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Le projet de loi Travail redéfinit le licenciement pour motif économique
Le projet de loi Travail définitivement adopté réécrit la définition du licenciement pour motif économique. Il fixe au seul niveau de l'entreprise le périmètre d'appréciation des difficultés économiques. Et il précise les indicateurs dont l'évolution significative est de nature à justifier des licenciements, la durée de cette évolution dépendant de l'effectif de l'entreprise.
L’article 30 aura fait couler beaucoup d’encre, suscité de nombreux débats et interprétations, et aura connu des versions différentes au fil de l’examen parlementaire.
L’article L.1233-3 modifié par la loi Travail (Ndlr : les changements sont soulignés) |
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Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés technologiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à : a) 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés; b) 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés; c) 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés; d) 4 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 300 salariés et plus; 2° A des mutations technologiques; 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité; 4° A la cessation d’activité de l’entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article. |
Entrée en vigueur : 1er décembre 2016
Cette nouvelle définition entre en vigueur le 1er décembre 2016, pour « des raisons de sécurité juridique », ont justifié les députés. Changer les règles sur le licenciement peut déstabiliser les acteurs, il faut donc leur laisser plusieurs mois pour une bonne assimilation des nouvelles règles, indique-t-on au ministère du Travail. Autre raison avancée par le gouvernement : la nouvelle définition permettant au juge d’apprécier la réalité des difficultés économiques vise une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires d’un trimestre, il faut donc laisser cette durée minimum s’écouler après la promulgation de la loi.
Pas d’innovation majeure dans les motifs
Examinons maintenant ce que change cette nouvelle rédaction. Première observation : les premières lignes ne bougent pas. Le licenciement économique doit toujours ne pas être « inhérent à la personne du salarié », contrairement au licenciement disciplinaire par exemple. Deuxième remarque : les motifs du licenciement visés par la loi sont les difficultés économiques et les mutations technologiques, comme auparavant, auxquels s’ajoutent désormais la réorganisation de l’entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité. La loi ne fait ici que reprendre deux motifs déjà reconnus par les juges. En pratique, cela ne change rien, sauf peut être à donner une meilleure lisibilité aux employeurs et aux salariés des règles applicables en matière de licenciement économique. Notons du reste que les mots de « sauvegarde de compétitivité » ne paraissent toujours pas de nature à justifier des licenciements économiques qui ne seraient fondés que sur la recherche d’une simple « amélioration de la compétitivité ».
Des critères destinés à objectiver le motif du licenciement économique
Cette définition maintient le mot « notamment » dans le premier alinéa. Cet adverbe, d’apparence anodin, permet au juge une certaine souplesse dans l’interprétation de la loi. Autrement dit, un juge pourra retenir d’autres critères que ceux indiqués dans la loi pour juger qu’une entreprise connaît des difficultés économiques justifiant des licenciements. Mais, à l’inverse, un juge pourra-t-il décider qu’une entreprise n’est pas en difficulté bien qu’elle remplisse une des conditions (baisse des commandes, par exemple) posées par la loi ? Cela semble très peu probable. Mais il faudra suivre, à cet égard, la jurisprudence. L’idée du gouvernement est en effet de « sécuriser » les licenciements économiques en donnant une définition objective des difficultés, de façon à limiter le pouvoir d’appréciation du juge.
Les critères et durées retenus pour caractériser les difficultés
Cette définition de critères objectifs caractérisant les difficultés économiques constitue d’ailleurs la grande nouveauté de cette réécriture. Tous les critères mentionnés (baisse des commandes, pertes d’exploitation, etc.) sont censés démontrer l’existence de difficultés économiques dès lors que leur évolution est « significative ». Mais cette « évolution significative » est laissée à l’appréciation des juges s’agissant :
- des pertes d’exploitation ;
- de la dégradation de la trésorerie ;
- de l’excédent brut d’exploitation ;
- de toute autre élément de nature à justifier ces difficultés.
En revanche, concernant les commandes ou le chiffre d’affaires, la loi précise que leur baisse est significative dès lors qu’elle représente une certaine durée. Cette durée, qu’il faut comparer par rapport à la même période de l’année précédente, dépend de l’effectif de la société. Les niveaux d’appréciation fixés par la loi sont les suivants :
- 1 trimestre ou 3 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pour les TPE (moins de 11 salariés);
- 2 trimestres ou 6 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pour les sociétés de 11 à 49 salariés ;
- 3 trimestres ou 9 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires de 50 à 299 salariés ;
- 4 trimestres ou 12 mois consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires à partir de 300 salariés.
