Actu

[Interview] Isabelle Dauzet, avocate : « L’activité partielle de longue durée est un outil de relance long-termiste pour les entreprises »

Le gouvernement a instauré un régime d’activité partielle de longue durée soumis à l’autorisation de l’administration. Les modalités seront à définir par la voie du dialogue social. Décryptage du dispositif avec l'avocate en droit social, Isabelle Dauzet, du cabinet De Pardieu Brocas Maffei.

[Interview] Isabelle Dauzet, avocate : « L’activité partielle de longue durée est un outil de relance long-termiste pour les entreprises »
Si les licenciements économiques semblent incompatibles avec l'activité partielle de longue durée (APLD), les entreprises peuvent toutefois combiner le dispositif avec une rupture conventionnelle collective (RCC) ou un accord de performance collective (APC).

La ministre du Travail Élisabeth Borne a annoncé que le dispositif d’activité partielle de longue durée sera maintenu jusqu’à l’été prochain. Ce « bouclier anti-licenciements », entré en vigueur à compter du 1er juillet 2020, a été mis en place pour aider les entreprises à faire face à l’impact de la crise sanitaire et économique. Comment ça marche ? Réponse avec Isabelle Dauzet, avocate en droit social au cabinet De Pardieu Brocas Maffei.

Netpme Premium Abonnement
Passez à l’action :

Netpme Premium Abonnement

En quoi consiste le dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) ?

L’activité partielle de longue durée est un outil de relance long-termiste pour les entreprises. On en connaît les termes depuis le décret du 28 juillet dernier, pris en application de l’article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020. Le dispositif repose sur un objectif affiché visant à préserver les emplois et à sauvegarder les compétences au sein d’entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité.

Si toutes les entreprises peuvent en bénéficier, dans les faits, peu d’entre elles l’ont utilisé à ce jour car elles ont encore majoritairement recours au dispositif d’activité partielle dit « classique ». Elles ont néanmoins commencé à y réfléchir, voire à négocier des accords. Concrètement, le dispositif autorise une réduction du temps de travail jusqu’à un maximum de 40 % d’heures chômées – voire 50 % en cas de circonstances exceptionnelles et sous certaines conditions –, compensées par l’État dans des conditions financières qui seront prochainement plus favorables que le régime d’activité partielle dit de droit commun (dont le niveau d’indemnisation doit être revu à la baisse pour la majorité des entreprises à compter du 1er novembre selon les dernières annonces).

Sous quelles conditions peut-il être mis en place ?

L’activité partielle de longue durée peut être mise en place sous condition de la conclusion d’un accord collectif au niveau de l’établissement, de l’entreprise, du groupe autorisant le recours à ce dispositif. Par ailleurs, et sous réserve d’être couvertes par un accord de branche étendu autorisant un tel recours, les entreprises pourront également y recourir par voie de décision unilatérale. Sur la base « d’un diagnostic sur la situation économique et les perspectives d’activité », cet accord (ou décision), d’une durée de 6 à 24 mois maximum, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs, doit « définir les activités et les salariés concernés et la réduction maximale de l’horaire de travail », sous réserve d’une validation (ou homologation en cas de décision unilatérale) de l’autorité administrative.

L’entreprise doit adresser l’accord (ou le cas échéant la décision) par voie dématérialisée à la Direccte. L’autorité administrative – soit le préfet du département d’implantation de l’entreprise ou l’établissement – a 15 jours pour valider l’accord et 21 jours en cas d’homologation d’un document unilatéral.

Lire aussi Activité partielle : les évolutions envisagées par l’exécutif

Le dispositif prévoit en contreparties des engagements de la part des entreprises ?

Pour justifier le recours à l’APLD, l’employeur sera soumis à certaines obligations de reporting et de transparence. D’une part, il doit présenter un bilan de la mise en œuvre de l’accord aux organisations syndicales signataires et aux institutions représentatives du personnel, soit à son comité social et économique (CSE), tous les trois mois. D’autre part, tous les six mois à l’autorité administrative compétente. En cela, les partenaires sociaux sont des acteurs de premier plan de la bonne mise en place et du suivi de ces accords. Objectif ? Démontrer que l’entreprise les a tenus informés et qu’elle a respecté ses engagements.

Parmi les mentions obligatoires que doit comporter l’accord, l’entreprise doit prendre des « engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ». À savoir que ses engagements doivent a minima correspondre au périmètre d’application de l’APLD. C’est-à-dire que l’entreprise doit entreprendre des engagements en matière d’emploi et de formation professionnelles au minimum pour les salariés concernés par l’APLD.

L’accord peut aussi prévoir, de manière optionnelle, les conditions dans lesquelles les dirigeants et actionnaires « fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ». Entre les lignes, cela pourrait par exemple revenir à inciter à limiter la distribution de dividendes ou encore l’octroi de bonus ou d’augmentation pour les dirigeants. Par ailleurs, les entreprises sont incitées, mais cela reste également optionnel, à favoriser la prise de congés payés ou l’utilisation du CPF comme alternative au recours à l’APLD. L’objectif étant de limiter si possible le recours aux aides, sans pour autant contraindre les partenaires sociaux sur ces sujets.

Lire aussi Activité partielle : la liste des bénéficiaires du taux majoré s’allonge

Quelle prise en charge financière et salariale permet-il ?

L’indemnité versée au salarié par l’employeur est de 70 % de sa rémunération brute, calculée à partir d’une rémunération maximale de 4,5 Smic. De son côté, l’entreprise reçoit une compensation par l’État équivalente à 60 % de la rémunération brute (56 % pour les accords transmis à l’autorité administrative à compter du 1 octobre 2020).

Il semble qu’un projet de décret rectificatif envisage de supprimer cette date butoir du 1er octobre 2020. Selon la déclaration de la ministre du Travail, le montant de cette allocation serait maintenu à 60 % jusqu’à l’été prochain mais les textes confirmant ces déclarations sont encore attendus.

Lire aussi Covid-19 : retour de l’activité partielle pour garde d’enfant

L’APLD peut-elle être cumulée à d’autres dispositifs ?

Aucun texte n’interdit les licenciements économiques pour les entreprises ayant recours à l’APLD, mais les deux régimes sont difficilement compatibles, puisque le décret institue une sanction financière pour les entreprises qui mettraient en œuvre l’APLD sans tenir leurs engagements en termes d’emploi. Dans une telle hypothèse, l’autorité administrative pourra demander à l’employeur le remboursement des sommes perçues au titre de l’APLD. Les Direccte pourraient en outre se montrer particulièrement attentives à ce genre de situation si des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) devaient être mis en œuvre par des entreprises ayant eu recours à l’APLD. L’objectif de ce dispositif est bien d’éviter des licenciements pour motif économique.

Par contre, les entreprises peuvent combiner l’APLD avec une rupture conventionnelle collective (RCC) ou un accord de performance collective (APC). Tous ces outils de relance qui préexistaient à la crise peuvent s’avérer utiles pour réorganiser les entreprises.

Lire aussi Plan de relance : les TPE/PME bénéficieront d’une baisse des impôts de production

Charlotte de Saintignon

Laisser un commentaire

Suivant