Actu

Les dirigeants patronaux, entre crainte et attentisme avant les élections législatives

Aucune des trois organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, soit le Medef, la CPME et l’U2P, n’appelle à voter pour l’une des forces en lice aux élections générales des 30 juin et 7 juillet.

Les dirigeants patronaux, entre crainte et attentisme avant les élections législatives
Patrick Martin (Medef), François Asselin (CPME) et Michel Picon (U2P) ont renoncé à lancer dans un communiqué commun un appel à voter contre l'extrême droite. © Medef / CPME / U2P

À l’approche des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet, les dirigeants des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, soit le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), oscillent entre crainte de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN), en tête dans les sondages, et attentisme.

Le Guide du Chef d'entreprise 2024
Passez à l’action :

Le Guide du Chef d'entreprise 2024

« La position du Medef consiste à dénoncer les incohérences à la fois du projet du Nouveau Front Populaire et de celui du RN [Rassemblement national] », a indiqué le président de l’organisation, Patrick Martin, dans un entretien publié par Le Figaro le 19 juin, à la veille d’une audition, par les trois organisations, de représentants des principales forces en lice.

Une mise en équivalence entre d’une part, l’alliance de gauche regroupant le Parti socialiste (PS), La France insoumise (LFI), Les Écologistes et le Parti communiste français (PCF), d’autre part, la formation d’extrême droite, arrivée en tête des élections européennes du 9 juin ? Pas complètement. Pour Patrick Martin, « le programme du RN est dangereux pour l’économie française, la croissance et l’emploi, celui du Nouveau Front Populaire l’est tout autant, voire plus », a estimé le dirigeant patronal auprès du journal.

Le président du Medef lance « un appel à soutenir les formations qui défendent l’économie de marché, le libre-échange et un attachement à l’Union européenne, le tout en tenant compte de la réalité financière du pays ». Mais il n’a pas invité à reconduire la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale dissoute le 9 juin par le président de la République, Emmanuel Macron. Le 13 juin, Patrick Martin et le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avaient abordé la « situation économique et politique » du pays au cours d’un entretien, a appris NetPME auprès de Bercy.

La critique de la CPME du programme du Nouveau Front populaire

La CPME, elle, a diffusé le 10 juin un communiqué mettant en exergue des « priorités » de l’action du futur gouvernement, de son point de vue, notamment « une réforme de l’action publique intégrant enfin une limitation du poids de la fonction publique » ou la confirmation de la « politique de l’offre visant à soutenir les entreprises ». Quatre jours plus tard, l’organisation patronale a critiqué le programme du Nouveau Front populaire.

« Le retour d’une économie administrée prévoyant notamment un blocage des prix, une embauche massive de fonctionnaires et un alignement des salaires sur l’inflation, ferait immédiatement décrocher notre économie », a dénoncé notamment l’organisation. La CPME n’a pas publié de communiqué similaire sur les promesses du Rassemblement national. Sollicité, le service de presse de l’organisation n’a pu donner de suites positives aux demandes d’interview de NetPME.

L’absence de communiqué commun du Medef, de la CPME et de l’U2P

Le patronat n’a pas diffusé de communiqué commun. Selon l’Agence France-Presse (AFP), le Medef, la CPME et l’U2P avaient envisagé, au lendemain des élections européennes, la diffusion d’un texte, avant d’y renoncer.

Le politiste Michel Offerlé y voit la conséquence d’un refus des « dirigeants de l’Union des entreprises de proximité » d’« engager leurs adhérents ». « En effet, le poids démographique des très petites entreprises (TPE) parmi les entreprises est central − au moins 90 % d’entre elles sont des TPE − et pour autant qu’on puisse le savoir, la percée du RN y est égale et supérieure à la croissance des suffrages parmi l’ensemble des votants » des élections européennes, fait remarquer ce professeur émérite de sociologie politique à l’École normale supérieure, dans une tribune publiée le 18 juin par Le Monde.

La demande pressante de Bruno Le Maire

Le patronat n’a que partiellement répondu à la demande pressante de Bruno Le Maire. « J’en appelle aux chefs d’entreprise, aux artisans, aux commerçants, aux indépendants, je ne vous demande pas de prendre des positions politiques, je dis juste à la CPME, je dis juste au Medef, je dis juste à l’Association française des grandes entreprises [Association française des entreprises privées, Afep] de dire clairement ce qu’elle pense des programmes économiques des uns et des autres », a souligné le 11 juin sur BFMTV le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Selon Bruno Le Maire, il faut que « les gens se mouillent, que les chefs d’entreprise à qui ils auront baissé l’impôt sur les sociétés [sic], les industriels à qui nous avons supprimé les impôts de production pour qu’ils soient compétitifs face à l’Allemagne, pour qu’on puisse rouvrir des usines de voitures, des usines d’avions, des usines de batteries électriques, fassent comprendre au reste de la population : ‘‘C’est vous qui décidez mais sachez que si ce programme-là [celui du RN] passe, on ferme nos usines et on supprime des emplois.’’ »

La politique de l’exécutif menée en faveur des entreprises depuis 2017, n’a pas suffi à convaincre les dirigeants des trois grandes organisations patronales de lancer un appel explicite et unanime à voter en faveur du camp présidentiel et contre l’extrême droite.

Lire aussi Élections législatives : peut-on parler politique au travail ?

Timour Aggiouri

Laisser un commentaire

Suivant