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Les pistes du Conseil d’analyse économique pour réduire les inégalités salariales femmes/hommes
Dans une note publiée le 28 novembre, le Conseil d’analyse économique préconise une stratégie globale pour réduire les écarts de rémunération entre sexes. Avec à la clef, des actions en faveur de l’éducation, de la parentalité et du déroulé des carrières. Des moments-clefs qui pénalisent les femmes.
C’est une réforme ambitieuse que propose le Conseil d’analyse économique (CAE) pour juguler les inégalités salariales femmes/hommes. Dans une note publiée le 28 novembre, les trois auteurs, Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille, se prononcent pour un grand pas en avant ou « Big push » pour mettre un terme définitif aux écarts de revenus entre les femmes et les hommes qui caracolent toujours à 30 % en 2020. Soit une stratégie globale qui prendrait en compte trois volets, l’éducation, la maternité et le déroulé des carrières ; des moments clefs qui pénalisent les femmes.
Limites des dispositifs législatifs
Car en dépit des progrès observés (le différentiel était de près de 50 % en 1990 et de 35 % en 2020), le chemin est encore long en matière d’égalité salariale. Certes, les contraintes législatives ont été de puissants aiguillons. C’est particulièrement vrai pour la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 qui impose une proportion minimale de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Elles sont aujourd’hui 46,4 % à siéger dans ces cénacles au sein des sociétés du Cac 40 et 46,3 % au sein du SBF 120. Mais selon le CAE elles peinent à franchir le seuil des comités stratégiques et des comités d’audit, le « cœur des décisions importantes ». Surtout, la théorie du ruissellement n’a pas fonctionné : « la féminisation de ces instances de pouvoir ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de la part des femmes dans l’ensemble de la direction opérationnelle de l’entreprise ».
L’Index égalité professionnelle, instauré par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, a également fait bouger les lignes. Mais si les entreprises sont tenues de dévoiler le gap hommes-femmes par tranche d’âge et par catégorie socio-professionnelle, elles n’ont aucune obligation de communiquer le montant de ces augmentations.
La loi Rixain du 24 décembre 2021 pourrait enfin contribuer à réduire les inégalités salariales. Avec, à la clef, des quotas d’au moins 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes d’ici à 2026, puis de 40 % en 2029 dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Des changements structurels
Reste que ces mesures doivent s’accompagner de changements structurels, selon le CAE. Faute de quoi, « les femmes n’accèderont qu’à des postes de représentation plutôt qu’à des postes de décision ».
Pour les auteurs, il faut intervenir bien en amont. À l’école tout d’abord. Car les choix d’orientation restent fortement genrés : les filles sont sous-représentées dans les filières scientifiques et technologiques, plus rémunératrices que les filières littéraires.
Au travail, ensuite. La parentalité a toujours plus d’impact sur la carrière des femmes que sur celle des hommes. Faut-il encore choisir entre maternité et carrière ? C’est à la naissance du premier enfant que les femmes décident de réduire leur temps de travail ou d’opter pour un travail « moins exigeant » et donc moins bien rémunéré, souvent plus proche de leur domicile. Elles « perdent 38 % de leurs revenus dans les 10 années suivant la naissance des enfants », observent les auteurs.
Enfin, bien qu’elles « ne soient pas moins ambitieuses », elles sont moins promues. Or, pour leurs collègues masculins, ces évolutions de carrière s’accompagnent de « larges augmentations de salaire ». Et même lorsqu’elles montent en grade, elles « sont souvent assignées à des tâches moins valorisées, avec moins d’autonomie et de responsabilités que leurs homologues masculins ».
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Allonger le congé de paternité
Pour inverser la tendance, le Conseil d’analyse économique propose de porter au plus haut niveau politique un plan d’action interministériel couvrant à la fois l’éducation, la carrière et la parentalité.
Dans le détail, ce programme pourrait comporter un congé de paternité à 10 semaines (contre quatre aujourd’hui) dont six obligatoires, comme pour les mères. Son coût est évalué à 1,3 milliard d’euros.
Transparence salariale
Il pourrait également introduire une obligation pour les employeurs pour qu’ils indiquent le salaire ou la fourchette de rémunération dans l’annonce de l’offre d’emploi ou avant l’entretien, sous peine de sanction. C’est d’ailleurs tout l’objet de la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations qui devrait être effective d’ici à juin 2026. Une mesure « simple à mettre en place » qui devrait « avoir des effets immédiats et significatifs », prédisent les auteurs.
Ce plan pourrait aussi encourager les partenaires sociaux à négocier des accords de branche pour rétablir l’égalité hommes-femmes dans les évolutions de carrière et pour l’accès aux promotions, à l’image de ceux de la métallurgie ou des architectes. Et rendre plus contraignantes les politiques de quotas aux postes exécutifs et d’encadrement.
Soit une approche systémique qui pourrait éliminer les impacts négatifs des moments clefs de la vie qui cristallisent encore et toujours les inégalités salariales.
Anne Bariet
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