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Litiges pour congés payés pendant un AT/MP avant 2024 : le code du travail est écarté

Les périodes de suspension du contrat de travail pour AT/MP au-delà d’un an, antérieures à la loi du 22 avril 2024, ouvrent droit à congés payés, car les dispositions du code du travail contraires au droit de l’UE, même jugées constitutionnelles, doivent être écartées.

Litiges pour congés payés pendant un AT/MP avant 2024 : le code du travail est écarté
La loi du 22 avril 2024 a mis le code du travail en conformité avec le droit européen tel qu’interprété par la CJUE et s’applique rétroactivement aux périodes de suspension pour maladie ou accident d’origine non professionnelle. © Getty Images

Une salariée placée en arrêt de travail pour maladie pendant 2 mois, puis pour accident de travail pendant presque 2 ans, puis à nouveau pour maladie pendant 3 ans est licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en janvier 2020.

Elle saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes dont une en paiement d’indemnités compensatrices de congés payés au titre des périodes d’arrêts de travail. Déboutée, elle se pourvoit en cassation et obtient la transmission de deux QPC relatives à l’acquisition de congés payés en cas de maladie (arrêt QPC du 15 novembre 2023).

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Un salarié en arrêt pour maladie ou AT/MP avant 2024…

Pour rappel, il résultait des articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, que n’étaient pas prises en compte, pour le calcul des congés payés des salariés, les périodes d’absence pour maladie ou accident non professionnels, de même que, au-delà d’un an d’absence, pour maladie ou accident d’origine professionnelle.

Le Conseil constitutionnel juge ces articles conformes à la Constitution (décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2024). L’affaire revient devant la Cour de cassation. Mais, entre-temps, a été adoptée la loi précitée qui prévoit expressément, pour le calcul des congés payés, que les arrêts de travail pour accident ou maladie non professionnels sont assimilés à du travail effectif à hauteur de 80 %. Pour les arrêts pour accident ou maladie professionnels, elle prévoit leur complète assimilation à du travail effectif, sans limite de durée.

Notons que la Cour de cassation applique ici les dispositions du code du travail dans leur version antérieure à la loi du 22 avril 2024. En effet, à hauteur de cassation, les règles applicables restent celles qui étaient en vigueur lorsque la cour d’appel a statué. Cependant, en cas de cassation, la loi nouvelle sera applicable devant le juge de renvoi, faute de décision passée en force de chose jugée (rapport du conseiller rapporteur).

… peut acquérir des congés payés au titre des périodes AT/MP en vertu de la Charte des droits fondamentaux…

La loi nouvelle se substitue à la jurisprudence du 13 septembre 2023 pour ce qui concerne les dispositions d’application rétroactive visées par son article 37, ainsi que le relève le conseiller rapporteur. Or, les nouvelles dispositions de l’article L 3141-5, 5° du code du travail, qui ont supprimé la limitation à un an de l’assimilation de l’arrêt de travail professionnel à du travail effectif, ne font pas partie des dispositions d’application rétroactive, comme le précise la chambre sociale dans cet arrêt du 2 octobre 2024 qui sera publié au Bulletin des chambres civiles de la Cour de cassation et à son rapport annuel.

La chambre sociale confirme donc l’application de sa jurisprudence du 13 septembre 2023 ayant écarté l’application des dispositions en cause aux actions en droits à congés payés au titre des périodes d’AT/MP antérieures à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Ainsi, même si les dispositions du code du travail en cause ne sont pas inconstitutionnelles, elles demeurent contraires au droit européen, comme l’a jugé la Cour de cassation dans ses arrêts de revirement du 13 septembre 2023. Les juges peuvent donc continuer à les écarter pour la période antérieure à la loi du 22 avril 2024, sur le fondement de l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et juger, en l’espèce, que le salarié peut prétendre à ses droits à congé payé au titre de ces périodes en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail.

Notons que la loi du 22 avril 2024 a mis le code du travail en conformité avec le droit européen tel qu’interprété par la CJUE et s’applique rétroactivement aux périodes de suspension pour maladie ou accident d’origine non professionnelle. Si la loi n’autorise pas les salariés à agir en rappel de congés au titre des arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle de plus d’un an intervenus sur la période couverte par la rétroactivité, ils peuvent fonder leur demande sur l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La référence à l’article L 3141-9 du code du travail permet de soumettre au même régime les jours de congés acquis au titre du congé légal de cinq semaines et les congés conventionnels. La chambre sociale reprend ici la formulation de ses arrêts de revirement du 13 septembre 2023 précités.

… et pour maladie ordinaire en application des dispositions rétroactives

Comme exposé ci-dessus, la loi nouvelle se substitue à la jurisprudence du 13 septembre 2023 pour ce qui concerne les arrêts de travail pour maladie ordinaire. L’arrêt du 2 octobre 2024 ne se prononce pas sur les dispositions d’application rétroactive, puisqu’il examine les règles applicables en vigueur lorsque la cour d’appel a statué. C’est la cour d’appel de renvoi qui devra appliquer ces dispositions rétroactives.

Dans les deux cas, le juge du fond devra examiner le droit au report des congés acquis en cas de maladie de longue durée.

L’arrêt du 2 octobre 2024 casse la décision des premiers juges pour violation de l’article 31 § 2 de la Charte et des articles L.3141-3 et L.3141-5 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi nouvelle sur un point complémentaire. La cour d’appel avait ajouté que le salarié malade pendant plusieurs années ne pouvait pas prétendre à un congé annuel de quatre semaines (point 38). Elle envisageait une limitation de l’acquisition des congés payés, alors que le droit européen ne l’évoque pas.

Notons que la violation des textes ci-dessus cités concerne le droit au report des congés payés acquis sur plusieurs périodes de référence. Comme l’indique l’avocate générale, « au-delà du principe de l’acquisition des droits à congés annuels en cas de maladie non professionnelle, il reste néanmoins la question de l’éventuelle perte des congés payés accumulés pendant une période d’arrêt de travail et non exercés. En effet, si le droit européen ne fixe pas de limite de durée de l’arrêt de travail, peu important la nature de l’absence, au-delà de laquelle cette dernière n’ouvre plus droit à congé, est-ce à dire que le cumul des congés payés sur plusieurs périodes d’acquisition consécutives, lorsque l’arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années, est possible ? La durée du report de ces congés est-elle illimitée ? ».

La solution proposée par l’avocate générale éclaire l’office du juge : « Il s’agissait, dans le cas d’une période d’arrêt de travail prolongée, comme dans la situation de la salariée, rendant impossible la prise du congé, d’envisager une éventuelle limitation de la période de report pour la prise des congés et donc la perte des congés accumulés ». La cour d’appel de renvoi sera chargée de procéder aux calculs des droits à congé payé en examinant le droit à report des congés acquis pendant les périodes de maladie ordinaire et celles d’AT/MP.

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L’équipe NetPME

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