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Médiation des entreprises : « On se prépare à une recrudescence dans les mois à venir » (P. Pelouzet)
Le dernier bilan annuel de la médiation des entreprises présenté lors d'un point presse organisé le 15 mars au ministère de l'Économie fut l’occasion de faire le point sur la situation actuelle des entreprises avec la guerre en Ukraine et les difficultés d’approvisionnement et hausses de coût auxquels elles doivent faire face.
« Le contexte géopolitique a des conséquences économiques qui font que les comités de crise et les actions de médiation et de solidarité économique vont perdurer et se renforcer, a entamé Pierre Pelouzet lors du bilan annuel de la Médiation des entreprises. On se prépare à une recrudescence dans les mois à venir liée à la conjoncture actuelle ». Le nombre de demandes et de sollicitations de médiations n’ont pas faiblies en janvier et février derniers, avec quelque 500 demandes mensuelles suite aux tensions sur les approvisionnements liés à la forte reprise après la crise. « 2021 a vu arriver la reprise avec une tension sur les matières premières qui ne s’est pas démentie en 2022 », a expliqué le médiateur.
Plus de 5 200 sollicitations et demandes de médiations ont été enregistrées en 2021, année charnière entre la sortie de crise et la relance de l’économie. « Un chiffre qui caractérise bien la situation de tension entre les acteurs économiques », a commenté Pierre Pelouzet qui a fustigé la situation de certaines PME qui se retrouvent « prises en étau entre un fournisseur qui leur consent un approvisionnement à + 30, + 40, + 50 % en termes de prix et plus un ou deux mois en termes de délai et un client qui invoque le contrat à prix fixe signé qui ne permet pas de répercuter les hausses de prix mais au contraire d’ajouter des pénalités en cas de retard ».
Affronter les difficultés de son entreprise
Flambée des médiations en 2020 avec 9 600 sollicitations
Pendant la crise de la Covid-19, la montée en puissance de la médiation a permis de répondre de manière très rapide et opérationnelle aux problématiques émergées. « L’activité de la médiation des entreprises a été énormément impactée et a connu un niveau de demandes inédit », a confirmé Nicolas Mohr, directeur général du médiateur des entreprises, avec une activité globale multipliée par 4 en 2020 : 9 600 sollicitations et demandes de médiations ont ainsi été enregistrées en 2020 (contre 2 342 en 2019) avec un accord trouvé dans sept médiations sur dix un accord. « Ce sont surtout des TPE et des PME qui nous ont sollicité à plus de 98 % et plus particulièrement les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du commerce et du BTP. L’année a été également inédite au niveau des sujets traités avec les problématiques de baux commerciaux qui ont émergé pendant cette crise (plus de 10 % des demandes) ».
« Ce sont surtout des TPE et des PME qui nous ont sollicité à plus de 98 % et plus particulièrement les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du commerce et du BTP »
Avec la recrudescence du nombre de saisines sur les délais de paiement en mars 2020 – celles-ci ont été multipliées par dix –, le Médiateur des entreprises a créé un comité de crise sur les délais de paiement. « Ce dernier a traité avec succès une quarantaine de cas de comportements anormaux de grandes entreprises et en a valorisé 16 autres pour leur comportement exemplaire comme des paiements accélérés », a souligné Nicolas Mohr. Début 2022, ce comité de crise a vu son champ d’action s’élargir aux tensions sur les approvisionnements qui impactent actuellement de nombreux secteurs pour devenir le « comité d’action sur les délais de paiement et les approvisionnements ».
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Le comité de crise du BTP
Pour faire face aux difficultés de certaines filières, et notamment du BTP, un outil spécifique a été mis en place : un comité de crise pour le secteur du BTP. Objectifs, « faire remonter de manière confidentielle les noms des acteurs qui ne jouent pas le jeu de la solidarité et pouvoir intervenir auprès d’eux, travailler sur une médiation de filière et sur des bonnes pratiques communes », a développé Pierre Pelouzet. Olivier Salleron, président de la FFB, se félicite du succès de ce comité de crise du BTP. « Il est indéniable, à la fois en amont, avec certains fournisseurs qui profitaient d’effets d’aubaine pour augmenter les prix par des multiples de 5 ou de 10 du jour au lendemain, et en aval, avec des comportements peu vertueux de certains clients et maîtres d’ouvrage ».
« L’index dit BT du bâtiment de l’Insee, qui suit les coûts subis par une entreprise moyenne du bâtiment, progresse quatre fois plus vite que l’inflation en 2021. Pour le bâtiment, c’est une situation historique »
Le président de la FFB a rappelé les impacts de la guerre en Ukraine sur la filière en termes de pénurie notamment pour certains produits comme l’acier ou l’aluminium et des produits énergo-dépendants comme les tuiles, le carrelage et la faïence et les impacts énergétiques. « L’index dit BT du bâtiment de l’Insee, qui suit les coûts subis par une entreprise moyenne du bâtiment, progresse quatre fois plus vite que l’inflation en 2021. Pour le bâtiment, c’est une situation historique », ajoute Olivier Salleron.
Or, il constate que « 70 à 80 % des marchés du bâtiment sont signés à prix ferme et définitif d’une part et que les contrats s’étendent souvent sur plusieurs mois sinon plusieurs années. Les entreprises du bâtiment vont devoir affronter ce choc alors qu’elles sortent difficilement et affaiblies de la crise sanitaire. La solidarité de la filière devient indispensable dans ce contexte de gros temps perturbé et conditionne le débat à venir sur la nécessaire indexation et revalorisation des contrats dans un monde qui redevient inflationniste. »
François Asselin, président de la CPME abonde dans le sens de difficultés à venir pour les entreprises qui risquent d’être prises en étau « entre l’endettement à rembourser maintenant, les augmentations de salaires qu’il a fallu effectuer et l’augmentation des matières premières et des matériaux », citant l’exemple de l’un de ses adhérents, « une entreprise de 39 salariés qui verra ses factures d’énergie augmenter de 55 000 € par mois à partir du 1er avril, soit 600 000 € par an ». Le président de la CPME plaide d’ailleurs pour un bouclier tarifaire pour ces entreprises très exposées au coût de l’énergie. Pour déterminer leur exposition, il faut observer si l’évolution du coût de l’énergie est supérieure au résultat de l’année n-1 ajoute-t-il.
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Charlotte de Saintignon
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