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Loi santé au travail : un questions-réponses complète le décret sur le suivi mutualisé de l'état de santé du salarié travaillant pour plusieurs employeurs
Détermination du service de santé interentreprise chargé du suivi mutualisé de l'état de santé du travailleur, modalités du suivi et modalité de répartition du coût de la cotisation annuelle entre les employeurs... Le ministère du travail vient de publier un questions-réponses qui apporte de nouvelles précisions après la publication du décret du 30 juin 2023.
L’article 25 de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a prévu, qu’en cas de pluralité d’employeurs, le suivi de l’état de santé des travailleurs occupant des emplois identiques devait être mutualisé (article L.4624-1-1 du code du travail). La loi précitée n’a pas prévu, en revanche, de mutualisation pour les actions en milieu de travail ou la prévention de la désinsertion professionnelle.
Le décret qui en définit les modalités a été enfin publié le 1er juillet 2023 (cf. notre article). Ces dispositions sont entrées en vigueur à compter du 2 juillet 2023, lendemain de la publication du texte, à l’exception des dispositions concernant les modalités de répartition du coût entre les employeurs, lesquelles n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2024.
Un questions-réponses (QR) a été mis en ligne sur le site du ministère du travail pour apporter les dernières précisions sur le sujet.
Travailleurs concernés
Seul le travailleur qui occupe des emplois identiques et qui a une pluralité d’employeurs est concerné par la mutualisation du suivi de son état de santé. Le suivi de l’état de santé des salariés du particulier employeur ne peut pas être mutualisé (QR, n° 20). En effet, le code du travail prévoit déjà des modalités particulières pour leur suivi médical : un accord collectif de branche peut prévoir des règles différentes quant à l’organisation et au choix du SPST ainsi qu’aux modalités de surveillance de leur état de santé (article L.4625-2 du code du travail).
Celui-ci doit remplir les conditions cumulatives suivantes (article D.4624-59 nouveau du code du travail) :
- il doit exécuter simultanément au moins deux contrats de travail, que ceux-ci soient à durée déterminée ou indéterminée ;
- les emplois concernés doivent relever de la même catégorie socioprofessionnelle selon la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles des emplois salariés des employeurs privés et publics ;
- le type de suivi individuel de l’état de santé du travailleur est identique pour les postes occupés par le travailleur.
Le QR précise cette dernière condition : par exemple, un travailleur qui bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé de droit commun chez un employeur A et d’un suivi adapté chez un autre employeur B car il travaille de nuit ne peut pas voir son suivi mutualisé car il n’est pas identique pour tous les postes qu’il occupe. En revanche, un travailleur de nuit qui passe une visite d’information et de prévention (VIP) avant l’affectation sur son poste aura un suivi de même nature que la femme enceinte qui passe une VIP dans un délai qui ne peut excéder trois mois à compter de la prise effective du poste car tous les deux bénéficient du même type de suivi, le suivi adapté (QR, n° 4).
Dès lors que ces conditions sont réunies, la mutualisation du suivi de l’état de santé est obligatoire. Le consentement du salarié n’a pas à être recueilli (QR, n° 23).
Suivi de l’état de santé par le service de santé de l’employeur principal
Le suivi de l’état de santé du travailleur ayant plusieurs employeurs qui remplit les conditions précitées est assuré par le SPST interentreprises (SPSTI) de l’employeur principal. Le décret ne mentionne que les entreprises adhérant à un SPSTI et non celles ayant mis en place un SPST autonome. Ces dernières ne pourraient donc pas mettre en place un suivi mutualisé de l’état de santé des travailleurs ayant plusieurs employeurs, ce qui est confirmé par le QR (QR, n° 21).
Est considéré comme « employeur principal » l’employeur avec lequel le travailleur entretient la relation contractuelle la plus ancienne, y compris lorsque son contrat de travail a donné lieu à transfert légal ou conventionnel (article D.4624-60 nouveau du code du travail).
L’employeur principal ne peut pas se désister au profit d’un autre employeur (QR, n° 8). Lorsque la date de conclusion des contrats de travail est la même pour chaque employeur, l’employeur principal est celui chez qui la durée de travail contractuelle est la plus importante (QR, n° 7).
