Actu

Pacte de vie au travail : l’avant-projet d'accord du patronat suscite l’ire des organisations syndicales

Les organisations patronales ont transmis mercredi aux organisations syndicales un avant-projet d’accord qui n’a guère convaincu. Les syndicats se donnent jusqu’au 14 mars pour transmettre leurs contre-propositions. Deux nouvelles séances sont programmées avant la fin des discussions.

Pacte de vie au travail : l’avant-projet d'accord du patronat suscite l’ire des organisations syndicales
Les syndicats feront leurs contre-propositions d’ici le 14 mars, pour une nouvelle séance d’échanges, le 20 mars. © Getty Images

Le terme « Pacte de la vie au travail » a disparu au profit de du titre « accord national interprofessionnel en faveur de l’anticipation et de l’accompagnement des transformations de l’emploi » . Et le compte épargne-temps universel (Cetu), porté par la CFDT, ne figure pas dans ce texte… L’avant-projet d’ANI, transmis mercredi par le Medef aux syndicats, posent les bases d’une nouvelle approche dans la gestion RH des seniors, à rebours toutefois de leurs attentes. Car à l’issue de la séance de négociation qui s’est déroulée le 7 mars, l’optimisme n’est guère de mise pour décrocher un compromis.

« On entre dans une période de glaciation », a indiqué Yvan Ricordeau, à l’issue de la séance jugée « très compliquée ». « Il n’y a rien, c’est vide de tout contenu, le patronat a évacué toutes les propositions qui ont été faites », a renchérit Eric Courpotin de la CFTC. « Nous avons rappelé qu’il fallait être deux pour aboutir à un accord mais nous n’avons pas vu beaucoup d’avancée du Medef », a déclaré Michel Beaugas (FO).

Le Guide du Manager 2024
Passez à l’action :

Le Guide du Manager 2024

Contre-propositions d’ici le 14 mars

Face à ces désaccords, les syndicats feront leurs contre-propositions d’ici le 14 mars, pour une nouvelle séance d’échanges, le 20 mars, durant laquelle le texte doit être retravaillé pour tenir compte de leurs revendications. Mais le Medef et la CPME ont clairement annoncé que la nouvelle copie ne comporterait pas plus la mention du Cetu, « qui ne répondait ni aux attentes, ni aux besoins des chefs d’entreprise et des salariés ». La séance conclusive étant, elle, prévue, le 26 mars.

Sans attendre cette première échéance, la CFDT a indiqué qu’elle ferait un contre-projet dès vendredi dernier. La centrale de Belleville réunira également, les 13 et 14 mars son bureau national pour statuer sur la suite à donner aux discussions. « Soit la négociation ne nous convient pas et nous en tirons les conclusions, soit nous reconfigurons notre mandat pour accepter trois des quatre blocs figurant dans le document d’orientation à savoir l’emploi des seniors, l’usure professionnelle et les transitions professionnelles, en tirant un trait sur le Cetu », a expliqué Yvan Ricordeau. Mais dans ce cas, « nous taperons fort, tout vaudra plus cher » .

Si Michel Beaugas (FO) considère que « l’absence du Cetu pourrait compromettre la transcription législative de l’accord », Eric Chevée (CPME) estime, quant à lui, qu’il « défendra sa position auprès des parlementaires ».

CDI seniors et projet de transition professionnelle, deux points bloquants

« Sur l’ensemble des autres sujets, je ne vois pas d’autres points bloquants », a constaté Eric Chevée. Or, de l’avis des syndicats, plusieurs autres lignes de fracture se dessinent.

Primo, la question du CDI seniors cristallise les tensions. Car avec ce contrat d’un nouveau type, l’employeur pourrait y mettre un terme dès que le salarié cumule l’ensemble des trimestres requis pour partir à la retraite, sans attendre la mise à la retraite d’office à 70 ans. Mais pour Cyril Chabanier (CFTC), « les salariés n’ont aucune visibilité sur leur date de départ avant les six derniers mois. De plus, certains ne pourront aller jusqu’au bout en raison de l’usure professionnelle ».

Secundo, les organisations syndicales s’opposent au projet de transition professionnelle, proposé par le Medef. Avec, à la clef, une rupture du contrat de travail, financée par l’assurance chômage, via le dispositif démission-reconversion de l’Unédic, lorsque le parcours d’évolution professionnelle est à l’initiative du salarié. Actuellement ce sont les associations transitions professionnelles qui financent les projets de transition professionnelle en prenant en charge tout ou partie des frais pédagogiques et la rémunération du candidat. Une ligne rouge pour FO.

