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Les travailleurs indépendants sont-ils les grands oubliés de la crise ?
Les travailleurs non salariés (TNS) ne bénéficient pas toujours des mêmes aides gouvernementales que les autres acteurs économiques. Des propositions sont formulées pour verser une indemnité aux dirigeants, annuler leurs cotisations sociales personnelles après l'ouverture d'une liquidation judiciaire ou encore limiter les impacts d'une faillite sur leur vie personnelle.
La crise de la Covid-19 a mis en exergue le statut parfois fragile des travailleurs indépendants. Les commerçants, artisans ou professionnels libéraux « sont les moins bien protégés par rapport à la crise Covid », estime la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). « Le chômeur a son chômage, le salarié a son activité partielle mais le dirigeant d’entreprise n’a rien », résume Lionel Canesi, président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC).
En effet, le dispositif d’activité partielle de longue durée mis en place pendant la crise n’est pas ouvert aux travailleurs non salariés (TNS) pour eux-mêmes. Quand à l’assurance-chômage auquel ils peuvent prétendre depuis 2019, elle est soumise à plusieurs conditions (avoir exercé pendant au moins deux ans dans une seule et même entreprise, être en liquidation ou en redressement judiciaire…) et plafonnée à 800 € par mois pendant une période de six mois maximum.
« Ne pas laisser les indépendants tomber dans la misère »
Plusieurs voix s’élèvent pour soutenir davantage les travailleurs indépendants. Le CSOEC propose, par exemple, de faire bénéficier le dirigeant d’une « indemnité partielle » pour couvrir sa perte de rémunération. Une aide qui serait complémentaire au fonds de solidarité aux entreprises (dont peuvent bénéficier les indépendants) car ce dernier dispositif sert, selon Lionel Canesi, à payer autre chose : les frais généraux de l’entité. A noter qu’une aide financière exceptionnelle Covid a été mise en place par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants en avril et novembre 2020.
Et quand la faillite frappe quand même ? La CPME milite pour ne pas laisser les TNS « tomber dans la misère ». Elle propose d’annuler les cotisations de Sécurité sociale des travailleurs indépendants, après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. « Les demandes d’inscription au RSA d’anciens commerçants ou artisans se multiplient actuellement, constate l’organisation patronale. Leur réclamer post liquidation, à titre personnel, des reliquats de cotisations au titre des périodes antérieures les plonge davantage encore dans la détresse ».
À noter que les travailleurs non salariés très affectés par la crise à l’automne dernier et cet hiver bénéficient, de façon plus générale, d’une réduction de charges sociales de 600 € par mois.
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Limiter les impacts sur la vie personnelle
Les impacts d’une faillite sur la vie personnelle des indépendants sont potentiellement importants. Car la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle est ténue chez cette population. La CPME souhaite ainsi que soit suspendue – au moins temporairement – la caution personnelle en cas de défaillance. « La disparition de [l’]entreprise [des travailleurs indépendants] conduit bien souvent à leur mise en cause financière à titre personnel. Cette règle est connue et acceptée en temps normal, souligne la confédération. Elle devient profondément injuste lorsqu’ils n’ont commis aucune faute de gestion ni erreur d’appréciation et sont simplement victimes de décisions administratives justifiées par la situation sanitaire ». Le contexte actuel montre une situation inédite de dépendance de ces entrepreneurs à l’environnement économique.
Une autre proposition serait de suspendre l’inscription au FICP (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) des indépendants n’ayant jamais connu d’incidents de paiement avant mars 2020. Certains TNS « confrontés à une baisse brutale et massive de leurs revenus se sont retrouvés, en l’absence de trésorerie personnelle, dans l’incapacité brutale de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, explique l’organisation patronale. Certains n’ont donc pu honorer le paiement d’échéances de crédits personnels, ce qui a entraîné leur inscription au FICP, leur interdisant par là même tout rebond ultérieur ».
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90 000 commerces de proximité pourraient mettre la clé sous la porte
Comment les travailleurs indépendants traversent-ils cette période ? Différentes enquêtes montrent que cette population est mitigée quand à son avenir. 54 % des chefs d’entreprise craignent aujourd’hui pour la pérennité de leur entreprise, selon un sondage de la CPME réalisé auprès de 2400 entrepreneurs.
D’après une étude de l’U2P menée auprès de 6200 TNS, un quart d’entre eux ont subi d’importantes baisses d’activité mais comptent sur les dispositifs de soutien pour repartir en 2021. Autres enseignements : 4 % déclarent que leur situation financière est fragile et dépendra de la reprise de l’activité et 3% anticipent une fermeture au cours des prochains mois. « Il faut ainsi envisager la fermeture définitive de 90 000 entreprises (3 % de 3 millions d’entreprises de proximité) », conclut l’union des entreprises de proximité.
Transformer le PGE en « aide financière directe »D’autres propositions sont formulées par la CPME, notamment, pour « tenter de sauver l’entreprise » de ces dirigeants indépendants. Elle propose ainsi de transformer les sommes empruntées via un prêt garanti par l’Etat (PGE) en « aide financière directe ». Pour rappel, le PGE est ouvert aux entreprises de toute taille, quelle que soit leur forme juridique. Cette aide financière directe serait accordée si l’entreprise en question est menacée de dépôt de bilan, en raison de difficultés en relations directes avec la situation sanitaire, et après examen de la « bonne utilisation » des sommes empruntées, est-il précisé. L’idée de transformer le PGE en quasi-fonds propres a été évoquée, dans nos colonnes, par Virginie Vellut, candidate de l’Ifec aux dernières élections du CSOEC. La CPME, avec le think tank Ifrap, recommande également la mise en place d’un « prêt consolidation » garanti par l’Etat, permettant de regrouper les échéances bancaires ou liées aux aides publiques (reports de charges…) pesant sur l’entreprise, avec un remboursement étalé sur dix ans. |
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