Les autres employeurs doivent alors adhérer au SPSTI de l’employeur principal au titre du suivi du travailleur concerné. Le SPSTI ne peut s’opposer à l’adhésion des autres employeurs à ce titre (article D.4624-62 al. 1 et 2 nouveau du code du travail).
Le SPSTI de l’employeur principal apprécie, compte tenu des informations dont il dispose, et notamment celles transmises par les autres employeurs du travailleur, si ce dernier répond aux conditions prévues à l’article D. 4624-59 du code du travail précité pour être considéré comme un travailleur ayant plusieurs employeurs (article D.4624-61 al. 1 nouveau du code du travail). C’est donc à lui qu’il appartient d’identifier les situations de pluri-emplois en déterminant notamment si le suivi est de même nature (QR, n° 1 et 2).
Identification de l’employeur principal
Afin de faciliter cette l’identification de l’employeur principal, l’employeur peut demander à son salarié, en tant que de besoin, de l’informer de la conclusion d’autres contrats de travail auprès d’un ou plusieurs autres employeurs pendant la durée de son contrat afin de pouvoir en informer, le cas échéant, son SPSTI (article D.4624-61 al. 2 nouveau du code du travail).
Le salarié a l’obligation, selon le QR, d’informer son employeur de la conclusion d’autres contrats de travail (QR, n° 2).
L’employeur peut demander au salarié le nom de ses autres employeurs, un contact et le type d’emploi occupé. Cette demande peut se faire par tout moyen. Ces informations sont ensuite transmises par l’employeur à son SPSTI qui les communique, le cas échéant, aux SPSTI des autres employeurs (QR, n° 1).
Le SPSTI de l’employeur principal doit alors informer le travailleur, ses autres employeurs ainsi que leurs SPSTI que celui-ci relève du suivi mutualisé de son état de santé (article D.4624-61 al. 3 nouveau du code du travail).
Changement d’employeur principal
En cas de cessation de la relation contractuelle entre le travailleur et l’employeur principal en cours d’année, le suivi de l’état de santé du salarié reste assuré par le SPSTI de l’employeur principal jusqu’à la fin de l’année en cours (article D.4624-62 al. 3 nouveau du code du travail).
Le suivi individuel de l’état de santé est transféré par l’ancien SPSTI au SPSTI du nouvel employeur principal en début de nouvelle année. C’est le SPSTI du nouvel employeur qui informera le salarié et chacun de ses employeurs de ce changement (QR, n° 9).
Modalités du suivi de l’état de santé du travailleur
Le suivi mutualisé de l’état de santé du travailleur est réalisé pour le compte de tous les employeurs.
Par exemple, le travailleur qui passe un examen médical d’embauche en janvier 2023 dans le cadre du suivi médical renforcé de son état de santé, puis est embauché en juillet 2023 chez un nouvel employeur, n’a pas besoin de passer à nouveau cet examen dès lors que tous les employeurs disposent de l’avis rendu par le professionnel de santé (QR, n° 14).
Initiative de la visite de reprise
Pour les travailleurs qui vont bénéficier d’un tel suivi mutualisé de leur état de santé, la visite de reprise prévue à l’article R. 4624-31 du code du travail est demandée (article D.4624-63 nouveau du code du travail) :
- par l’employeur principal, si cette visite est consécutive à un congé maternité ainsi qu’à une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel ;
- par l’employeur principal, si cette visite est consécutive à une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- par l’employeur ayant déclaré un accident du travail si cette visite est consécutive d’une absence d’au moins 30 jours à ce titre.
Information des employeurs
À la suite d’une VIP ou d’un examen médical d’aptitude à l’embauche, une attestation de suivi ou un avis d’aptitude est établie par le professionnel de santé au regard de l‘emploi occupé par le travailleur. Le professionnel de santé doit délivrer ce document à chaque employeur (article D.4624-64 al. 1 nouveau du code du travail).
