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Licenciement économique : une hausse même légère du chiffre d'affaires suffit à écarter l'existence de difficultés économiques
La durée d'une baisse significative du chiffre d'affaires (CA) pouvant caractériser l'existence de difficultés s'apprécie en comparant son montant au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement économique à celui de l'année précédente à la même période.
Une baisse significative du chiffre d’affaires (CA) peut caractériser des difficultés économiques justifiant un licenciement économique. Pour ce faire, cette baisse doit être constatée sur une durée déterminée, qui diffère selon la taille de l’entreprise, et qui s’apprécie en comparaison avec la même période de l’année précédente (C.trav., art. L. 1233-3).
Concrètement, une baisse du CA est significative dès lors que sa durée est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
Mais quelle date retenir pour procéder à cette comparaison : celle du déclenchement de la procédure de licenciement ou celle de la notification de la rupture du contrat de travail ?
Réponse de la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, dans un arrêt du 1er juin 2022 : la durée d’une baisse significative du CA s’apprécie en comparant le niveau du CA d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat par rapport à celui de l’année précédente à la même période.
Hausse insuffisante
Une entreprise qui emploie plus de 300 salariés met en œuvre, au second semestre 2017, une procédure de licenciement collectif en raison de difficultés économiques. Elle justifie cette procédure par la baisse significative de son CA. Une salariée licenciée conteste la réalité de ce motif économique et saisit le conseil de prud’hommes. Elle remet en cause la période retenue par l’entreprise pour apprécier l’existence d’une baisse significative du CA.
En effet, l’employeur invoque le recul du CA observé sur les 4 trimestres de l’exercice 2016, par rapport aux 4 trimestres de l’exercice 2015. Il y a bien, selon lui, une baisse significative du CA sur 4 trimestres consécutifs de nature à caractériser les difficultés économiques au sens du code du travail et à justifier le licenciement économique.
Les juges d’appel ont considéré que la modeste augmentation de 0,50 % du CA du 1er trimestre 2017 n’était pas « suffisante pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ».
La salariée, de son côté, fait valoir qu’à la date de son licenciement, notifié le 2 juillet 2017, la condition d’une baisse sur 4 trimestres consécutifs n’est pas remplie dans la mesure où au premier trimestre 2017 le CA de l’entreprise est remonté de 0,5 % par rapport au premier trimestre 2016.
Les juges d’appel donnent gain de cause à l’employeur. Ils considèrent que les difficultés économiques doivent s’apprécier au regard de l’évolution des indicateurs connue à la date du déclenchement de la procédure de licenciement économique, soit le deuxième trimestre 2017. Etant donné que seul le premier trimestre est connu, ils se réfèrent à l’exercice de 2016 et constatent un recul de 4 trimestres consécutifs du CA sur l’année 2016 par rapport à l’année 2015. Ils ne retiennent pas, dans leur appréciation, la modeste augmentation de 0,50 % du CA du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016 car pas « suffisante pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ».
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Mauvaise comparaison
Analyse censurée par la Cour de cassation, qui rappelle que, selon une jurisprudence constante, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci (Cass. soc., 21 nov. 1990, n° 87-44.940, Cass. soc., 26 févr. 1992, n° 90-41.247).
Il en résulte que la baisse significative des commandes ou du CA doit s’apprécier en comparant le niveau des commandes ou du CA au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail à celui de l’année précédente à la même période.
La Cour de Cassation estime que cette seule amélioration suffit à considérer que la baisse du CA n’est pas significative au sens du code du travail. Les difficultés économiques ne sont donc pas caractérisées. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Concrètement, en l’espèce, il fallait prendre pour référence la période allant du deuxième trimestre 2016 au premier trimestre 2017 (dernier indicateur connu au jour de la rupture), et la comparer, trimestre par trimestre, avec la période allant du deuxième trimestre 2015 au premier trimestre 2016. Or, la durée de la baisse du CA, en comparaison avec la même période de l’année précédente, n’égalait pas 4 trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail : le CA du premier trimestre 2017 étant en hausse par rapport à celui du premier trimestre 2016.
Cette seule amélioration suffit à considérer que la baisse du CA n’est pas significative au sens du code du travail. Les difficultés économiques ne sont donc pas caractérisées. L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
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Karima Demri
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