Actu

Extension du passe sanitaire et obligation vaccinale : les nouveaux contours de la gestion de la crise

Le projet de loi relatif à l’adaptation des outils de gestion de la crise sanitaire, présenté le 19 juillet en conseil des ministres, prévoit une obligation vaccinale pour certaines professions, précise les modalités de l’extension du passe sanitaire et crée une autorisation d’absence rémunérée afin de permettre aux salariés de se faire vacciner contre la Covid-19.

Extension du passe sanitaire et obligation vaccinale : les nouveaux contours de la gestion de la crise
Depuis le 21 juillet, le passe sanitaire est nécessaire pour accéder aux lieux de loisirs et de culture qui accueillent au moins 50 personnes @ Adobe Stock

Le projet de loi prolonge jusqu’au 31 décembre 2021 la période transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire permettant au gouvernement de prendre des mesures dérogatoires par exemple en matière de déplacements ou d’accès à des lieux publics. Sur les territoires de La Réunion et de la Martinique l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 30 septembre 2021 inclus. Dans son avis rendu le 19 juillet, le Conseil d’État entérine les grandes orientations du texte et émet quelques réserves (CE, 19 juill. 2021, n° 403629).

Les activités concernées par le passe sanitaire

Le texte précise l’étendue du passe sanitaire qui subordonne l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 (test PCR ou antigénique négatif) , soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19.

Le non-respect du passe sanitaire est sanctionné par une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 135 €, tant pour les salariés que le public.

Pour le public, dès promulgation de la loi et, à compter du 30 août, pour les salariés des lieux visés, les activités concernées sont les suivantes :

  • les activités de loisirs ;
  • les activités de restauration ou de débit de boisson ;
  • les foires ou salons professionnels ;
  • les services et établissements accueillant des personnes vulnérables (hôpitaux, les maisons de retraites, les établissements médico-sociaux), sauf en cas d’urgence ;
  • les grands établissements et centres commerciaux.

En dehors de ces activités, le passe sanitaire concernera également les personnes qui souhaitent effectuer des déplacements de longue distance par transport public au sein du territoire hexagonal (à bord des avions, des trains (TGV, Intercités) et des cars interrégionaux).

Les précisions du ministère du travail

Le ministère du travail est venu préciser que le passe sanitaire ne s’appliquera pas pour les restaurants d’entreprise. Pour les CDD, il faudra distinguer :

  • les CDD en cours et qui durent au-delà de fin août : la loi devra préciser ce point et permettre de créer une rupture du CDD en cas d’absence de passe sanitaire valide au-delà d’une période ;
  • les CDD post fin août : le passe sanitaire sera demandé au moment du recrutement.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour les salariés protégés dont le mandat représentatif ne sera pas suspendu, quand bien même leur contrat le sera.

Le texte précise que « cette réglementation est appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l’extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ».

Lieux de loisirs ou de culture accueillant au moins 50 personnes

Jusqu’au 20 juillet 2021, le passe sanitaire était obligatoire pour participer à des événements accueillant plus de 1 000 personnes où le brassage du public est plus à risque au plan sanitaire : grandes salles de spectacle, événements sportifs ou culturels, festivals, foires et salons.

Un décret du 19 juillet rend obligatoire à compter du 21 juillet 2021, le passe sanitaire pour accéder à tous les événements ou lieux recevant au moins 50 personnes. Sont visés tous les lieux prévus pour des activités culturelles, sportives et de loisirs ainsi que les foires ou salons professionnels.