En revanche, si à cette occasion, le médecin du travail prévoit un aménagement de poste, un avis d’inaptitude ou des avis différents, son avis doit être délivré pour chaque poste occupé par le travailleur – et non pour l’emploi – à chacun de ses employeurs (article D.4624-64 al. 2 nouveau du code du travail).
Ces documents doivent être transmis aux employeurs concernés et au travailleur à l’issue de la visite ou de l’examen par tout moyen leur donnant date certaine (article D.4624-64 al. 3 nouveau du code du travail).
Selon le QR, le SPSTI de l’employeur principal est tenu d’informer individuellement chaque employeur concerné de l’ensemble des étapes du suivi de l’état de santé du salarié : convocation, visite, avis, (…) et par tous moyens : courrier, email, dépôt dans l’espace employeur, (…) (QR, n° 10).
Organisation des visites
Les visites médicales, qui doivent avoir lieu prioritairement sur le temps de travail du travailleur, sont programmées par le SPSTI de l’employeur principal. Celui-ci ne doit pas cibler spécifiquement les heures de travail réalisées chez cet employeur principal (QR, n° 11).
En cas de carence de l’employeur principal pour organiser une visite médicale, un autre employeur peut demander au SPSTI l’organisation de cette visite (QR, n° 13).
En cas de refus du salarié de se rendre à une visite, il peut être sanctionné par chacun des employeurs pour lesquels la mutualisation a été mise en place dans la mesure où le suivi mutualisé est réalisé pour le compte de tous les employeurs (QR, n° 12). C’est à chacun des employeurs de déterminer la sanction à prononcer à l’encontre du salarié (QR, n° 15).
Répartition du coût entre les employeurs
A compter du 1er janvier 2024, le SPSTI de l’employeur principal devra recouvrir sa cotisation annuelle auprès de chaque employeur en la répartissant entre eux à parts égales (article D.4624-65 du code du travail). La loi santé au travail du 2 août 2021 a modifié les règles de tarification des SPSTI. Les dépenses des SPSTI prévues à l’article L.4622-9-1 du code du travail (l’ensemble socle), financées par une cotisation annuelle, sont réparties entre les employeurs proportionnellement au nombre des salariés, sans référence à leur durée du travail (article L.4622-6 du code du travail).
Pour cela, le SPSTI devra se fonder sur le nombre de travailleurs ayant plusieurs employeurs et occupant des emplois identiques au 31 janvier de l’année en cours. Il pourra demander aux entreprises adhérentes de lui transmettre, avant le 28 février de chaque année, la liste des travailleurs exécutant simultanément au moins deux contrats de travail au 31 janvier de l’année en cours (article D.4624-65 al. 1, 2 et 3 nouveau du code du travail).
Pour les travailleurs ayant plusieurs employeurs qui arrivent dans l’entreprise au-delà de la date du 31 janvier, le SPSTI ne pourra pas procéder au recouvrement d’une cotisation complémentaire (article D. 4624-65 al. 4 nouveau du code du travail).
Dispositions transitoires pour l’année 2023
Pour l’année 2023, le SPSTI de l’employeur principal qui constate qu’un ou plusieurs travailleurs employés par une de ses entreprises adhérentes doit bénéficier d’un suivi mutualisé, à la date du 31 juillet 2023, doit répartir la cotisation due à ce titre à parts égales entre les employeurs du ou des travailleurs concernés, notamment sous la forme d’un avoir pour l’année 2024 pour les mois déjà écoulés.
Au-delà de la date du 31 juillet 2023, en revanche, il n’est pas procédé au recouvrement d’une cotisation complémentaire pour tout travailleur donnant lieu à un suivi mutualisé au titre de l’année 2023.
Les entreprises qui ont déjà payé leur cotisation pour l’année 2023 n’ont toutefois pas d’obligation d’adhérer au SPSTI de l’employeur principal pour l’année 2023 lorsqu’elles adhèrent à des SPSTI différents. Néanmoins, ces entreprises devront adhérer dès le début de l’année 2024 pour engager la mutualisation du suivi (QR, n° 24).
Ouriel Atlan
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