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L’apprentissage et la formation professionnelle dans le viseur de la Cour des comptes
Dans un rapport publié le 9 janvier, la Cour des comptes propose plusieurs pistes d’économie pour éviter un dérapage du déficit public. En ligne de mire, plusieurs dispositifs de formation professionnelle : les aides à l’embauche, les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, les exonérations mais aussi le FNE-formation. Au total, 1,459 milliards d’euros pourraient être économisés en 2025.
Des « économiques efficaces, simples à faire et peu douloureuses » : Pierre Moscovici, le premier Président de la Cour des comptes, a appelé le gouvernement à sortir rapidement et définitivement du « quoi qu’il en coûte », en présentant, le 9 janvier sa note de synthèse en vue de la préparation du budget pour 2025. Car les mesures présentées comme « des réponses exceptionnelles [pendant la crise sanitaire] limitées dans le temps », perdurent, qu’il s’agisse de subventions, d’aides fiscales, de prêts, d’investissements publics « sans que leur cohérence et l’efficacité le justifient », aggravant les dépenses budgétaires de l’État.
La Cour des comptes formule donc 12 propositions d’économie à engager dès 2025, après deux lois de finances « pauvres en réformes et en économies » dans le but de générer 1,54 milliards d’euros d’économie sur les dépenses du budget général dès 2025 et 3,85 milliards d’euros à l’horizon 2027.
Apprentissage : mieux cibler les aides
La Cour des comptes cible particulièrement les mesures de soutien à l’apprentissage et à la formation professionnelle, en proposant 1, 459 milliards d’euros d’économie dès cette année. Tout d’abord, les aides à l’apprentissage sont jugées très coûteuses : 16,5 milliards d’euros dépensés en 2023 dont 7,5 milliards portés par le budget de l’État. Une situation qui n’est « plus soutenable », selon les magistrats financiers. D’autant que ces coups de pouce ont « majoritairement bénéficié aux étudiants de l’enseignement supérieur depuis 2020 », entraînant des « effets d’aubaine majeurs » ; cette voie de formation n’améliorant pas forcément leur insertion professionnelle. C’est pourquoi la Cour des comptes préconise de cibler les aides sur les entreprises de moins de 250 salariés et les apprentis des niveaux de formation 3 et 4 seulement (infra-bac). Avec à la clef, 745 millions d’euros attendus en 2025.
Reste à avoir sir le message sera entendu : le gouvernement a annoncé, le 30 décembre, une baisse plus modérée de l’aide à l’apprentissage : 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés contre 6 000 euros ; 2 000 euros pour les entreprises de 250 salariés et plus (pour la première année d’exécution du contrat).
Plafonnement des NPEC de l’enseignement supérieur
La seconde source d’économie réside dans le mode de financement des centres de formation pour apprentis (CFA). Ces établissements sont financés par les opérateurs de compétences selon le mécanisme du « coût-contrat » décidé par les branches professionnelles et régulé par France compétences. En pratique, pour chaque apprenti formé, les CFA reçoivent un financement de l’opérateur de compétences : le financement au contrat. Mais l’État a dû mettre plusieurs fois la main au portefeuille, en 2021, 2022 et 2023, pour rallonger les budgets.
Des mesures de régulation ont pourtant été prises : France compétences a serré la vis – avec des diminutions de niveaux de prise en charge en 2022 et 2023. Mais la Cour des comptes estime que cet « effort n’est pas suffisant ». Et appelle à de nouvelles coupes drastiques, en rapprochant les niveaux de prise en charge « au plus près des coûts de revient des diplômés ». Elle s’appuie ici sur une estimation de France compétences qui considère que 36 % des NPEC représentant 44 % des contrats sont encore supérieurs aux coûts de référence.
En outre, les magistrats de la rue Cambon se prononcent pour le plafonnement des NPEC de l’enseignement supérieur. Ce qui, selon eux, pourrait générer 225 millions d’euros d’économie en 2025.
La fin des exceptions pour la taxe d’apprentissage
Autre piste : la Cour des comptes souhaite s’attaquer aux entreprises exonérées de la taxe d’apprentissage (0,68 % de la masse salariale), à l’instar des petites entreprises employant au moins un apprenti et dont la masse salariale est inférieure à six fois le Smic ou aux structures bénéficiant d’un taux minoré comme celles implantées dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Ces pistes pourraient générées 373 millions d’euros en 2025.
Enfin, le quatrième et dernier volet d’économies mises en avant par la Cour consiste à faire revenir le FNE-formation à son niveau d’avant crise, avec une enveloppe annuelle de 10 millions d’euros (258 millions d’euros d’économies attendues), contre 352 millions d’euros en 2020, 150 millions d’euros en 2022 et 256 millions d’euros en 2023. D’ores et déjà, l’an passé, 275 millions d’euros avaient été budgétés mais un décret du 21 février 2024 avait annulé ces crédits pour ramener l’enveloppe à 96 millions d’euros. Pour la Cour des comptes, d’autres dispositifs peuvent être mobilisés pour favoriser la formation des salariés, en premier lieu le « plan de développement des compétences ».
La Cour des comptes propose également de revenir en 2025 au barème fiscal kilométrique en vigueur en 2021. Économie attendue : 530 millions d’euros en 2025.
Anne Bariet
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