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L'employeur peut effectuer une retenue salariale dès qu'il estime abusif l'exercice du droit de retrait

Pour effectuer une retenue sur salaire, l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l'exercice du droit de retrait par un salarié. Il peut y procéder dès qu'il estime que les conditions d'exercice de ce droit sont non remplies.

L'employeur peut effectuer une retenue salariale dès qu'il estime abusif l'exercice du droit de retrait
L’employeur qui estime illégitime le droit de retrait exercé par son salarié, peut-il procéder à une retenue salariale ? © Getty Image

Le droit de retrait a pour objectif de permettre aux salariés de faire face efficacement à toute situation dangereuse apparaissant soudainement. Ils alertent aussitôt l’employeur et peuvent se retirer d’une situation de travail, lorsqu’ils ont un motif raisonnable de penser que celle-ci présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé (article L.4131-1 du code du travail). Lorsque les conditions d’exercice de ce droit sont remplies, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre du salarié. Mais lorsque celles-ci ne sont pas remplies, le salarié qui commet un abus de droit, s’expose à une retenue salariale voire à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Dans cet arrêt publié au bulletin du 22 mai 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu se prononcer pour la première fois sur les conditions d’exercice de la retenue salariale. Plus particulièrement, la question était de savoir si l’employeur qui estime illégitime le droit de retrait exercé par son salarié, peut-il procéder à une retenue salariale ou s’il doit au préalable saisir le juge pour voir trancher la question du caractère justifié ou non de l’exercice de ce droit.

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Une pratique systématique de retenue salariale portant atteinte à l’exercice du droit de retrait

Dans un contexte particulièrement tendu lié à divers événements survenus sur la zone Afrique entre 2014 et 2016, plusieurs salariés d’une compagnie aérienne exercent leur droit de retrait. Malgré des alertes et plusieurs avis de danger grave et imminent consignés par les représentants du CHSCT de l’entreprise, l’employeur estimant les conditions d’exercice de ce droit non remplies, procède à une retenue sur salaire.

Les syndicats saisissent le juge pour voir interdire l’employeur, sous astreinte, de pratiquer des retenues sur salaire en l’absence de décision judiciaire déclarant abusif le droit de retrait des salariés concernés. Ils y dénonçaient une situation inacceptable selon laquelle l’employeur procédait de façon systématique et immédiate à la retenue salariale lorsque le droit de retrait des salariés était exercé. Cette pratique qualifiée d’abusive et dissuasive portait alors atteinte à l’exercice du droit de retrait.

Aucune saisie préalable du juge pour effectuer une retenue sur salaire

La décision de la cour d’appel tendant à rejeter les demandes des syndicats est confirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation. Après avoir rappelé les conditions d’exercice du droit de retrait et ses conséquences prévues aux articles L.4131-1 et suivants du code du travail, elle précise pour la première fois que « lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien fondé de l’exercice de ce droit par le salarié ».

La chambre sociale n’avait jusqu’à présent pas eu l’occasion de se prononcer sur la question. Seule la chambre criminelle avait pu le faire : lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, peu important qu’il reste à la disposition de l’employeur, ce dernier n’étant pas tenu de saisir préalablement le juge sur l’appréciation du bien fondé de l’existence du droit de retrait par le salarié (arrêt du 25 novembre 2008).

Tout comme le salarié qui dispose d’une liberté dans l’exercice de son droit de retrait (l’existence effective d’un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié n’est pas requis, le salarié doit seulement avoir un motif raisonnable de penser qu’un tel danger existe), l’employeur est lui aussi libre, lorsqu’il estime les conditions d’exercice du droit de retrait non remplies, de procéder à une retenue sur salaire sans avoir à saisir au préalable le juge judiciaire.

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Jean-David Favre

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