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Les artisans se mettent à nu pour faire le buzz
Un peu partout en France, on voit éclore sur les réseaux sociaux des photos d’artisans et commerçants posant nus. À l’origine du mouvement « artisans à poil », Arnaud Gras, photographe et gérant de l’Agence Arnography basée à Boran-sur-Oise en Picardie. L’initiative a depuis été reprise dans la France entière.
Depuis quinze jours, artisans et commerçants de France et de Navarre s’exposent en tenue d’Adam et Eve avec une pancarte « Quitte à être mise à poil par le gouvernement, je préfère le faire moi-même ! #Artisans : première entreprise de France ». « On n’est pas descendus dans la rue. Ces photos, c’est un moyen de se faire entendre et de se faire voir sans forcément aller tout casser », entame Killian Durand, fleuriste à la tête de la boutique Celtik fleurs à Lannion.
À l’origine de ce mouvement qui a rapidement fait le buzz sur les réseaux sociaux et s’est depuis étendu sur l’ensemble des territoires de France et même en Belgique et en Italie, c’est Arnaud Gras, artisan photographe gérant de l’Agence Arnography à Boran-sur-Oise en Picardie. « Je voulais communiquer de manière positive et décalée sur la fermeture administrative des commerçants et faire réagir, ou au moins faire sourire les gens dans une période difficile. Avec ma femme Corinne, qui travaille au studio avec moi, on a eu l’idée de faire une photo me représentant nu et tenant un panneau avec un message humoristique. Mais je ne pensais pas que cela serait repris et prendrait autant d’ampleur. »
Accolée du hashtag #artisanapoil, il a posté la photo le 2 novembre sur sa page Facebook. Impossible de comptabiliser depuis le nombre exact de personnes qui ont rallié le mouvement. À ce jour, « je pense que plus de 1 000 photos circulent sur les réseaux », estime Arnaud Gras. « Beaucoup se sont appropriés la photo et ont attiré l’attention de d’autres corps de métiers, coiffeurs, esthéticiennes, fleuristes… Il y en a tous les jours de nouvelles », témoigne Gwendoline Talbourdel, auto-entrepreneure et photographe à La Chapelle-des-Marais en Loire-Atlantique.
« J’ai trouvé l’initiative différente et sympa. C’est une démarche artistique et l’art est universel. Cela a plus d’impact à mon sens qu’une manifestation. »
À Crevant-Laveine en Auvergne, la couturière Aurélie Lapointe, confrontée elle aussi aux difficultés liées à la fermeture de son activité, a rejoint le mouvement par solidarité : « J’ai trouvé l’initiative différente et sympa. C’est une démarche artistique et l’art est universel. Cela a plus d’impact à mon sens qu’une manifestation. »
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Injustice criante
L’objectif, au-delà de prouver la solidarité entre artisans et commerçants jugés « non essentiels » par le gouvernement, est de « dénoncer l’incohérence de la fermeture de ces petites entreprises, alors que d’autres enseignes peuvent rester ouvertes au public. On reproche le manque d’égalité alors que c’est une période clé pour nous », explique Gwendoline Talbourdel.
Les photographes évoquent notamment les photomatons, ces cabines automatiques de photos d’identité qui « restent ouvertes et ne sont même pas nettoyées après chaque passage. Personne ne m’a répondu sur le sujet quand j’ai interpellé les politiques. C’est deux poids deux mesures », déplore Arnaud Gras.
Tous ces artisans crient finalement à l’injustice : « Nous avions pourtant mis en place un protocole sanitaire très strict et bien respecté, avec un flux de personnes largement régulé. Dans nos petits espaces où l’on reçoit peu de monde en même temps, il est d’autant plus facile de respecter les gestes barrières » explique, dépitée, Gwendoline Talbourdel. « On demande juste de nous laisse travailler », martèle Killian Durand.
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Visibilité zéro
Derrière cette facétie de façade, ces commerçants et artisans souffrent de devoir maintenir leur rideau tiré et ne savent pas s’ils pourront reprendre leur activité. « On n’a aucune visibilité, on ne peut pas se projeter, soupire Killian Durand dont une grande part de l’activité repose sur de l’événementiel pour des entreprises et des mariages. On a tout mis en stand-by, les embauches, les investissements. On ne peut pas prendre d’engagement et les clients ne valident aucun devis car ils restent frileux pour faire des projets. Résultat : je suis à – 40 % par rapport à mon prévisionnel ».
Et les difficultés sont les mêmes pour tous les corps de métier. La période des fêtes de fin d’année, propice aux photos de famille pour les photographes, risque d’être annulée. « C’est normalement une période très chargée. Si les clients se montrent compréhensifs et acceptent de décaler leurs séances, cela n’est pas toujours possible, notamment pour les photos de naissance et de maternité. Et nous, n’avons pas la possibilité de faire du click and collect. »
« On propose la livraison à domicile de petits-déjeuners avec croissants, fleurs et journaux ou la livraison de kits apéro avec des fleurs, du vin et des rillettes. »
Alors, pour s’en sortir, certains innovent. Killian Durand a ainsi noué des partenariats avec les commerçants de son village – boulanger, caviste, conserverie… « On propose la livraison à domicile de petits-déjeuners avec croissants, fleurs et journaux ou la livraison de kits apéro avec des fleurs, du vin et des rillettes. » Objectif : rester présent et garder le lien avec les clients.
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Charlotte de Saintignon
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