Dans le détail, les lieux concernés sont :

  • les salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions ;
  • les chapiteaux, tentes et structures ;
  • les salles de concerts et de spectacles ;
  • les cinémas ;
  • les festivals (assis et debout) ;
  • les événements sportifs clos et couverts ;
  • les établissements de plein air ;
  • les salles de jeux, escape-games, casinos ;
  • les lieux de culte lorsqu’ils accueillent des activités culturelles (concerts, spectacles) ;
  • les foires et salons ;
  • les parcs zoologiques, les parcs d’attractions et les cirques ;
  • les musées et salles d’exposition temporaire ;
  • les bibliothèques et centres de documentation (sauf les bibliothèques universitaires et les bibliothèques spécialisées, la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque publique d’information hors espaces d’expositions) ;
  • les manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur ;
  • les fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ;
  • tout événement, culturel, sportif, ludique ou festif, organisé dans l’espace public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ;
  • les navires et bateaux de croisière avec hébergement ;
  • les discothèques, clubs et bars dansants, quel que soit le nombre de clients accueillis au sein de l’établissement.

Le port du masque n’est plus obligatoire dans ces lieux et établissements avec passe sanitaire de rigueur. Le port du masque peut toutefois être rendu obligatoire par le préfet de département lorsque les circonstances locales le justifient, ainsi que par l’exploitant ou l’organisateur.

Pour les adolescents de 12 à 17 ans, le passe sanitaire s’appliquera à compter du 30 septembre 2021 dans les lieux où il sera exigé.

Les sanctions du défaut de présentation du passe sanitaire

À défaut pour les salariés de ces établissements de pouvoir présenter à leur employeur les documents précités, ils ne pourront plus exercer leur activité. Lorsque l’impossibilité de présenter les justificatifs se prolongera pendant une durée de 5 jours, la personne sera convoquée à un entretien afin d’examiner avec elle les moyens de régulariser sa situation. La suspension du contrat de travail – qui prendra fin dès que le travailleur régularisera sa situation – devra lui être notifiée le jour même, par tout moyen. Le fait pour un salarié de ne plus pouvoir exercer pendant une période de plus de 2 mois son activité pourra être un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail. Le projet de loi semble donc créer un nouveau cas de licenciement sui generis dont la cause réelle et sérieuse est pré-constituée.

Dans son avis, le Conseil d’État estime nécessaire de compléter le projet de loi afin de rendre applicables à ce nouveau motif de licenciement les procédures de licenciement pour motif personnel et celle applicable aux salariés protégés.

La présentation, sur papier ou sous format numérique, des documents précités doit seulement permettre aux personnes habilitées ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître les données strictement nécessaires à l’exercice de ce contrôle. L’exploitant d’un lieu ou établissement, le responsable d’un événement ou un exploitant de service de transport qui ne contrôlerait pas la détention par les personnes qui souhaitent y accéder des documents s’expose à une amende de 1 500 €, portée à 9 000 € et un an d’emprisonnement après trois violations dans un délai de 30 jours.

Lire aussi : Vaccination, passe sanitaire, chômage et retraites : les annonces du président de la République

Autorisation d’absence pour se faire vacciner

Le projet de loi prévoit une autorisation d’absence rémunérée pour les salariés désirant se faire vacciner là où le protocole sanitaire – pour les salariés du secteur privé – ne comportait qu’une incitation pour les employeurs à autoriser cette absence. Cette autorisation d’absence existait déjà lorsque le salarié se fait vacciner par son service de santé au travail.

Ainsi, est-il précisé que « ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté dans l’entreprise ».

Lire aussi : Protocole sanitaire : la vaccination pendant les heures de travail fortement encouragée

Obligation vaccinale pour certains professionnels de santé

Le texte liste les professions qui doivent impérativement être immunisées contre le virus :

  • les personnes exerçant leur activité dans :
    • les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique ;
    • les centres de santé mentionnés à l’article L. 6323-1 du même code ;
    • les maisons de santé mentionnées à l’article L. 6323-3 du même code ;
    • les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l’article L. 6325-1 du même code ainsi que les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l’article L. 6326-1 du même code ;
    • les services de santé mentionnés aux articles L. 541-1 et L. 831-1 du code de l’éducation ;
    • les services de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622-1 du code du travail ;
    • les établissements et services médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ;
    • les établissements mentionnés à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation, qui ne relèvent pas des établissements sociaux et médico-sociaux du 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, dès lors qu’ils accueillent des personnes âgées ou handicapées ;
  • les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique et les professionnels à usage de titre lorsqu’ils ne relèvent pas du 1°, ainsi que les élèves, étudiants et les autres personnes exerçant avec eux ;
  • les professionnels employés par un particulier employeur effectuant des interventions au domicile des personnes attributaires de l’APA et de la prestation de compensation ;
  • les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d’incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile au titre de l’article L. 725-3 du même code ;
  • les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire, ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale.

