Actu

Licenciement : pourquoi il faut éviter de prévenir le salarié par téléphone

Un licenciement verbal n’est pas valable. Un arrêt rendu le 3 avril par la Chambre sociale de la Cour de cassation montre les risques auxquels s’expose l’employeur qui prévient par téléphone un salarié de la rupture du contrat de travail.

Licenciement : pourquoi il faut éviter de prévenir le salarié par téléphone
Même si ses intentions sont bonnes, l’employeur doit s’abstenir d’informer par téléphone un salarié de son licenciement. © Getty Image

La validité d’un licenciement repose sur une procédure en trois actes, destinée à protéger les droits des salariés, à savoir la convocation à un entretien préalable, cet entretien et la notification de la rupture du contrat de travail. À défaut de respect de cette procédure, en cas de saisine du conseil de prud’hommes, la justice est susceptible de considérer le licenciement comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Un arrêt rendu le 3 avril par la Chambre sociale de la Cour de cassation montre les risques auxquels s’expose l’employeur qui prévient par téléphone un salarié de son licenciement (pourvoi n° 23-10.931).

Le Guide du Chef d'entreprise 2024
Passez à l’action :

Le Guide du Chef d'entreprise 2024

Un appel téléphonique le jour de la notification du licenciement

Le 7 avril 2019, un employeur avait notifié, par courrier recommandé avec accusé de réception, le licenciement d’un salarié pour faute grave. Devant la cour d’appel de Reims, le salarié avait « affirm[é] avoir été licencié verbalement ce même 7 février, dès lors que l’employeur l’avait appelé au téléphone en lui faisant part de son licenciement avant même l’envoi de la lettre », indique la Cour de cassation, s’appuyant sur l’arrêt rendu en seconde instance.

L’employeur avait fait valoir « qu’il était convenable pour la société de prévenir l’intéressé de son licenciement par téléphone le jour même de l’envoi de la lettre de licenciement, aux fins de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail ».

La condamnation de l’employeur par la cour d’appel de Reims

La cour de Reims avait jugé le licenciement « dépourvu de cause réelle et sérieuse ». Elle avait condamné l’employeur à régler « au salarié diverses sommes à titre d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » et exigé « le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage servies au salarié dans la limite de six mois » d’allocations.

L’employeur avait saisi la Cour de cassation.

Lire aussi Motifs de licenciement : l’employeur n’est pas obligé d’informer le salarié de son droit de demander des précisions

L’argumentation de l’employeur…

À l’appui de son pourvoi, l’employeur affirmait que « sans distinguer entre l’expédition et la réception de la lettre de licenciement, ni a fortiori caractériser qu’au cours de la journée du 7 février, l’appel téléphonique de l’employeur avait précédé l’expédition de la lettre de licenciement, le salarié n’apportant aucun élément de preuve quant à l’heure de l’un ou de l’autre, la cour d’appel a[vait] privé sa décision de base légale ». Il se fondait notamment sur l’article L. 1232-6 du Code du travail, suivant lequel la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués.

L’employeur estimait également que les juges du fond avaient insuffisamment motivé leur décision, à rebours de l’article 455 du Code de procédure civile. Selon lui, en « supposant que la cour d’appel ait considéré que l’employeur avait prévenu le salarié par téléphone de son licenciement avant d’expédier la lettre de licenciement, elle n’a à aucun moment précisé sur quelle pièce elle se fondait pour retenir cette chronologie ».

… n’a pas convaincu la Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas convaincue. Les juges du fond ont « d’abord relevé que le salarié rapportait la preuve » de l’appel téléphonique par le directeur des ressources humaines de l’entreprise, remarque la juridiction judiciaire suprême. La cour de Reims « a ensuite constaté » que ce coup de fil « ne pouvait suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement, même si elle avait été adressée le même jour, sous la signature de l’auteur de l’appel ». Il était pertinent de regarder cette rupture du contrat de travail comme un licenciement verbal, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le pourvoi est donc rejeté.

Même si ses intentions sont bonnes, l’employeur doit s’abstenir d’informer par téléphone un salarié de son licenciement.

Lire aussi L’employeur peut prononcer le licenciement d’un salarié qui n’accepte pas clairement une rétrogradation disciplinaire

Timour Aggiouri

Laisser un commentaire

Suivant