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Élections législatives : peut-on parler politique au travail ?
À l’approche des élections législatives, nous vous proposons un rappel des règles applicables aux salariés qui expriment leurs opinions politiques au travail.
L’employeur peut-il limiter l’expression des opinions politiques sur le lieu de travail ? Les salariés sont libres de leurs opinions et peuvent les exprimer dans l’entreprise au temps et au lieu du travail. On ne peut y apporter de restrictions que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et sont proportionnées au but recherché (article L 1121-1 du code du travail).
Ainsi, l’employeur ne peut pas interdire les discussions politiques entre collègues. Il a d’ailleurs été jugé que la clause du règlement intérieur de l’entreprise qui prohibe ce sujet de conversation entre salariés est illicite (CE 25 janvier 1989 n° 64296). Le règlement intérieur peut toutefois contenir une clause dite « de neutralité », dès lors que les restrictions qu’elle prévoit sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise, et qu’elles sont proportionnées au but recherché (article L 1321-2-1 du Code du travail). En pratique, cette clause n’est le plus souvent admise que pour les salariés en contact avec la clientèle.
Droit de taire ses convictions
De manière générale, l’employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il émette une opinion ou qu’il prenne publiquement une position (Cassation 26 octobre 2005 n° 03-41.796). Toute sanction ou tout licenciement décidé en raison des opinions politiques du salarié est abusif. Ainsi jugé à propos de la rupture de la période d’essai d’un salarié motivée, non par un manquement à ses obligations professionnelles, mais par l’expression de ses opinions politiques au cours d’un repas à la suite d’une provocation intentionnelle de l’employeur (Cassation 27 juin 1990 n° 86-41.009). Une telle mesure peut constituer une discrimination (article L 1132-1 du code du travail), l’employeur étant passible de sanctions pénales (article 225-1 à 225-4 du Code pénal).
Par ailleurs, il semble que le salarié ne doit pas nécessairement être solidaire des engagements politiques de son employeur. Il a par exemple été jugé que, si un secrétaire parlementaire peut être tenu de s’abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l’engagement politique de son employeur, on ne peut pas lui reprocher de se retirer de la liste électorale préparée par ce dernier en vue des élections (Cassation 28 avriil 2006 n° 03-44.527). De même, le salarié d’une association intercommunale est en droit d’apporter son soutien au candidat opposé au maire sortant d’une des communes membres de cette association (CA Grenoble 22 juin 1992 n° 91-883).
Militant, gare à l’excès de zèle
L’engagement politique d’un salarié ne doit pas causer de troubles dans l’entreprise ni le conduire à commettre des fautes professionnelles. Tel est le cas, par exemple, lorsque le salarié s’absente de son poste pour distribuer des tracts électoraux (CA Paris 5 décembre 2013 n° 12-00973). Par ailleurs, commet une faute grave le salarié d’un établissement pour personnes âgées qui, pendant ses heures de travail, exerce un militantisme politique actif en direction des personnes, psychologiquement fragiles, accueillies dans l’établissement et se fait remettre par l’un d’eux un chèque au profit d’une association collectant des fonds pour financer la campagne électorale d’un homme politique (CA Toulouse 4 mars 2011 n° 09-6144).
De même, est justifié par une faute grave le licenciement du salarié qui affranchit aux frais de l’employeur, à des fins personnelles et sans autorisation, des invitations dans le cadre d’une campagne municipale, créant pour l’entreprise un risque sérieux de poursuites pénales en matière de financement illégal d’une campagne électorale (CA Versailles 14 mars 2012 n° 10-05816).
Si les faits se déroulent en dehors du temps et du lieu du travail, dans le cadre de la vie privée du salarié, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. Par exemple, un salarié ne commet pas de faute en remettant à un collègue le programme du parti politique auquel il appartient, à l’issue d’un salon professionnel auquel ils participent (Cassation 29 mai 2024 n° 22-14.779). En effet, le salarié n’a pas commis un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, les faits relevant de sa vie privée. En revanche, l’employeur pourrait envisager un licenciement motivé par le trouble au bon fonctionnement de l’entreprise si, du fait de la remise de ce tract, des dissensions naissaient entre le salarié et ses collègues, les empêchant de travailler ensemble.
Pour rappel, les élections législatives se dérouleront les 30 juin et 7 juillet 2024. La campagne officielle débute le 17 juin.
La rédaction sociale de Lefebvre Dalloz
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