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Le projet du RN sur l’immigration pourrait avoir des répercussions sur le marché de l’emploi

Certains secteurs en tension peinent à recruter des talents. C’est le cas des services à domicile qui emploient nombre de personnes issues de l’immigration. Et le programme de certains partis politiques, notamment celui du RN concernant l’immigration, pourrait aggraver encore un peu plus cette pénurie de main d’œuvre.

Le projet du RN sur l’immigration pourrait avoir des répercussions sur le marché de l’emploi
Comptant beaucoup de professionnels indépendants qui ne sont pas de nationalité française, Pierre André, cofondateur de Wecasa, s'inquiète d'une éventuelle victoire du Rassemblement national aux législatives. © Getty Images

Comme tous les chefs d’entreprise, Pierre André, cofondateur de Wecasa, est inquiet. Une étude de la CPME révèle que plus d’un tiers d’entre eux (35 %) redoute l’instabilité politique (35 %) et un sur trois craint pour le maintien de la paix civile (29 %)*. Depuis sa création fin 2016, la plateforme Wecasa met en relation des travailleurs indépendants et des particuliers. Elle collabore avec plus de 10 000 professionnels indépendants dans différents métiers du service à domicile –ménage, coiffure, beauté et massage et garde d’enfants, dont beaucoup sont des travailleurs étrangers ou binationaux.

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Métiers en tension

« Dans nos métiers, et en particulier dans les prestations de ménage qui représentent deux tiers de notre activité, nous comptons beaucoup de professionnels indépendants qui ne sont pas de nationalité française. Plus de la moitié sont immigrés et ne sont pas de nationalité française, dont une grande majorité qui est de nationalité extra-européenne », indique-t-il. L’immigration joue un vrai rôle dans ce secteur, avec des personnes immigrées qui occupent des postes souvent délaissés par la main-d’œuvre locale.

Limiter cette immigration pourrait réduire la disponibilité de professionnels qualifiés et affecter la qualité et la diversité des services offerts, ainsi que la cohésion sociale. Craignant des éléments de restriction sur l’immigration si le Rassemblement national (RN) est à la tête du pays, et pointant du doigt la difficulté pour le secteur de réussir à recruter et à attirer des talents, il rappelle que « toutes les entreprises ont besoin des populations immigrées pour réaliser ces services. On peine à recruter car il y a beaucoup de demandes et de besoins. Si le RN limite fortement l’immigration, cela va créer encore plus de tensions sur ce marché-là ».

France Travail le confirme : le métier d’agents d’entretien de locaux figure ainsi en deuxième position de son top 10 des métiers les plus recherchés hors saisonniers. Le cofondateur de Wecasa craint que cela aille même plus loin. « C’est encore plus inquiétant s’il y a un risque pour les populations déjà implantées qui sont déjà en activité ». Wecasa, qui porte haut les valeurs de diversité et d’inclusion, emploie une centaine de salariés dont 10 % d’extra-européens et s’interroge sur le sort de ces salariés. De fait, Pierre André craint également « plus de difficultés à trouver des personnes qualifiées pour différents métiers dans le domaine technologique qu’est le nôtre ».

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Racisme exacerbé

Depuis trois ans, Sabrina, 34 ans, arrivée en France il y a six ans pour « son amour de la culture et de la mentalité française », travaille en tant qu’aide-ménagère via Wecasa. « Ca me stresse depuis les élections. Je n’ai jamais été aussi inquiète qu’en ce moment. J’ai mal. Je crains même les regards des gens. C’est inquiétant car cela a donné aux racistes l’autorisation de s’exprimer. Si je ne porte aucun signe ostentatoire, mon teint, mes cheveux me trahissent, ça se voit que je suis arabe. C’est de pire en pire ce jugement, on est pointés du doigt ».

Depuis les élections européennes qui avaient porté le RN en tête avec 31,37 % des voix, elle déplore le racisme de plus en plus prononcé dans l’Hexagone. Ce que confirme Pierre André : « On peut craindre que la parole se décomplexe, que se créé au niveau humain un sentiment de rejet et que s’attise un racisme plus ouvert et plus assumé envers ces populations qui seraient alors plus souvent l’objet de propos racistes. Cela créerait des tensions entre les personnes ».

Sabrina, qui possède un titre de séjour et travaille 35 à 40 heures par semaine confie son désarroi et sa crainte de devoir retourner en Algérie si le RN devait accéder au pouvoir à l’issue du second tour des législatives. Ayant fui son pays pour « ne pas vivre sous la tradition algérienne », elle est arrivée en France comme jeune fille célibataire. « C’est hors tradition. Retourner là-bas, c’est être considérée comme une immigrée, c’est être une femme à la maison qui ne fait rien, sans travail. Je ne serai pas acceptée par la société. Ma vie va s’effondrer ».

Pour Sabrina, qui avec sa micro-entreprise, paie des cotisations sociales tous les mois, l’État fait preuve de stigmatisme à l’encontre de tous les immigrés. « Ils essaient de renvoyer les mauvaises personnes. Il n’y a pas que des migrants délinquants. Nombre d’entre nous ont fait des études et se sont intégrés dans la société ». Ce que confirme Pierre André : « Ce ne sont pas que des personnes qui vivent des allocations. Ce sont des personnes méritantes qui travaillent dur, avec beaucoup d’énergie et de sérieux pour gagner leur vie. Elles rendent des services utiles, paient des cotisations et participent à la vie sociale. Elles se sentent rejetées pour des tords qui ne sont pas les leurs. ».

Indépendants.co, syndicat qui a clamé son opposition à l’extrême droite, déclare ne pas pouvoir « fermer les yeux sur les notions de racisme, de xénophobie et de préférence nationale également défendues par ce parti ».

*Enquête en ligne de la CPME menée auprès de 1 066 dirigeants de TPE/PME du 20 au 24 juin.

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Charlotte de Saintignon

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