de l’énergie pour faire des investissements. Il faut investir dès à présent quand les prix sont bas « on aura déjà les fruits si les prix grimpent ». Adrien de Panthou, directeur commercial d’Equans, prend l’exemple des pompes à chaleur. Au moment de la hausse des prix du gaz, il avait beaucoup de demandes pour ces équipements, cela s’est arrêté avec la baisse des prix alors que « le prix de l’énergie est un paramètre qu’il vaut mieux anticiper. »

Lire aussi En Île-de-France, un prêt «Transition écologique » pour soutenir les TPE/PME

Des solutions d’efficacité énergétique innovantes

Guenael Cottais, manager d’Aponergy, observe « un grand mouvement d’intérêt autour du CPE ». Aponergy, la Banque des Territoires et Johes propose Apo Invest, une solution de tiers-financement qui permet aux industriels de réduire leur empreinte carbone et leur facture énergétique, via des CPE et des contrats de cogénération). Les travaux pris en charge peuvent autant porter sur la performance énergétique des bâtiments (optimisation d’éclairage ; régulation du chauffage, de la climatisation, etc.), des utilités industrielles (groupes froids, variateurs de vitesse, etc.) que de la production énergétique (chaleur, électricité, etc.).

Des conditions sont toutefois exigées : le projet doit générer au moins 20 % d’efficacité énergétique et permettre une baisse des émissions de gaz à effet de serre. Franck Charron, responsable de projets d’investissement à la Banque des Territoires qui accompagne cette initiative, ajoute qu’ « un plan d’action global est plus efficace même si cela est plus long et plus coûteux ».

Jean Guilbaud, un maraîcher breton, dirigeant chez Les Jardins de Sévigné, est venu partager son retour d’expérience. Il avait besoin de chauffage et de régulation de l’humidité de l’air dans ses serres de tomates. Un projet de production de chaleur et de récupération et d’injection de CO2 a été financé, une cogénération a été intégrée à la production sous serre. Cela lui permet d’acheter de la chaleur à moindre coût par rapport aux chaudières.

Lire aussi Les entreprises attendues sur la formation, l’emploi et la RSE

Gaëlle Guyard

Laisser un commentaire

Suivant