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Pourquoi le gouvernement interdit les "clauses Molière"
Imposer la langue française sur les chantiers, c'est illégal ! Les préfets ont reçu pour consigne d'interdire les clauses qui restreignent l'accès aux marchés publics pour les entreprises embauchant des travailleurs détachés. Explications.
La chasse aux clauses illégales est ouverte. Les préfets de France se sont vus rappeler à l’ordre le 27 avril, à travers une instruction signée par quatre ministres français (Intérieur, Économie, Travail et Aménagement du territoire). Le document pointe du doigt les pratiques de certaines collectivités territoriales qui restreignent l’accès aux marchés publics. En cause notamment, la pratique des « clauses Molière », dont les exemples se multiplient en France. Le principe : imposer la maîtrise du français sur les chantiers de bâtiment, et ainsi dissuader les entreprises candidates qui recourent au travail détaché. Plusieurs régions ont déjà adopté le principe de ces clauses : Ile-de-France, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Dans cette dernière, la mesure fait polémique. Face à la contestation en justice des clauses par le préfet, la région (fief de Laurent Wauquiez) fait la sourde oreille et décide de passer outre. L’instruction clôt le débat.
Le fantôme de l’ « amendement Molière »
Introduire une clause Molière dans les conditions d’accès à un marché, c’est aller « plus loin que le droit », affirme l’instruction. Aujourd’hui, un travailleur étranger n’est pas obligé de parler ou de comprendre le français s’il ne désire pas s’installer durablement en France. C’est le cas des travailleurs détachés. Un amendement à la loi El Khomri avait tenté d’imposer le « parler français » sur les chantiers. En vain, la proposition n’ayant pas été retenue. Les députés LR qui soutenaient cet amendement invoquaient l’obligation de sécurité de résultat : pour s’assurer de la compréhension des consignes, affirmaient t-il, il est plus facile de pouvoir communiquer en français.
Imposer le français sur un chantier n’est pas nécessaire
Contraire à la réglementation européenne, la clause Molière « porte atteinte au principe d’égal accès à la commande publique » affirme l’instruction. Autrement dit, elle est discriminatoire. Et cette discrimination ne peut être licite que si elle est nécessaire à l’exécution du marché public. Par exemple, imposer la maîtrise du français peut être justifié s’agissant d’une prestation de formation. En revanche, imposer le français sur un chantier de bâtiment n’est pas nécessaire. Les clauses Molière sont illégales, et doivent être traitées comme telles par les préfets de département.
Et pas question de brandir l’étendard de la protection des travailleurs, avertissent les ministères : toutes les garanties nécessaires sont déjà prévues par le droit européen et national. Le droit du travail français, notamment à travers les lois Macron et El Khomri, a mis en œuvre une série d’instruments pour lutter contre l’emploi irrégulier de travailleurs détachés. Obligations de forme (déclaration préalable, désignation d’un représentant), obligations de fond (socle minimal de garanties pour les travailleurs), devoir de vigilance des maîtres d’ouvrage… Le tout assorti d’amendes administratives pouvant atteindre 500 000 €. Et l’instruction le rappelle : les restrictions imposées aux candidats ne peuvent en aucun cas exonérer l’acheteur de son obligation de vigilance contre les fraudes au travail détaché.
Laurie Mahé Desportes
ActuEL RH
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