Une négociation atypique

D’autres sujets restent en suspens, à l’instar d’une négociation obligatoire spécifique pour les seniors, la négociation du plan de développement des compétences dans les entreprises de 50 salariés ou plus, ou encore l’obligation pour tout salarié à mi-carrière d’avoir progressé d’un niveau de qualification par rapport à leur début de carrière…

Reste donc à attendre une nouvelle copie du texte. Mais d’ores et déjà, Yvan Ricordeau estime que ces négociations ne ressemblent à aucune autre. « Elles ne se passent pas dans un cadre classique ». « C’est la première fois que les organisations patronales reformatent le document d’orientation et je pense qu’aucun chef de file peut se dire quel sera le chemin de passage à deux séances de la conclusion des discussions ». Il y a pourtant urgence : « Le mouvement social de 2023 a généré des attentes. Il a porté les germes d’un malaise social et mis en avant des questions sur le sens du travail, l’ascenseur social, le rapport au travail, auxquelles nous devons répondre ».

La CGT ne s’est pas exprimée à l’issue de cette séance.

Que contient l’avant-projet d’accord ?

Concrètement, l’avant-projet d’accord comporte deux parties. La première vise à mieux « Mieux anticiper les évolutions des emplois et compétences afin d’accompagner les parcours professionnels des salariés tout au long de leur carrière ». La seconde porte sur « les mesures ciblées pour accompagner et sécuriser les salariés en troisième partie de carrière dans l’objectif d’améliorer le taux d’emploi des seniors ».

Dans le détail, le texte rappelle que les « branches professionnelles et les acteurs sociaux dans les territoires ont un rôle majeur à jouer dans l’identification et l’anticipation des évolutions de l’emploi, des métiers et des compétences ». Une mission qui s’appuie sur la GPEC des branches et de la gestion des emplois, des parcours professionnels et de la mixité des métiers (GEPPMM) des entreprises.

Par ailleurs, il affirme la nécessite d’organiser des « rendez-vous tout au long de la carrière professionnelle », à « des moment clés », pour anticiper au mieux les besoins d’accompagnement, d’adaptation et de développement des compétences, voire d’éventuelles mobilités professionnelles.

À ce titre, la périodicité et le contenu des entretiens actuels pourraient être revisités. Surtout, le Medef se positionne pour un entretien de deuxième partie de carrière, couplé avec la visite médicale de mi-carrière ; voire des entretiens plus « qualitatifs » ou « check up complet » centrés sur les salariés et la préparation des parcours d’évolution professionnelle.

S’agissant des transitions professionnelles, le texte patronal vise à simplifier les dispositifs existants, en créant deux parcours. Le premier, à l’initiative du salarié, financé par l’assurance chômage, via le dispositif démission-reconversion de l’Unédic. Et un second, co-construit, entre le salarié et l’entreprise, financé par Transco, le congé mobilité et Pro-A.

Côté usure professionnelle, le patronat prévoit de « renforcer la prévention à destination des salariés pouvant être exposés à l’usure professionnelle », via « un suivi médical adapté ».

Il compte également s’appuyer sur les branches professionnelles qui ont négocié dans leurs accords de protection sociale complémentaire un « degré élevé de solidarité » (2 % des cotisations) permettant de financer, par exemple, des actions de prévention concernant les risques professionnel ou des mesures d’action sociale. Et ce, avec le soutien des instituts de prévoyance associés.

Pour lever les freins au recrutement des demandeurs seniors, le texte pose les bases d’un nouveau contrat, le CDI senior, en lieu et place de l’actuel CDD senior. En outre, le texte prévoit de revoir les conditions d’indemnisation, de contrôle et d’accompagnement des demandeurs d’emploi seniors.

Enfin, le patronat souhaite faciliter les aménagements de fins de carrière, en activant les dispositifs de temps partiel de fins de carrière, le renforcement de la retraite progressive et du cumul emploi-retraite.

Lire aussi Pacte de la vie au travail : les propositions chocs de la CPME sur les transitions professionnelles

Anne Bariet

Laisser un commentaire

Suivant