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Les enjeux de la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle
Le nombre de salariés en burn out serait en nette progression. C'est ce que soutiennent des experts et des politiques qui demandent l'inscription de cette affection au tableau des maladies professionnelles afin d'améliorer sa reconnaissance et d'inciter à davantage de prévention. Toutefois, cela n'est pas si simple. Décryptage.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit le burn out comme « le sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». Egalement appelé « syndrome d’épuisement professionnel », il fait partie avec le stress, le harcèlement, la surcharge de travail de ce qu’on appelle en France les risques psychosociaux. Difficile d’avoir des chiffres précis, mais selon certains les cas de burnout seraient en progression. Ce sont les mêmes qui aujourd’hui tirent la sonnette d’alarme.
Experts et parlementaires pour une inscription du burnout au tableau des maladies professionnelles
L’initiative a été lancée il y a maintenant presque un an par le cabinet Technologia spécialisé dans l’évaluation et la prévention des risques psychosociaux. Il réclame l’inscription du burnout au tableau des maladies professionnelles. Peu de cas sont aujourd’hui reconnus comme des affections liées au travail, déplore le cabinet. « Il faut pour cela que la maladie présente une gravité justifiant une incapacité permanente égale ou supérieure à 25% et qu’un lien « direct et essentiel » avec l’activité professionnelle soit mis en évidence par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ».
La semaine dernière, ce sont les médecins du travail qui ont fait entendre leur voix dans le cadre d’un appel. « Nous enregistrons l’augmentation constante de ces cas d’effondrements soudains de personnes arrivées au bout de leurs ressources et de leur capacité de résistance ».
Enfin, le week-end dernier, des parlementaires sont à leur tour montés au créneau en lançant un appel dans le Journal du dimanche. « Cette reconnaissance est indispensable pour faire que les effets de l’épuisement nerveux au travail soient à la charge de ceux qui en sont responsables, c’est-à-dire les employeurs, alors qu’aujourd’hui ces effets, en premier lieu le congé maladie ou le temps partiel thérapeutique, sont supportés par le régime général de la sécurité sociale et donc par la collectivité dans son ensemble ».
Le débat n’est pas nouveau. Déjà en 2011, un rapport préconisait d’inscrire au tableau des maladies professionnelles non seulement le burnout mais l’ensemble des pathologies inhérentes aux risques psychosociaux.
Un exercice pas si simple que cela
Reste qu’inscrire le burn out dans le tableau des maladies professionnelles n’est pas si simple, avertit Stéphane Leplaideur, avocat associé au sein du cabinet Capstan. »Pour intégrer le burn out dans le tableau des maladies professionnelles, il faut définir trois critères. Premièrement, traduire le burnout en termes médicaux. Ce qui pourrait passer par l’existence de troubles anxio-dépressifs, mais cela ne suffit pas et le burnout va bien au-delà de ce seul symptôme. Deuxièmement, il faut déterminer le délai pendant lequel on peut faire un lien entre l’événement incriminé et le déclenchement de la pathologie. Enfin, il faut définir la liste des activités susceptibles de déclencher la maladie. Or, aujourd’hui cela touche l’ensemble des activités et des métiers, quel que soit le niveau de responsabilités ». Selon lui il serait plus judicieux – et plus simple – d’étendre et d’alléger le dispositif actuel de reconnaissance des maladies professionnelles hors tableau (par exemple en abaissant le taux d’IPP requis).
Un coût et une responsabilité renforcés pour les entreprises
Intégrer le burn out au tableau des maladies professionnelles aurait un coût pour les entreprises puisque cela affecterait leur cotisation AT/MP dont le montant est, pour les plus grandes, fonction de la sinistralité. C’est d’ailleurs l’un des objectifs poursuivis par les tenants de cette réforme. Pour Bernard Salengro, médecin du travail et membre de la CFE-CGC, évoquer la seule question du coût c’est adopter une vision à court terme. « Une étude européenne a démontré que 1 € investi dans la lutte contre les risques psychosociaux c’est 13 € de bénéfice », insiste-t-il. Mais c’est aussi sur le terrain de la responsabilité que les choses changeraient. « Le salarié pourrait invoquer la faute inexcusable de l’employeur s’il arrivait à prouver que son burnout est liée à une situation dont l’employeur ne s’est pas préoccupé jusque là », explique Stéphane Leplaideur.
La question de l’organisation du travail en filigrane
Derrière ce débat, c’est plus largement la question de l’organisation du travail qui se profile, estime la députée Fanélie Carrey-Conte qui a signé l’appel des parlementaires initiée par Marie-Françoise Bechtel. « Je suis frappée par le fait qu’il y ait très peu de réflexions sur le management et l’organisation du travail, surtout en période de crise économique ». Selon elle, le burn out n’est qu’une symptôme de ce dérèglement. « Il faut relier cette question au débat sur les 35 heures, au droit à la déconnexion et à la conciliation vie privée/vie professionnelle ».
Le ministère du travail planche sur la question
Le ministère du travail a conscience du problème puisqu’un groupe de travail sur le sujet a été constitué en mars dernier. Il est composé de membres de la DGT, de l’INRS, de l’Anact, de psychologues et médecins du travail. Il doit en principe délivrer des recommandations pour mieux prévenir ce syndrome, mais aussi le définir. Il est prévu que le résultat de leurs travaux soit publié sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr. Mais les résultats tardent à venir. Leurs recommandations devaient être publiées en juin ; elles ont été repoussées en octobre et à ce jour aucune date n’est fixée. Toutefois, selon la DGT, leur parution serait imminente.
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