Un décret peut, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie de la population, ces obligations.

Quid du recrutement ?

Au moment du recrutement d’un poste soumis à obligation vaccinale, les employeurs pourront refuser le poste à
une personne non vaccinée et qui ne démontre pas de contre-indication médicale.

Justificatif à fournir : statut vaccinal complet

Afin de pouvoir justifier de cette immunisation, les personnels concernés doivent attester d’un statut vaccinal complet. Sont exemptées de l’obligation d’immunisation les personnes qui justifient, par la présentation d’un certificat médical, d’une contre-indication à la vaccination. Un décret précisera les conditions de cette exemption.

Dans son avis, le Conseil d’État estime que la présentation des documents à l’employeur ne doit pas permettre de connaître l’origine de l’immunité. En effet, savoir que le travailleur a été infecté à la Covid-19 porterait atteinte à sa vie privée.

La durée du parcours vaccinal réduite

Depuis le 18 juillet 2021, le schéma vaccinal contre la Covid-19 est réputé complet en France dès 7 jours – au lieu de 14 jours – après l’administration d’une seconde dose de vaccin ou de la première dose pour les personnes ayant déjà contracté la maladie (sauf pour le vaccin Janssen : 28 jours après la dose unique). Les règles européennes des 14 jours restent inchangées pour le moment (D. n° 2021-949, 16 juill. 2021 : JO, 18 juill.).

Sanction du défaut de présentation du justificatif

Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l’obligation par les personnes placées sous leur responsabilité. Faute d’avoir présenté ce justificatif à leur employeur, à leur organisme d’assurance maladie de rattachement ou à l’agence régionale de santé compétente ou, pour la durée de validité de celui-ci, d’un certificat de rétablissement après une contamination par la Covid-19, les professionnels concernés ne pourront plus exercer leur activité à compter du
lendemain de la publication de la loi.

Jusqu’au 15 septembre 2021, ils pourront toutefois continuer à exercer leur activité s’ils présentent le résultat de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19. A compter du 15 septembre 2021, ils ne pourront plus exercer leur activité à moins de présenter le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises.

Interdiction d’exercer les fonctions

L’interdiction d’exercer leur sera notifiée, le jour même, par tout moyen, selon le cas, par leur employeur, l’organisme d’assurance maladie de rattachement ou l’agence régionale de santé compétente. La personne est convoquée à un entretien qui a lieu au plus tard dans un délai de 5 jours suivant la suspension afin d’examiner avec elle les moyens de régulariser sa situation.

La suspension des fonctions ou du contrat de travail prendra fin dès que le travailleur régularise sa situation. Le fait pour un professionnel de ne plus pouvoir exercer pendant une période de plus de 2 mois peut être un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail.

Le Conseil d’État applique les mêmes réserves au licenciement des salariés liés par l’obligation vaccinale qu’à ceux liés par le passe sanitaire.

Isolement des personnes atteintes de la Covid-19

La personne affectée par la Covid-19 sera placée en isolement pour une durée de 10 jours dans le lieu d’hébergement qu’elle a déclaré lors de l’examen. Elle ne peut ainsi pas sortir de ce lieu sauf entre 10 heures et 12 heures.

Il lui sera précisé les conditions permettant la poursuite de la vie familiale et les adaptations nécessaires à la situation particulière des mineurs.

Sandy Allebe

Suivant