Ces durées paraissent particulièrement faibles pour les TPE et petites PME car une baisse saisonnière d’activité d’une année sur l’autre peut suffire à justifier des licenciements. La CGPME, qui déplore le contenu général de la loi, s’est d’ailleurs félicitée de « la sécurisation des critères de licenciement économique ».
Le périmètre d’appréciation des difficultés : retour à l’existant !
Ce point a fait l’objet d’âpres débats au sein de la majorité socialiste : fallait-il limiter au seul périmètre national l’appréciation par le juge des difficultés économiques d’une entreprise ? Le gouvernement plaidait dans le sens d’une « sécurisation juridique du motif économique du licenciement » afin de ne pas décourager les investissements étrangers en France. L’étude d’impact du projet de loi Travail justifiait cette approche par le souci pragmatique de favoriser les réorganisations des entreprises : « La jurisprudence actuelle peut dans certains cas conduire à des solutions qui privent de toute possibilité de réorganisation des entreprises manifestement confrontées à des difficultés économiques sur le territoire national mais relevant d’un groupe dont les activités dans le monde sont florissantes ». L’écriture envisagée par le gouvernement limitait le périmètre d’appréciation des difficultés, lorsqu’une entreprise appartient à un groupe, au seul secteur d’activité commun des entreprises du groupe implantées au niveau national, et non plus à une échelle européenne ou mondiale.
Cela aurait donc empêché la Cour de cassation de prendre en considération la santé économique d’un groupe dans son ensemble. La version définitive du texte écarte finalement cette perspective. Seule apparaît une nouvelle phrase, mais qui ne porte que sur le constat matériel des suppressions de postes : « La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise ». Autrement dit, sur le point crucial du périmètre d’appréciation des difficultés économiques (entreprise, groupe, etc.), le droit actuel reste en l’état. Du coup, le périmètre n’étant plus restreint au niveau national, la précaution suggérée par le Conseil d’Etat disparaît du texte. Elle visait expressément à permettre au juge, pour vérifier la réalité du motif économique, de s’assurer que n’ont pas été mises en oeuvre par l’employeur des « difficultés créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ».
Avant un transfert d’entreprise, les licenciements deviennent possible et la consultation du CE est renforcée |
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L’article 94 de la loi Travail (anciennement l’article 41 du projet de loi) revient sur l’interdiction faite de licencier avant un transfert d’entreprise. Le gouvernement estime en effet que cette interdiction peut empêcher des reprises d’entreprise et donc se révéler négatif pour l’emploi sur le long terme. L’article 94 réécrit donc l’article L.1233-61 du code du travail afin de prévoir la possibilité d’une reprise partielle (et donc un transfert partiel des contrats de travail), mais pour les seules entreprises d’au moins 1 000 salariés (visés par l’art L.1233-71) et uniquement pour un PSE en vue d’éviter la fermeture d’un site. L’information/consultation du comité d’entreprise dans le cadre du PSE (art. L.1233-57-19) mis en oeuvre dans ce cadre est également renforcée : « Lorsque la procédure est aménagée en application de l’art. L.1233-24-2 pour favoriser un projet de transfert d’une ou de plusieurs entités économiques mentionné à l’art. L.1233-61, l’employeur consulte le comité d’entreprise sur l’offre de reprise dans le délai fixé par l’accord collectif mentionné à l’art. L.1233-24-2 (Ndlr : accord sur le contenu du PSE). Le nouvel alinéa de l’article L.1233-61 est rédigé ainsi : « Dans les entreprises mentionnées à l’art. L.1233-71, lorsque le plan de sauvegarde de l’emploi comporte, en vue d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements, le transfert d’une ou de plusieurs entités économiques nécessaire à la sauvegarde d’une partie des emplois et lorsque ces entreprises souhaitent accepter une offre de reprise dans les conditions mentionnées à l’art. L.1233-57-19, les dispositions de l’art. L.1224-1 relatives au transfert des contrats de travail ne s’appliquent que dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés à la suite des licenciements, à la date d’effet de ce transfert ». ►Cet article ne s’applique qu’aux licenciements économiques engagés après la publication de la loi Travail. |
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