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Les artisans du bâtiment n'ont "pas le droit" d'être malades
"Pas le temps", "pas suffisamment malade"... La plupart des artisans du BTP ne sont pas suivis médicalement concernant leur activité professionnelle. D'après les résultats d'un baromètre diffusé la semaine dernière, entre le stress, les TMS et le risque de burn-out, ils devraient pourtant songer à consulter.
Un peu surpris que l’on s’intéresse à eux, les trois quarts ont répondu « non ». La question, posée parmi tant d’autres pour établir un baromètre sur leur santé, était : « Êtes-vous suivi médicalement au niveau de votre activité professionnelle ? » Sur les 3 120 chefs d’entreprise artisanale du BTP, seuls 25% passent donc la porte du médecin pour des problèmes de santé liés à leur activité.
« Durs à la tâche »
Les autres ? « Ils n’y vont pas, parce qu’ils ne s’estiment pas en suffisamment mauvaise santé pour légitimer la visite », développe Julie Boisserie. Elle est responsable du pôle Innovation prévention à l’Iris-st (Institut recherche et d’innovation sur la santé et la sécurité au travail), l’un des initiateurs du baromètre. « Pour eux, le médecin, c’est vraiment quand ils ne peuvent plus travailler », ajoute-t-elle. Pascal Perrot, médecin-conseil au RSI, le régime social des indépendants, confirme : « Ils sont durs à la tâche ».
« Multicasquettes »
C’est d’ailleurs là tout leur problème : la tâche est ample. « Le chef d’entreprise artisanale dans le BTP est « multicasquettes’, il fait tout. De la gestion, de l’administratif, il est sur les chantiers et à la recherche permanente de nouveaux marchés… Finalement, ils nous disent qu’ils n’ont pas le temps, et pas le droit d’être malades », regrette Julie Boisserie. Malgré un stress et des cadences qui les fatiguent jusqu’à frôler le burn-out, la seule raison qui peut les pousser à consulter, selon le baromètre, serait « une douleur trop forte ou trop handicapante pour pouvoir travailler correctement ». D’où la détection tardive de certaines pathologies.
Pas de médecine du travail
Fait important à souligner ici : aucun dispositif n’est dédié à la santé de ces artisans en tant que professionnels. Là où les salariés sont suivis par un service de santé au travail, eux n’ont qu’un interlocuteur, leur médecin traitant. Même si « ce n’est pas la qualité de la consultation qui bloque, mais plutôt la conscience du besoin d’aller consulter » selon Julie Boisserie, ce constat n’est pas sans poser d’évidents problèmes en termes de suivi médical professionnel : « Les médecins traitants ne sont pas des experts concernant les pathologies professionnelles, et ils ne connaissent pas bien les problèmes propres aux chantiers du BTP », rappelle la responsable prévention de l’Iris-st.
Chutes, TMS et risque chimique
La liste des maladies et des risques auxquels les chef d’entreprise artisanale du BTP sont exposés est pourtant importante. De l’avis du docteur Perrot, viennent d’abord « les chutes de hauteur ou de plain-pied, le grand classique des TMS, puis les risques chimiques ». Les artisans interrogés pour le baromètre ont aussi signalé l’exposition à la poussière (36%), au bruit (24%) et le danger que présente l’utilisation régulière de machines et d’outils (27%). Globalement, l’étude insiste sur le fait qu’ils ont davantage conscience de ce risque pour leurs employés que pour eux-mêmes, et qu’ils endossent les tâches les plus risquées.
L’inconnue accidents
Au regard de ces éléments, la proportion d’accidents du travail indiquée par le baromètre semble faible : d’après lui, seuls 17% des artisans du BTP auraient été victimes d’un accident du travail sur les cinq dernières années. Par ailleurs, outre le grand nombre de sous-déclarations dans ce secteur, rappelle le docteur Perrot, avec le RSI, les artisans ne disposent pas d’une assurance AT/MP. Pas étonnant, dans ces conditions, de rencontrer des situations comme celle que décrit Julie Boisserie : « Ils se blessent assez gravement, mettent un sparadrap et retournent travailler. » Le médecin-conseil précise néanmoins que des études sont en cours « pour avoir une meilleure connaissance de l’accidentologie ».
Vers un vrai suivi ?
Plusieurs initiatives sont aussi en cours d’élaboration pour tenter d’enrayer le phénomène. Le RSI lancera ainsi mi-octobre un programme destinée à sensibiliser les artisans du BTP aux risques propres à leur activité. Une consultation médicale doit aussi leur être proposée. De leur côté, les syndicats et l’Iris-st songent à mettre en place un « dispositif de suivi statistique des accidents du travail et maladies professionnelles », ainsi qu’un « suivi médical professionnel périodique ». Qui serait synonyme de cotisations ? Toujours est-il que « le besoin est réel », conclue le docteur Perrot.
Les chiffres importants du baromètre |
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Sur 3 000 artisans du BTP interrogés pour les besoins du baromètre Artisanté BTP, 80% s’estiment en bonne santé. Au premier abord. Car en réalité, plus de la moitié se dit tout de même stressée par la gestion de son affaire et par le rythme soutenu de son activité. Un artisan sur deux travaille plus de 50h par semaine, et souvent le week-end. Conséquence : 89% des personnes interrogées estiment que leur vie professionnelle déteint sur leur vie personnelle. Quand ils sont sur les chantiers, 98% se disent attentifs aux questions de sécurité quand elles concernent leurs employés, mais les trois quarts d’entre eux se réservent les tâches les plus risquées. |
Pour plus d’infos sur le sujet, retrouvez notre kit prêt à l’emploi sur le statut de l’artisan.
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